Au pilon

Le triste point fatal
Une aventure éditoriale qui s’achève en eau de boudin, ce ne doit pas être nouveau ni hélas exceptionnel. L’auteur place tellement d’espoirs déraisonnables dans l’illusion de la consécration, que bien souvent le principe de réalité le rattrape et le cueille, à moins qu'il ne le fauche sans rémission, le laissant sans force sur le bord de la route en plein doute. Vendre un livre n’est pas une mince affaire d’autant plus que les grandes librairies sont totalement inféodées aux maisons d’édition nationale tandis que le lecteur n’a de curiosité que pour ce qu’il a vu à la télévision.
Même quand il sait tout cela, « l’écriveur » local se pense au-dessus de la mêlée, espère que le public saura faire preuve de lucidité en reconnaissant ses immenses mérites tandis que le bouche à oreille brisera la loi du silence. Il se leurre en bien des points et sans doute en priorité sur son talent, qui hélas lui fait cruellement défaut. La chute est redoutable, le naufrage terrible avec des pauvres ouvrages qui restent sur les bras des uns et des autres.
Les pauvres bouquins sont sans doute victimes d’un travail d’édition quelque peu bâclé - ce qui ne fait qu'aggraver les choses - d’une promotion totalement défaillante - il ne fallait pas s’attendre à mieux - d’un désintérêt de la maison pour le démarchage des clients potentiels et d’un prix de vente parfaitement déraisonnable. Tout cela fait que le fiasco est inexorablement au rendez-vous.
Que faire dans pareil cas ? Ceux qui disposent des droits sur l’ouvrage, souhaitent légitimement faire le vide dans leurs innombrables réserves. Un livre qui ne se vend pas prend plus de place que celui qui s’arrache (si jamais cela existe en cet endroit). C’est une donnée incontournable à laquelle il convient de remédier de manière expéditive. En commerçant avisé, le vendeur se propose de solder à l’auteur le reliquat d’un espoir déçu à un prix qui permet encore de faire quelques bénéfices.
L’auteur comprend alors que son cher livre est menacé de disparition. L’alternative est simple, mettre la main au porte-monnaie et prendre sous sa coupe ses enfants qui n’ont pas trouvé familles d’adoption, ou bien les sacrifier aux mâchoires terrifiantes du pilon. Dans mon cas, le choix est simple, lassé de vendre seul les livres qui sortent de cette grande maison, je renonce à m’embarrasser une fois encore de cette obsession.
C’est donc la mort dans l’âme que je prononce la peine de mort à mes bonimenteries du Val d’Or. Cent cinquante ouvrages qui sont restés sans acheteur et qui finiront en poussière, en pâte à papier, en confettis ou je ne sais quelle forme réductrice. C'est à bien y réfléchir la manière la plus adéquate de clore cet épisode, de tirer un point fatal à cette lamentable erreur.
J’avais cédé aux belles paroles, je pars sans un regard pour ceux qui m’ont déçu au-delà du possible. Je broie du noir et du papier, le pilon réduit à néant le rêve de gloire littéraire. Il est vrai qu’à bâcler un ouvrage, à ne pas lui accorder mise en page et présentation, il est devenu un objet sans intérêt qui ne peut que sombrer dans l’oubli.
Je réussis le tour de force de n’avoir même pas en ma possession un exemplaire convenable et complet, ni du premier ni du second recueil de contes. C’est dire si cette expérience s’inscrit totalement et irrémédiablement dans la colonne pertes et déboires. C’est ainsi que jamais plus je ne vais tenter le diable et mon infini orgueil, il n’y aura pas d’autres Bonimenteries sur les rayons des librairies qui n’en ont que faire.
Je souhaite bonne chance aux auteurs qui poursuivront ou entameront une collaboration avec ces personnes. Je sais désormais que les salons du livre, ce n’est pas fait pour moi. Un auteur qui s’affiche comme une plante verte derrière une table sur laquelle s’étalent ses ouvrages, ce n’est pas ma tasse de thé. Il me faut parler, raconter, faire le spectacle et c’est précisément ainsi qu’il convient de ne pas agir dans cet univers sérieux à en mourir.
Au pilon ! La formule m’amuse ! J’en suis même assez fier. Pour un trou du C... comme moi, je ne pouvais rêver mieux pour faire un pied de nez final en guise de conclusion. Le roman seul, trouvera grâce à mes yeux, à la seule condition d’être en auto-édition. Le prochain est en route tandis que le premier est presque épuisé. Que mes détracteurs se réjouissent, j’ai lamentablement échoué dans cette aventure littéraire.
Épiloguement leur.
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