Enquête sur... « La condition noire »
Mercredi 28 mai, de 17 h 30 à 18 h 15, chat avec

Récemment, l’écrivain Gaston Kelman expliquait dans un best-seller qu’on pouvait très bien être Noir et ne pas aimer le manioc. Les représentations et les fantasmes ont la vie dure et il y a toujours quelqu’un pour vous rappeler que vous êtes Noir. Mais être Noir, et être Noir en France, pays où le républicanisme est une religion indiscutable, qu’est-ce que cela signifie ?
Tel est le questionnement du très instructif ouvrage de l’historien Pap Ndiaye. Ce livre n’est pas, sans mauvais jeu de mots, tout noir ni tout blanc. C’est une somme argumentée et extrêmement documentée, pondérée, bref tout en nuance, d’autant plus ardue à comprendre pour les extrémistes de tout bord, quelle que soit leur couleur de peau. Son approche rigoureuse est anthropologique.
Elle se base sur une bibliographie colossale, sur des études sociologiques et sur des interviews réalisées auprès d’environ 70 personnes noires de tout milieu social, de toute origine, de toute condition, ce qui permet à Pap Ndiaye, également conseiller scientifique au Cran, d’affirmer qu’en France, la couleur de peau des Noirs représente moins une culture qu’un groupe d’intérêts.
Spécialisé dans l’histoire des Etats-Unis, l’auteur a largement puisé dans les concepts anglo-saxons pour cerner cette minorité noire française dont il entend circonscrire l’expérience et qu’il refuse, avec arguments solides à l’appui, de considérer comme une communauté
(« Communauté n’est pas un terme pertinent en France tandis que minorité est a priori compatible avec le modèle républicain », a-t-il expliqué sur France Culture le 29 avril dernier).
Des affaires Dieudonné, Ilan Halimi ou Kémi Seba à la nomination de Harry Rozelmack au JT de 20 heures de TF1 et à celle de Rama Yade au gouvernement, de la polémique autour de la quarantième édition du Robert à propos de la définition du mot « colonisation » au procès intenté à l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau à propos de son livre sur la traite négrière, du racisme dans les stades à la mort d’Aimé Césaire, l’un des pères de la négritude, à l’heure ou la Halde vient de rendre son rapport (très controversé, notamment par le Cran), où des Noirs lynchent d’autres Noirs en Afrique du Sud et où Barack Obama sera très certainement le candidat démocrate lors des prochaines élections présidentielles américaines, l’actualité française ou internationale abonde en sujets évoquant cette condition noire qu’évoque Pap Ndiaye. Pourtant, explique-t-il, « ce travail de fond a nécessité de prendre une certaine distance par rapport à l’actualité politique, qui n’est pas directement commentée ».
Ce livre n’est pas là non plus pour répondre à l’attente des personnes noires. Ce n’est pas un guide ni un mode d’emploi, mais, davantage que des réponses, il donne des outils conceptuels pour de futures recherches sur la question. Recherches qui manquent cruellement en France, déplore Pap Ndiaye qui avec La Condition noire ambitionne de lancer, à la manière anglo-saxonne, les black studies à la française.
C’est un livre qui devrait rassembler les Français et pointe positivement une de leur composante essentielle, malgré une évidente ambiguité : « Les Noirs de France sont individuellement visibles, mais ils sont invisibles en tant que groupe social et qu’objet d’étude pour les universitaires ».
Ce travail essentiel devrait donc nous ouvrir les yeux.
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