Des comme ça, y’en aura plus
Ah mince encore un. Le rock’and’roll ressemble un peu plus à un cimetière aujourd’hui.... avec la disparition ce jour à 75 ans de Bob Bogle, le leader des Ventures. Vous ne connaissez pas les Ventures, très certainement... Pour beaucoup, en effet, rock signifie Elvis Presley. C’est marrant, pour moi pas trop. Je suis arrivé après la vague des chanteurs de rock, et ai davantage apprécié les guitaristes aux chanteurs. Ne me demandez pas pourquoi je serais bien incapable de vous l’expliquer. Non, les guitares seules, instrument d’époque et de révolte de jeunesse je suppose : mon père jouait du trombone à pistons (trois !), mon grand père du tuba et était chef d’harmonie municipale, je ne pouvais pas me destiner aux cuivres, par simple esprit de contradiction. Mon père n’a jamais cherché à m’imposer quelque goût musical que ce soit, en fait. Alors la guitare électrique s’est imposée. Comme un SON différent avant tout, comme instrument résolument moderne. Chez moi on baignait dans l’accordéon et les flons flons de l’harmonie municipale, je ne pouvais donc faire de même, pré-adolescence oblige. Il y aura donc quatre découvertes fondamentales pour ça, faites à une dizaine d’années pas plus. Quatre groupes d’instrumentistes, ceux qui ont créé le « combo » classique de rock, le quatuor, à savoir basse-batterie d’un côté, guitare rythmique-guitare solo de l’autre. Quatre groupes pour ça : deux anglais, un américain et un...suédois.

Les Spotnicks avaient un son plutôt aigu bien particulier, et ça s’explique : leur leader était électronicien de métier, et avait lui-même conçu les amplis et leur chambre d’écho :"La première particularité de cet équipement est une chambre d’écho à bande dotée d’un nombre de têtes d’enregistrement et de lecture beaucoup plus important que tout ce qui était disponible dans le commerce à l’époque. La résultante étant un son très ‘’enveloppant’’, semblant provenir des quatre coins des salles de concerts où le groupe se produisait". Ceci pour l’incroyable effet de "distance" de leurs enregistrement. Le second "truc" étant le pré-mixage en entrée des trois guitares et des micros de batterie : "La seconde consiste en un préampli à plusieurs entrées où sont branchées les trois guitares, basse, rhytmique et solo, mixées à l’aide de trois jeux de micros Shure, le tout envoyé dans des amplis Dynaco Mark III. Le son est enfin redistribué par l’intermédiaire d’un énorme haut parleur de 30’ (soit plus de 75 cm !), pouvant dispenser des basses impressionnantes, et de 6 baffles contenant chacun deux haut parleurs Philips de 12’’. Mieux encore : il existe une légende chez les Spotnicks, comme quoi un jour un gars aurait vu caché dans une guitare un magnétophone.... une de ses bonnes vieilles légendes urbaines, répétées de revue en revue tout simplement car en effet, ils jouaient déjà.... sans fil ! En fait une autre invention de Winberg, avec quelques autres encore : "Bo Winberg sera même à l’origine du système de transmission sans fil, de la guitare à l’amplificateur, qui ne verra le jour que de nombreuses années plus tard. Ce dispositif alors totalement inconnu, alimentera la rumeur selon laquelle ils utilisent le play-back en concert. Il fera taire les mauvaises langues en descendant de scène pour se mêler au public et démontrer que sa guitare fonctionne bien sans fil. Autres trouvailles à mettre à son crédit ; le secret d’ un dispositif anti larsen, la bête noire des guitaristes d’alors ; ainsi qu’un compresseur de dynamique, disposé entre le préampli et l’ampli, et permettant d’obtenir un son très pur par l’élimination quasi totale de l’effet de distorsion." Comme les Shadows, il aborderont les thèmes hispanisants avec un certain bonheur, à vrai dire : on peut être suédois et être attiré par le soleil...(admirez la richesse des décors de la télé de l’époque : des fils tendus !). Ils reprendront aussi du Shadows ! Et en 2009, ils jouent toujours à 80 balais ... en fait !! Mais sans les casques ! Des casques qui semblent avoir chez tous attaqué leur chevelure !!! Ils ont encore néanmoins la rock attitude (à comparer à leur jeunesse), c’est pourquoi on va leur tirer bien bas notre... casque de Spotnicks.
Le second groupe est anglais, ce sont les Tornados. Apparus en même temps que les satellites, avec leur hit "Telstar". Et là surprise, c’est un piano électrique qui est leader et non une guitare ! Très vite, on s’aperçoit que c’est plus proche du bal musette que du rock : les Tornados feront des chefs d’œuvre de kitsch, inspiré par leur producteur Joe Meek, dont un resté en images à la postérité, sous le titre de "Robot". Un sommet de niaiserie ! Quand on pense qu’on les comparait à l’époque aux Shadows, en les présentant même comme des rivaux potentiels !!! De la musique de manèges ou de foire !
Car avec les Shadows, on entre dans une catégorie au-dessus, et largement au-dessus. Pas besoin de costumes de cosmonautes ni de pochette de disque à la mode. Quand Hank Marvin empoigne sa Fender, on sait tout de suite à quoi on a affaire. On n’insiste pas : les Shadows sont le groupe de référence du genre, je l’ai déja dit ici-même. C’est aussi un groupe ou le batteur aura eu son importance : combien ont acheté les deux LPs pour écouter la différence entre Big B et Little B, les deux solos de batterie... pour découvrir que Little B est bien le plus long des deux morceaux !
Avec les Ventures, on entrait aussi dans une catégorie intéressante. Moins bons techniquement que les Shadows, certes, mais avec pas mal d’allant musical. Deux versions à des années d’intervalle de leur hit speedé "Wipe out" sont là pour pour montrer qu’ils n’avaient rien perdu encore de leur verve en 1998. Car Les Ventures avaient commencé en simplifiant : le fameux "Walk don’t run" qui les mettra sur orbite était au départ un morceau de Chet Atkins bien trop difficile à jouer en le simplifiant, ils lui donnèrent une tonalité purement rock . Remarquez on peut aussi le jouer XVIeme ce morceau quand on est très doué... et à deux. A moins d’être une gamine douée sachant jouer du vibrato...., le plus renversant dans le genre étant Michael Chapdelaine, (né en 65 !) plein d’humour et de rythme... mais tellement adroit, à vous faire balancer votre gratte au mur... (écoutez donc sa version de "I Heard it trough the Grapevine", ou celle-là, ou encore de "Come Together" ! Ou pourquoi pas de "California Dreamin" : celui-là, c’est sûr peut nous jouer le bottin (ou du Bach) ! ) Faut dire qu’il avait été à bonne école, le bougre ! Un petit Wipe Out revu par notre guitariste au talent fou pour refermer cette parenthèse, et nous retrouvons les Ventures à qui nous rendons hommage. Le SON des Ventures c’était aussi ceux des tous premiers effets sur les "grattes" : les fameuses pédales d’effet dont parsemaient les scènes les guitaristes des années 70. "The 2,000 Pound Bee", l’un de leur hits, fut le premier titre enregistré avec une Fuzz-Box, par exemple. John Belushi avait souhaité l’’entendre à ses funérailles, il a été entendu. Les membres du groupe en dehors des deux fondateurs vont changer en 49 ans de carrière sans interruption : les batteurs en particulier. L’un d’entre eux, Georges Babitt devenant général de l’US Air Force, comme quoi la musique mène à tout... Les Ventures donc, qui ont eux aussi traversé le demi-siècle en jouant régulièrement, (ici avec le moustachu Jeff "Skunk" Baxter de... Steely Dan !) jusqu’au décès de leur leader aujourd’hui. Leur succés sera tel qu’ils auront des clones : les Surfaris notamment, qui eux aussi, jouent toujours... je vais finir par croire que la guitare conserve.
Une époque de groupes instrumentaux qui se termine définitivement, donc avec le décès progressif de ses membres. L’époque révolue des Wurlitzer de bistrots. Des groupes en costards qui balançaient mollement sur scène...et n’hésitaient pas à s’attaquer à Duke Ellington ! Et à le rejouer 41 ans après ! Ou des délires en plein désert pour le "fun". Des morceaux instrumentaux, sans oublier les thèmes de feuilleton comme ceux de Mancini (la Panthère Rose !) et son fabuleux Peter Gunn repris avec brio par et devenu culte grâce à John Belushi.... en 1986, une version renversante et jazzy en diable en avait été faite par le grand orchestre de Mancini lui-même. Puissant !!! Un Duane Eddy vieillissant, en avait livré sa version également, mais aussi le Tony Levin Band, The Cramps, Art Of Noise ou même Nils Lofgren (de chez Bruce) avec qui ç’est aussi coton... l’une des plus triturées étant celle du méconnu Roy Buchanan et l’une des plus étranges versions (et des plus "acides") celle des Remo Four... Bref, les groupes purement instrumentaux rocks se meurent petit à petit. Une page d’histoire musicale se tourne. Notre Bob dort en paix, enfin... il se promène au paradis avec sa Fender et son ampli, pour sûr.
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