« Chute d’une Nation » : le FN rôde chez Mnouchkine
Comment le FN pourrait-il se retouver au pouvoir en France ? Cette question peut-elle devenir la trame d’une série politique en quatre épisodes ? L’ensemble créant un OVNI de huit heures de spectacle ! Imaginons les questions que le jeune auteur, Yann Reuzeau, a dû se poser quand, pour la première fois, l’idée de cette saga lui a traversé l’esprit. Que de risques ! Le public, qui aurait vu un épisode, reviendrait pour voir la suite et reviendrait encore. Quatre fois ! Le pari était audacieux. Très audacieux. Par le sujet, tout d’abord car la real politik, la vraie, est plutôt rare au théâtre. Les vaudevilles populaires sont plus recherchés par les producteurs. Il fallait également engager douze comédiens. Non, ce n’était pas le style des éternels monologues de Luchini et de Weber. Un seul comédien qui fait son beurre et un public qui croit aller au théâtre. Car le théâtre c’est une dramaturgie.
Que de difficultés donc au moment de lancer le projet. Et pourtant ce pari a été tenu et réussi. Depuis plus de deux ans, « Chute d’une nation » qui a convaincu les spectateurs de la « Manufacture des Abbesses », le petit théâtre que dirige l’auteur Yann Reuzeau, a tourné en France, en Suisse, en Nouvelle Calédonie pour être actuellement l’invité, on ne la remerciera jamais assez, d’Ariane Mnouchkine qui permet à l’œuvre d’être présentée dans son intégralité.
Il est évident que si l’on vous dit : « Voilà vous arrivez au théâtre à 13 heures et vous en sortirez à 22 heures », vous imaginez le pire. (Même avec quelques entractes dinatoîres !) On s’ennuie parfois au théâtre et là, on risque gros ! Et pourtant, il y a dans ce texte, dans son rythme, dans sa construction de scènes brèves, une telle dynamique que s’ennuyer n’est pas au programme. Par ailleurs : voir l’ensemble est indispensable et passionnant car une œuvre n’existe que dans sa construction, son évolution, cette fameuse dramaturgie qui enserre tout et tous et annonce le drame inévitable.
J’avais vu l’épisode 1 et le 4 de la pièce ,il y a deux ans. Mais il est évident que la puissance de l’épisode 4 n’apparaît qu’à la suite des trois premiers. Imaginons de découvrir une cathédrale : -un jour la nef, puis, les flèches, puis l’autel, puis la coupole. C’est l’ensemble qui témoigne de sa grandeur.
L’histoire, à la mode des séries américaines, les bonnes, nous plonge dans les prémisses d’une campagne présidentielle. Tiens donc… On y découvre une gauche qui ressemble terriblement à la gauche actuelle, déchirée de tendances, d’ambitions, d’egotismes , de souvenirs d’anciennes magouilles. Au milieu de ce mic-mac coutumier, un jeune député, Jean Vampel, va être choisi pour créer diversion mais il va plaire davantage, les medias jouant le rôle prépondérant qu’on leur connaît. Il est intéressant de voir tous les évènements qui composent un destin. Comment les faiblesses d’un choix, les hasards d’un accident, l’emportement d’une décision jusqu’à la révélation du dernier acte conduisent là où l’on ne voudrait pas aller.
Je souhaite à Yann Reuzeau que sa pièce trouve son achèvement dans une série ou dans un film. Il a su créer une histoire qui pose bien des jalons, colle à la réalité politique désastreuse qui nous perd, néanmoins menée par des hommes dont quelques-uns tout sont honnêtes. Mais font-ils mieux que les autres quand le destin s’en mêle ?
Saluons la qualité des comédiens qui tous sont remarquables. Et il en faut de l’énergie , du talent pour porter pendant huit heures d’affilée, passion, folie, angoisses, déchirements.
Nous spectateurs, finissons-nous par penser que la « magouille » en politique est un choix honnête ? Est-ce le dernier piège ?
Mais je n’en dirai pas plus.
Vous avez encore deux week-end pour voir le spectacle à la Cartoucherie de Vincennes. Théâtre du Soleil. La pièce sera ensuite reprise à Paris au Théâtre Michel. Mais coupée en deux épisodes.
Je ne saurai assez vous conseiller de voir l’ensemble et ainsi de juger de l’évolution et de la cavalcade finale d’un beau morceau de théâtre.
Par ces temps commerçants, c’est assez rare.
Distribution : Walter Hotton, Didier Mérigou, Sophie Vonlanthen, Leila Moguez, François Hatt, Morgan Perez, Yvan Lambert, Raphaël d’Olce, Emmanuel de Sablet, Manga Ndjomo, Mitch Hooper, Marc Brunet, Pierre Deny, Lionel Nakache
39 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON