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Aikido : Vive l’Ethique de Spinoza et la puissance de Nietzsche !

 S’inscrire dans une démarche visant à améliorer la construction personnelle, la connaissance de soi et, par là, notre approche à l’autre, peut s’avérer un parcours difficile dès lors que notre pratique, notre « manière d’être », se trouve confrontée à la morale, au jugement. Y compris au nôtre. C’est là que l’Ethique de Spinoza et la puissance de Nietzsche volent à notre secours.

Car c’était installé, sous l’effet du « jugement » de l’autre, un terrible sentiment de faute. De ne pas « bien » faire. De ne pas être à la « bonne » place. Ce malaise, proche d’un certain exil, nous l’avons tous connu un jour sur le tatami ou au sein de tel ou tel groupe d’études.

Mais pour aussi isolés que nous nous sentons alors, nous possédons néanmoins un appui inestimable : il nous vient des philosophes ont perçu et analysé ce phénomène. Ils nous offrent leurs sentiments et sensations. Ils nous viennent providentiellement en aide. Nous permettent de nous alléger et de prendre de formidables bouffées d’oxygène.

Baruch Spinoza, nous explique Gilles Deleuze - qualifiant le penseur du XVIIe siècle de « prince des philosophes » - oppose au jugement, à la « morale » une « Ethique ». Un puissant blindage contre les tirs nourris du regard de l’autre, avec tout ce qu’il comporte de négatif et d’handicapant dans notre effort de progression et d’évolution.

 

DOUBLE JUGEMENT

Notre quête profonde, à laquelle nous n’osons même plus croire à force, est bien celle de l’expression personnelle, de la sensation personnelle, toutes nous permettant de nous accomplir. Cette démarche se voit, dans les faits, brisée dans son élan par la morale, la censure de l’autre. Quand ce n’est pas l’auto censure. « Ceux qui ont le goût de la morale sont ceux qui ont le goût du jugement », constate Deleuze.

« La morale c’est l’entreprise de juger non seulement tout ce qui est, mais l’être lui-même. Or on ne peut juger de l’être qu’au nom d’une instance supérieure à l’être », estime le spécialiste de Spinoza dans un cours dispensé en 1980. La morale, poursuit-il, « c’est le système du jugement. Du double jugement. Vous vous jugez vous-même et vous êtes jugé ».

« Dans une éthique, c’est complètement différent, vous ne jugez pas (…) le point de vue d’une éthique c’est : de quoi es-tu capable, qu’est ce que tu peux ? », explique Gilles Deleuze.

Et là, invoque avec « puissance » l’esprit de Spinoza, qui au XVIIe fût, sans le savoir, le mentor de ceux qui étudient les Arts martiaux et toutes pratiques qui en appellent au corps et à l’esprit sans supériorité de l’un sur l’autre. « Qu’est-ce que peut un corps ? » tel était le cri de Spinoza qui explique que « tel ou tel corps, ce n’est jamais un corps quelconque, c’est ce que tu peux toi », analyse Deleuze.

Merci ! Car ce constat fait voler en éclat le diktat selon lequel une pratique est unique, indivisible adaptable à tous sans distinction. Ce constat effectué par Spinoza nous permet de reprendre notre chemin personnel, notre vie en main. Nous existons en tant que tel et non en tant que suiveur docile d’une doctrine généralement admise.

 

MATHEMATICIENS OU DANSEURS

Pour autant, les pratiquants des Budô (Arts martiaux japonais), musiciens, mathématiciens, boxeurs ou bien encore danseurs encourent-ils un risque en se recentrant à travers l’Ethique sur leurs sensations propres au détriment de celle du groupe ?

Non. Selon Deleuze le discours éthique « ne nous parle que de la puissance, à savoir les actions et les passions dont quelque ‘chose’ est capable ».

Cette puissance, ce concept de « volonté de puissance » sera lancé, après Spinoza par Friedrich Nietzsche deux siècles plus tard. La puissance dira-t-il, « n’est pas ce que je veux, par définition, c’est ce que j’ai ». Moi, sans l’apport des autres, d’un groupe, de leurs regards et jugements.

« Faire de la puissance l’objet de la volonté est un contresens, c’est juste le contraire », analysera Deleuze. Il joint, pour leur grand plaisir sans doute, et le nôtre assurément, les deux grands philosophes : « qu’est-ce que peut un corps ? c’est ce que tu peux toi, en vertu de ta puissance ».

Et Nietzsche de nous conjurer à « devenir ce que nous sommes ». Mais interroge au 21e siècle le président du Comité consultatif national d’Ethique, le professeur Jean-Claude Ameisen, « quelle est donc cette identité profonde, cette personnalité qu’il s’agirait d’atteindre et où est-elle située dans le temps. Est-elle déjà dans le présent ou se situe-t-elle dans le futur ? ».

Le conseil de Nietzsche n’est pas donc aisé à suivre même s’il nous offre sur un plateau à la fois clé de la confiance en soi, de la libre pensée, de l’expression et de l’épanouissement personnel. C’est sans doute, là, toute la grandeur du travail qui nous attend.


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5 réactions à cet article    


  • leypanou 19 mars 2013 18:19


    Peut-on s’épanouir dans un environnement autre que là où on se sent « bien » ? Dans quelle mesure la société oblige à un certain conformisme, qui lui même est accepté par tout individu comme étant naturel ? Et jusqu’où est-on vraiment libre alors que l’on vit dans un monde de vivants ?

    Le mathématicien, ou l’apprenti mathématicien, ne peut exceller que dans un domaine où il se sent à l’aise. Mais, plus sa culture est vaste, plus il aura le choix. Beaucoup de « grandes » théories ont été trouvées par des personnes qui sont à la charnière de plusieurs domaines ou même disciplines. Son choix est donc en fait réduit automatiquement. Si des conjectures sont restées insolubles pendant plusieurs années, c’est que justement ceux qui s’y sont « cassés les dents » n’ont voulu passer que par les chemins classiques parce que tout simplement ils ne le pouvaient pas.

    L’ouverture d’esprit est donc la première étape de la prise de conscience de soi pour devenir ce qu’on est finalement, mais caché car brimé par l’environnement social, religieux, culturel, intellectuel, etc.


    • Xtf17 Xtf17 20 mars 2013 07:56

      Merci à l’auteur pour cet article.
      Il n’y a pas si longtemps j’aurais approuvé à 100%, aujourd’hui je suis plus circonspect après avoir lu les analyses de Michéa sur cette question, notamment dans l’Empire du moindre mal.
      Il montre que le refus de la morale, issu du changement de paradigme au XVIIe s (qui a désormais considéré l’homme comme irrémédiablement et fondamentalement égoïste et mis en place une politique sociale pour éviter la répétition des guerres de l’époque, lire aussi Michéa ce mois-ci dans Marianne), mènent directement aux dérives actuelles du libéralisme et à l’opposition de tous contre tous, bref contre-productif. C’est selon lui la limite de la réflexion de Deleuze qui ne se soustrait pas à cet influence. Il oppose plutôt la « Common decency » de Georges Orwell, ce en quoi je rejoins le précédent commentaire de durae sur l’intérêt d’une éthique comme celle de Spinoza comme synthèse additive.
      Bref, question difficile.


      • Yoann Yoann 20 mars 2013 11:10

        Merci Denis pour cet article smiley
        Spinoza est incroyable de logique et de profondeur, les propositions de l’Ethique ( que je suis en train de lire en Français, ne comprenant pas le latin) sont énoncées sous forme de théorème ce qui convient parfaitement à mon esprit cartésien borné.
        Bref je conseille vivement, ce fût une révélation pour moi ...


        • luluberlu luluberlu 20 mars 2013 12:10

          Juste une remarque W N ne pense pas une « libre pensée », mais un « esprit libre »...le concept de sur-humain et d’éternel retour, s’induisent de la volonté de puissance avec le « principe » difficile de claver principe quand il s’agit de FN, des forces actifs réactifs seraient l’aboutissement époque, il nous est de les rendrent actifs....un pas vers la Sylvilisation ?


          • luluberlu luluberlu 20 mars 2013 12:22

            W N et FN c’est Wilhem Friedrich Nietzsche... etune coquille de clavage : « l’aboutissement à notre époque, impartie ? » si l’on en veut pour lecture et relecture et rererelecture : « Ainsi parlait Zarathoustra. »

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