Amphitryon (de Kleist)
Amphitryon d’Heinrich von Kleist par Sébastien Derrey Avec Frédéric Gustaedt, Olivier Horeau, Catherine Jabot, Fabien Orcier, Nathalie Pivain et Charles Zévaco, Théâtre de la Commune30 septembre au 13 octobre au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers ; 17 au 19 octobre CDN de Besançon ; 22 eu 25 février 2017 au Théâtre Garonne à Toulouse
Sosie, serviteur du général Amphitryon, vient annoncer à Acmène la victoire militaire de son mari et, du coup, son retour. Joyeuse nouvelle. Il n’arrivera pas jusqu’à la maison, il se fait repousser méchamment par un autre lui-même intransigeant. Difficile à comprendre, mais le fait est là. Rusé, il plie mais ne rompt pas, à la manière des valets malins chez Molière. Peu de temps après, Amphitryon reçoit un accueil semblablement incroyable : Alcmène lui affirme qu’ils ont passé la nuit ensemble et qu’il a pris toutes les licences auxquelles un mari a droit avec son épouse. Qui s’est permis ? Il se dresse et oppose le réel à ce que lui dit son épouse : il a livré bataille, il était sur le chemin. Quiproquos… le vrai et l’apparence, (où est l’identité ?). Comment prouver quelque chose ?
Amphitryon et son valet Sosie sont coincés dehors, comme des étrangers, comme des mendiants. Les idées vont vite et la philosophie se répand. Ils sont littéralement remplacés. Leur existence disparaît et cependant, ils ne baissent pas les bras. Ils continuent et cherchent que faire et comment être alors qu’ils n’ont plus rien. Alcmène se demande si aimer un dieu ne serait pas meilleur qu’aimer un homme ? qui aime-t-on vraiment quand on aime, l’être ou le paraître ? L’idée de l’amour ? La douceur de la relation ? Jupiter est amoureux, forcément, et les deux Amphitryon entrent en rivalité… Le dieu en est, en fait, plutôt dévalué. A la fin, les dieux abandonnent tout et rendent les humains à leur humanité, non sans laisser l’enfant demi-dieu engendré par Jupiter et Alcmène aller à son terme…
La scène est un pas de porte, c’est dans le texte ; tout y est situé, de par l’empêchement d’y entrer pour Amphitryon et Sosie. Du coup la maison, avec la chambre conjugale, est comme la face cachée de la lune, mystère, fantasme, promesse d’Eden. La dite porte est un rideau façon théâtre de l’ancien temps, pile au centre de la scène, qui s’ouvrira de plus en plus grand au cours de la pièce. Ce rideau est pendu à une sorte de coursive qui sert peu. Au-dessus, un grand écran lumineux blanc, qui figure sans doute le ciel des dieux surplombant nos agitations humaines. Il sera strié d’un éclair déchirant, fort symbolique, qui est mis en avant dans les prospectus et le site, alors qu’il est d’une symétrie redondante et d’un rapport suspect à la pièce. Un peu à l’inverse de cette esthétique, des chaises pliables blanches, dorment le long des murs et, je dirai, évidemment sont renversées dans un moment de colère.
Sébastien Derrey a pris le parti, me semble-t-il, de serrer le texte au plus près du sens littéral. La traduction contient quelquefois des formulations récentes à la mode, joyeusement décalées et anachroniques. Cela donne parfois des drôleries fugitives excellentes, dans un ensemble plutôt sombre et grave. Ce principe, difficile, est bien tenu tout du long ; il n’est pas abandonné en cours de route, ni estompé à certains moments. La succession des répliques s’entend et se joue dans un rapport trivial, précis au millimètre. L’ensemble en est un peu sous-vitaminé et demande beaucoup au spectateur. Le metteur en scène travaille aussi sur la musique des mots et des voix. Trop basses parfois, on n’entend pas, on a du mal à se sentir concernés. Peut-être n’est-ce qu’une question de rodage ?
Un spectacle formel, exigeant qui ne porte pas particulièrement le texte au public.
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