20 minutes pour la mort, Bilger revient sur le Procès Brasillach

Un petit article sur l'un des derniers ouvrages qu'il m'a été donné de lire, l'excellent livre de Philippe Bilger, "20 minutes pour la Mort, Robert Basillach : le procès expédié".
Dans ce livre, Philippe Bilger revient sur le procès d'un homme pour lequel justice ne fut pas faite, avec un certain courage d'ailleurs, vu le tabou régnant quand il s'agit d'évoquer la trouble époque de l'épuration.
Sans jamais déroger à la pudeur qui est de mise quand on évoque cette période si proche des innommables crimes nazis, Philippe Bilger raconte le procès Brasillach sans complaisance pour ceux qui, au nom de la raison d'état qui venait de se refaire une virginité parfois peu méritée, ont mené une justice d'exception ayant son fondement dans le ressentiment, la haine et la vengeance, quand la grandeur aurait voulu qu'on reste intègre et droit. Une grandeur et une droiture d'âme défaillante qui aurait, si elles avaient présidé à ce procès, fait ressortir avec plus de lumière encore l'atrocité du nazisme à peine battu, au lieu de l'abaissement de la justice au rang d'une terreur d'après révolution que la France a connu pendant l'épuration.
On y voit (ou découvre) comment des magistrats, avaient-hier au service de Vichy, hier au service du gouvernement gaulliste/communiste, ont pu tout en s'accordant l'immunité (voire l'impunité), refuser à la fois la clémence (ce qui pourrait se comprendre) mais aussi la justice (ce qui n'est ni excusable ni glorieux) à ceux qui avaient fait comme eux mais n'étaient pas magistrats.
On y sent, sans qu'ils soient nommés et sans avoir besoin de s'y attarder, les résistants de la dernière heure, les communistes collaborateurs jusqu'en 1941 mais bourreaux victorieux en 1945, les couards de l'occupation, les opportunistes qui à force de tourner leur veste ont su faire oublier quelle avait une couleur quelconque et le peuple parfois perdu au milieu de ces collusions politiques ou politiciennes qui font parfois ressortir Brasillach comme un intègre égaré au milieu des fourbes qui avaient fait bien pire que lui en termes d'actes, et ceci sans jamais excuser les errements de cet apologiste du fascisme.
La réflexion de Bilger est axée sur la différence entre le procès politique et le procès criminel, entre l'acte et l'opinion, entre une justice équilibrée et juste (pléonasme) et une justice d'intérêts (supérieurs ou inférieurs, qu'importe).
Il nous fait sentir au plus profond de nous-même ce qu'a été ce procès qui n'a duré que 6h et dont le délibéré a pris 20 minutes (du jamais vu) pour aboutir à la sentence de mort. 20 minutes pour tout revoir, tout peser, tout analyser. Bref, 20 minutes pour rien, car tout était déjà décidé bien avant l'heure.
Je vous en livre un extrait :
"Mais sa mort, son exécution n'ont pas seulement entaché la Libération mais l'humain. En effet, quelle honte que cette condamnation à l'irréversible, parce que sacrifier la vie d'un homme à une justice défaillante, à un Etat sûr de son emprise est déjà un scandale ! Mais davantage encore : bien plus que les plaidoiries de Badinter hier, rien ne me fait mieux percevoir, dans son horreur et sa majesté répugnante, le caractère affreux de la peine de mort, quelques que soient ses modalités, que Brasillach fusillé au poteau de Montrouge ! On peut tourner le problème dans tous les sens, accabler Brasillach autant qu'on le veut, avoir la nausée à la lecture de ses articles, le prendre pour un écrivain surestimé et un journaliste haineux, rien, jamais, ne parviendra à justifier cette froide résolution mise en oeuvre par une cour d'exception et validée par un général de faire disparaitre un esprit, une âme, une vie de la surface de la France."
Mais pour bien comprendre, il faut lire le livre...
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