Eh bien dansez maintenant !

  

On se souvient de la morale que ce bon Jean de La Fontaine proposait à la fin de sa fable... mais la danse est rarement une punition !

 S’il faut en croire la psychomotricienne et auteure Tiphanie Vennat, la danse est le « premier né des arts » et selon les historiens, son existence remonte probablement à la préhistoire.

 La Grotte des Trois-Frères, en Ariège, en est la preuve, puisque l’on peut y découvrir « le sorcier dansant », ce qui laisse supposer qu’elle est née en même temps que la musique. Lien

La revue Cambridge Archaelogical Journal a évoqué en 2021 des chasseurs cueilleurs parés de pierres taillées, de petites céramiques, et de dents d'élans, prêts pour la danse.

Il y a 8000 ans au moins, ces chasseurs cueilleurs dansaient pendant des heures, comme l’a démontré Riitta Rainio dans un article paru chez « Sciences et Avenir » confirmant que les traces d’usure connues sur les dites dents, « apparaissent bien lorsque les pendentifs d’incisives d’élan suspendus en grappes s’entrechoquaient ».

Porter de tels hochets en dansant permet de s’immerger plus facilement dans le paysage sonore, laissant éventuellement le son et le rythme prendre le contrôle de vos mouvements, comme si le danseur était conduit dans la danse par quelqu’un. lien

Ces humains du paléolithique dansaient donc aussi au son que produisaient les dents en s’entrechoquant.

J’en profite pour glisser une anecdote amusante, du temps où j’œuvrais au sein du groupe Padygros…

Nous donnions un concert à Annecy, et les spectateurs, pris par la musique, se mirent à improviser une farandole entre les sièges de la salle, puis grimpèrent carrément sur la scène, et leur pas, frappant le plancher de bois de celle ci, se répercutaient dans les micros, par l’intermédiaire des pieds de ceux-ci... couvrant alors le son de nos instruments... je glissais alors l’idée aux autres musiciens de s’arrêter de jouer les uns après les autres... les danseurs ne s’étant aperçus de rien, continuaient de danser... au son de leur pas.

Mais revenons à ces humains qui, depuis la nuit des temps, dansent quelle que soit leur situation…une courte vidéo en fait la démonstration, puisque l’on voit des enfants danser au milieu des ruines provoqués par les bombardements israéliens.

Une autre question se pose, danse et transe sont-elles d’une même logique ?

Si l’on veut en croire Le Robert, l’un peut amener à l’autre, car la transe serait « être dans un état de médium dépersonnalisé comme si l’esprit étranger s’était substitué à lui  ». lien

De là à faire un rapprochement avec les « rave party  », ces évènements nés au début des années 90, à coup de Sound Systems, et qui sont devenus des free party avec ses codes, ses rites, ses lieux, tournant en transe, permettant l’atteinte d’un état modifié de la conscience comme l’affirme Lionel Pourtau, (lien) dans « cahier de psycologie politique » ce qui nous emmène tout droit vers les Derviches Tourneurs, dont on sait aujourd’hui qu’il s’agit pour eux de renforcer leur stabilité physique et intérieure, apprenant ainsi à écouter leur corps, afin de maîtriser leurs émotions, tout en étant à la recherche de la libération de celui-ci, ce qui les guide vers un état de stabilité intérieure et de connexion avec leur véritable essence. Lien

On peut peut-être aussi rapprocher cette pratique de ce qui est appelé la Transe Danse Chamanique, originaire des anciennes cultures, amérindiennes, voire africaines, et qui est une « danse médecine », censée permettre d’affronter ses peurs, en accédant à ses ressources intérieures...lien

Dans cette vidéo, n’est-ce pas le cas, quand on voit le visage extatique de la danseuse ?

à l’opposé, la danse de Saint Guy, n’est pas du même genre : il s’agit d’une maladie neurodégénérative du système nerveux, héréditaire et génétique, qui provoque chez le patient des anomalies du mouvement, se traduisant par une marche instable et dansante...rien à voir donc avec la danse tout court...lien

Rien à voir non plus avec la danse mortelle qui a saisi, en 1518, les strasbourgeois, lesquels qui se mirent à danser sans fin, jusqu’à la mort, saisis par une transe, décrite par John Walker : «  ils avaient le regard vague, le visage tourné vers le ciel, bras et jambes animés de mouvements spasmodiques et fatigués, criant et implorant à l’aide, sans pouvoir s’arrêter... ».

Jusqu’à 15 « danseurs » par jour y trouveront la mort...lien

Un documentaire relate cet étrange évènement.

Il semble bien que cette folie collective qui s’était emparé des strasbourgeois soit due à la consommation involontaire d’un champignon, l’ergot de seigle en l’occurrence, lequel sert de base à la fabrication du LSD...et cet épisode tragique a été à l’origine d’un ouvrage, celui de Jean Teulé, « entrez dans la danse  » paru en 2018 chez Julliard.

Même en politique, la danse s’invite…

On assiste actuellement a une étrange vidéo qui tourne au viral, celle où l’on voit le nouveau président américain, qui, à chaque nouvelle prise de parole, ponctue celle-ci par une « ondulation du buste », additionnée de gestes avec les bras, lesquels vont d’avant en arrière, ou font des moulinets...avec fléchissement des jambes, et cette étrange danse est reprise par nombre d’américains, surtout dans le monde sportif, où on voit les athlètes faire « la danse de Trump » à chaque victoire. vidéo

Sauf qu’il y a quelque chose d’obscène dans cette danse, qui n’est pas sans rappeler la fameuse danse de l’ours, dont voici une démonstration…

Obscène ou pas, il s’agit finalement d’une danse de séduction, assez primaire, qui permet peut-être de mieux comprendre la personnalité de Trump…

En réalité, cette « danse de l’ours » viendrait de Roumanie, et elle est pratiquée lors du passage à la nouvelle année, censée éloigner les « mauvais esprits ».

Au rythme des tambours, des flutes et des coups de fouets, des humains, déguisés en ours, grognent, la gueule ouverte, se balancent en imitant les pas saccadés de l’animal, frappant le sol de leurs pattes, frénétiquement, afin de rendre la terre plus fertile pour la nouvelle année qui vient, d’autant que l’Ours, considéré alors comme sacré, avait des pouvoirs guérisseurs…lien

De là a imaginer que les animaux dansent, il n’y a qu’un pas à franchir...que le site Woodpets essaye de faire en publiant des photos de chats danseurs…lien

...mais il y a par contre une certitude, les humains s’inspirent des animaux pour créer des danses, tel Cunningham qui, dans sa pièce Beach Birds, met en scène des danseurs censés s’inspirer d’oiseaux marins : albatros, mouette, pingouins, macareux moine, tout y passe. lien

La boucle est bouclée, car comme dit mon vieil ami africain : « la vie est un ballet qu’on ne danse qu’une fois  ». 

L’image illustrant l’article vient de tapeko.fr

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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