Faut-il achever les héros de BD ?
Un héros de bandes dessinées doit-il survivre à son (ses) auteur(s) ?
Alors qu’Hergé avait répondu par la négative, Albert Uderzo, le papa (avec René Goscinny) d’Astérix a, lui, finalement changé d’idée et décidé que le plus célèbre des Gaulois poursuive l’aventure après sa mort.
Si les raisons d’un tel choix sont certainement multiples (pour les sesterces selon les mauvaises langues, pour les lecteurs d’après Uderzo), que peut-on espérer du devenir des aventures d’Astérix ?
Deux autres monstres sacrés de la bédée franco-belge, Tintin et Lucky Luke, ont vu leur(s) papa(s) devant le même dilemme : partir avec son héros où le laisser survivre.
Comme on le sait, Hergé a choisi d’emporter avec lui son petit reporter Bruxellois. À son décès, en 1983, Georges Rémi (son vrai nom) planchait sur une nouvelle aventure de Tintin dans le milieu de l’art contemporain. Le début de scénario, les centaines de brouillons, et surtout l’équipe de collaborateurs capables de reproduire le trait d’Hergé n’y feront rien, Tintin et les Picaros restera la vingt-troisième et dernière aventure du célèbre journaliste belge. Un succédané d’album, Tintin et l’Alph-Art, naîtra finalement des dernières esquisses de l’auteur décédé, mais personne ne sera autorisé à achever l’album qui paraîtra en l’état, inachevé.
Laissant des fans de 7 à 77 ans du monde entier orphelins, la mort de Tintin fige aussi le personnage dans le temps. De l’Afrique colonisée aux révolutions latino-américaines en passant par la Lune et le Tibet, Tintin aura traversé le siècle sans s’essouffler, partant en pleine gloire.
D’autres aventures auraient pourtant bien sûr pu voir le jour, si l’on en juge par la qualité des collaborateurs de Georges Rémi, notamment Bob de Moor (réputé parfait imitateur de la ligne claire d’Hergé) et Jacques Martin (papa d’Alix qui a travaillé sur les scénarios de Tintin)… Mais considérant être le seul dépositaire de l’esprit Tintin, Hergé avait annoncé avant sa mort refuser tout successeur.
Un Lucky Luke inarrêtable
À l’inverse, Lucky Luke a survécu à ses deux papas, Morris, son père “biologique” qui le créa en 1946, et René Goscinny, son père adoptif qui prit en main le scénario en 1957. C’est sous la houlette de ce dernier que le célèbre « poor lonesome cow-boy » allait atteindre les sommets, ramenant inlassablement les frères Dalton au trou.
À la mort de Goscinny, en 1977, Morris, tout en gardant la main sur les dessins, confia les histoires de son garçon-vacher solitaire à d’autres scénaristes. Avec plus ou moins de réussite, ils ont été pas moins d’une douzaine à tenter – sans succès – de succéder à Goscinny. Les aventures du cow-boy continuèrent donc tant bien que mal.
Né en 1923, Morris, lui, ne lâchait pas prise malgré le poids des années, même si au fil des années, il fut de plus en plus assisté (par des collaborateurs ainsi que par la photocopieuse !) dans sa lourde tâche de dessinateur. Il est vrai que le rythme des parutions a toujours été des plus soutenus (70 albums en entre 1949 et 2002 !).
Le niveau des productions de Goscinny n’ayant jamais été atteint par ses successeurs (on remarque d’ailleurs que Morris lui-même, pourtant premier scénariste de la série, n’a jamais repris le flambeau), on pouvait espérer que l’éditeur arrête les frais à la mort du dessinateur, en 2001. Plus très fringuant, le cow-boy méritait de mettre ses colts au placard.
Il n’en fut malheureusement rien. Et c’est avec Achdé au dessin et Laurent Gerra (!) que la série se poursuit (trois albums à ce jour). Si le dessinateur s’en tire avec les honneurs, l’humoriste ne fera pas mieux que les autres successeurs de Goscinny. Orphelin, Lucky Luke cavale donc toujours, mais Jolly Jumper boîte sérieusement.
Des extraterrestres en Armorique
Demi-frère du cow-boy, Astérix risque de connaître le même parcours. Sans Goscinny, Uderzo avait bien poursuivi seul – et avec plus ou moins de bonheur – les parutions des aventures du Gaulois. Mais jurait jusqu’à récemment que son héros ne lui survivrait pas. Il a finalement retourné sa veste.
Dès lors, que peut-on attendre des prochains Astérix ? Probablement pas grand-chose si l’on se réfère au précédent Lucky Luke, mais il reste peut-être des raisons d’espérer. Tout d’abord, pour ce qui est du dessin, personne n’est totalement irremplaçable, et, Uderzo ayant décidé de confier son bébé aux frères Mébarki et à Grébent qui l’épaulent depuis plusieurs années, le lecteur n’y verra que du feu ou presque.
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