1966, l’année des révolutions culturelles il y a 50 ans

Cette année là, en 1966, il n’y eut pas d’événement politique majeur comme en 1968 ou en 1989. Mais cette année restera dans les mémoires car elle marque une rupture dans la musique, celle qu’on appelait pop et qui devient le rock dans les seventies. 1966, par une étrange coïncidence, fut aussi l’année de la révolution culturelle conduite par Mao en Chine. Deux révolutions culturelles, l’une en musique, l’autre en politique, mais aux conséquences et aux ressorts diamétralement opposés. Mao a joué la carte de la jeunesse pour appuyer son pouvoir en affaiblissant, voire humiliant, toute une génération de lettrés. Les mandarins furent fustigés, les valeurs traditionnelles mises au rancart. Des vestiges anciens ont été détruits. Les jeunes révoltés s’exprimaient sous forme de dazibaos. Cette situation fut chaotique mais elle permis à Mao de renforcer son pouvoir. La révolution culturelle visait les quatre vieilleries considérées comme l’héritage des valeurs bourgeoises et intellectuelles transmises depuis des siècles par les lettrés. Les décisions sur la grande révolution culturelle prolétariennes ont été promulguées par un texte approuvé en août 1966 par le comité central du parti communiste à l’instigation de Mao.
A l’opposé de la Chine, quelque part en Californie, une autre révolution culturelle est en marche. Elle n’est pas orchestrée par le pouvoir politique mais elle se manifeste dans la jeunesse et plus particulièrement dans un genre musical promis à l’universalité, la pop music. Un groupe de jeunes gens enregistre cette année 1966 un album qui paraîtra au mois de mai. Ce disque annonce une révolution mais il n’est pas le seul. Il fut joué par des garçons qui s’ils n’étaient pas dans le vent savaient surfer sur les vagues et chanter la vie dorée d’une jeunesse éprise de planches de surf et d’improbables flirts. Ainsi furent connus les Beach Boys à leurs débuts. Un groupe jugé facile, frivole et superficiel, à l’image de nos yéyés salués par les copains. Mais en 1966, l’album Pet sounds marque une rupture. La musique est plus élaborée et les thèmes abordés sont plus profonds.
Ce disque a été classé deuxième album rock de tous les temps par le magazine Rolling Stone, derrière Sergent Pepper’s des Beatles qui lui, est paru en 1967. Mais qu’on ne s’y trompe pas, les Anglais tirent les premiers et si influence il y eut, ce fut dans le sens Angleterre Californie. Aucun critique rock n’ignore ce fait. Les Beatles ont en effet effectué eux aussi cette métamorphose culturelle avec deux albums marquant une rupture. Rubber soul sorti en décembre 1965 puis Revolver en août 1966. Rubber soul a été considéré comme l’album charnière des Beatles avec des textes plus mûr qu’auparavant, lorsque ces gars dans le vent étaient considérés comme des bons garçons gais et souriant chantant les relations amoureuses juvéniles. L’instrumentation a été aussi élargie, avec l’emploi du sitar puis du violon dans Eleonor qui figure sur Revolver. Nowhere men écrit par Lennon est un titre remarqué pour son contenu plus philosophique. Cette chanson illustre parfaitement un sentiment partagé par les consciences attentives de cette époque et qui sera explicité à travers la thèse de Frochaux sur l’homme seul. Un type d’individu qui émerge justement dans les années 1960. Et qui semble aller nulle part.
1966, jamais deux sans trois. Et là aussi, la scène british montre tout son talent avec un groupe formé en 1965 mais dont la légendaire line-up fut consolidée en 1966 pour peu de temps avec le quartet Barret, Mason, Wright et Waters. C’est cette année qui a permis aux Pink Floyd de se faire remarquer, notamment en interprétant pour la première fois quelques tentatives psychédéliques qui ont marqué une immense rupture et dont la manifestation est due à cette nouvelle formation suite au départ de Bob Klose qui a permis au groupe nouvellement formé de prendre ses distances avec un style orienté blues rock. Avec le Floyd, la révolution est plus dans le style et l’esthétique musicale que dans les textes, du reste, parfois léger ou plus subtils.
Si les Beatles ont influencé les Amériques, le Floyd a marqué de son empreinte toute une génération de musiciens qui ont pu sortir des impasses du psyché de garage et du blues expérimental. Le premier disque de Tangerine Dream montre à quel point le Floyd a influencé le krautrock allemand. Avec une musique axée sur l’atmosphère et les claviers, une musique faite pour méditer, prendre conscience du cosmos, bref, une musique space. Les influences du Floyd vous les trouverez dans les premiers albums de Tangerine Dream ainsi que chez Eloy ou Amon Dull 2. Sans aucune intention polémique, les Européens ont été plus inventifs dans le rock que les Américains. Et ils le sont encore.
Cette année 1966 suivie de 1967 résonne comme une éternité incarnée en cette année 2016 marquée par la lassitude, la fin de civilisation et les jeux malsains exécutés par les chefs politiques manipulant le crétinisme populiste. Vous savez de quoi je parle, si vous ne savez pas c’est que vous faites partie de la classe des crétins. Cette classe est plus universelle que celle des prolétaires. Elle englobe tous les types de crétinisme et elle est présente dans tous les pays. Elle ne fera pas la révolution. Elle sera le ressort de la dévolution, enterrant toutes les aspirations esthétiques, morales et intellectuelles qui se sont dessinées en 1966. Je pense aussi à la gnose de Princeton et à bien d’autres choses. Nous avons oubliés cette révolution culturelle et je pense que… ou plutôt je ne pense plus… et je ne parle plus aux cons, ça les instruit !
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