Hadopi, ou comment mettre en évidence l’avidité des artistes qui la soutiennent...
Ça y est ! La loi Hadopi 2 est passée ! Le but de cette loi est de limiter et de contrôler les téléchargements sur internet. Le fait qu’elle soit largement réclamée par de nombreux artistes, de tout genre : rappeur, rocker , réalisateur, violoniste, comédiens m’a emmené à la réflexion suivante : la finalité de la création artistique pour l’artiste d’aujourd’hui est-elle le beau artistique, donc l’œuvre à proprement parler, ou sa commercialisation ? Il est évident qu’il ne s’agit pas là de prétendre que les artistes doivent vivre modestement mais plutôt de réfléchir à leur éthique et leurs motivations.
L’art, notion très difficile à définir, plusieurs fois modifié et exprimé sous différentes formes (on parle aujourd’hui de 10ème voir 11ème art), a depuis le 18éme siècle intégré l’idée de beau artistique. C’est par rapport à cette idée de beau artistique que j’ai construit mon raisonnement. Partons donc de l’idée que l’art consiste à arranger différents éléments qui en constituent la classification (du primaire au xieme) pour atteindre les sens, l’émotion et/ou l’intellect d’un amateur. Cette définition très brève peut être comprise et admise par chacun des lecteurs. On intégrera, par laxisme ou par bonté, l’idée que l’on qualifiera d’artistes (actuels) ceux dont les créations ne touchent en vous ni vos sens ni vos émotions ni votre intellect (le rap, les réalisateurs de film d’épouvante, les dessinateurs de mangas etc….), parce qu’ils peuvent s’adresser et satisfaire quelqu’un d’autre, en bref on va être sympa avec tout le monde (pour l’instant…).
Si le rapport entre l’amateur d’art, celui qui l’apprécie mais ne le crée pas, et l’œuvre elle-même a depuis toujours pu comporter un rapport à l’argent, ou en tout cas, à l’acquisition d’une œuvre, on peut considérer comme déplacé, indécent comme dirait l’autre, le rapport vénal entre les créateurs d’art contemporains, ceux que nous qualifions plus communément d’artistes, dont certains ont également acquis maintenant le statut de « people », et leur œuvre. Car il subsistera le doute concernant le mobile de la création artistique, à savoir : l’appréciation de son œuvre ou la récompense de l’appréciation de son œuvre et donc d’une éthique.
Il est clair que cette question ne date pas d’aujourd’hui, de nombreux très grands artistes ont vécu dans l’opulence et dans l’excès, sans que cela ne perturbe la qualité de l’œuvre. Il ne s’agit pas d’avancer qu’un artiste riche ne peut pas ou plus avoir une création de qualité. En revanche, on ne peut que trouver scandaleux, un artiste qui aurait un rapport de dépendance financière trop important vis-à-vis de son œuvre, alors qu’il vit dans l’opulence. Et c’est ce type de comportement qui est visé dans cet article. Aujourd’hui, avec le développement de la société de consommation, et les réactions de divers artistes à l’égard du téléchargement, on peut se demander si ils ne recherchent pas en priorité à optimiser les gains que pourraient générer leurs créations avant même de ce soucier du plaisir qu’elles peuvent procurer par l’observation ou l’écoute….
En effet, on a pu observer que ce qui importe le plus pour les artistes, musicaux essentiellement, c’est que les gens achètent leurs disques plutôt que de les télécharger et qu’ils se sentent volés lorsque des personnes ne payent pas pour admirer leurs créations. Finalement, si cet artiste ne perçoit pas systématiquement, et par n’importe quel moyens (vente de disque, droit d’auteur, redevance) un revenu, l’amateur n’a pas le droit d’apprécier son art, car il l’a eu gratuitement. En fait ils n’offrent pas leur œuvre et il la vende, et j’irai, par pure brutalité, jusqu’à dire qu’il la prostitue… Le terme est lourd, mais si on considère le plaisir sexuel comme un plaisir qui peut à la fois s’offrir (par amour ou par désir) et s’échanger, alors la personne qui pratique un échange entre le plaisir qu’elle peut donner et la rançon de l’échange est soit une prostituée soit une fille de peu de vertu (une salope quoi !), soit un goujat. Et bien je situe le rapport à l’œuvre artistique, au même niveau qu’un rapport sexuel, tant il peut être intense et engendrer un attachement qui peut durer toute une vie, il n’y a qu’à observer les « fans » pour mesurer l’influence que peut avoir une création artistique sur un être humain. Ceux dont je parle ont fait le choix, ils ont pour mobile la rançon de l’appréciation de leur œuvre et non l’appréciation elle-même. Ils sont en quelque sorte proxénète.
Alors c’est sûr que depuis plus de 30 ans maintenant, que nous considérons la musique comme un bien de consommation, qu’il existe un classement des meilleures ventes de disque et d’albums, on peut concevoir qu’il est très difficile d’imaginer des humains ne pas céder à la tentation. Il est dommage que certaines formes d’art, heureusement pas toutes, aient transformé l’œuvre en marchandises. Je ne pense pas que ceux que l’on considère comme les plus grands, de Victor Hugo, à Mozart en passant par Monnet, Pascal, Rodin ou La Fontaine aient envisagé ce rapport vis-à-vis de leur œuvre. Le capitalisme moderne, le libéralisme, a transformé le comportement de ces artistes et c’est dommageable.
Fort heureusement, il y a encore de nombreux résistants, des personnes qui soutiendront que le plus important pour eux, ce n’est pas le nombre de vente, la baisse ou l’augmentation de leur revenu, mais la plus large diffusion, et par conséquent la plus large appréciation de leur œuvre. Même Francis Lalane est contre Hadopi, je l’ai vu l’autre jour chez Taddeï, improbable, incroyable !! Mais en revanche on voit que le désir d’opulence touche plusieurs formes d’art qui semblaient jusqu’alors immunisées par ce mal. Jeff Koons, artiste contemporain a exposé, l’année dernière, ses œuvres modernes au Château de Versailles, ce qui a eu un impact énorme, par la surprise et la provocation, par conséquent ses œuvres ont vu leur valeur grimper en flèche. Stratégie de communication, marketing, tout y est… Autre exemple : Damien Hirst, autre artiste contemporain, a choqué en 2008 en ne passant pas par le circuit traditionnel, depuis le 19ème siècle, d’échange entre l’amateur et le créateur : les galeries d’art. Il a directement vendu ses œuvres aux enchères… Et son Crane, serti de 8601 diamants (sic !) c’est vendu 100 millions de dollars (presque le prix de Cristiano Ronaldo). L’œuvre était quasiment vendue avant d’être exposée en salle des ventes, et elle a été débattue par un groupe d’investisseurs lui appartenant, afin de faire monter sa cote, et de véritables acquéreurs. Drôle de concept artistique ! Je veux bien admettre que l’art contemporain se veut subversif et provocateur, mais là c’est ce foutre de notre gueule !!! Mais bon, on s’égare…
Les dérives artistiques auxquelles nous assistons, me font réellement douter de la présence d’une éthique artistique non commerciale, aujourd’hui. Il faut dire, loi du marché oblige, que la quantité de marchandises est de plus en plus importante puisque les moyens de communications le sont également, et donc la demande…Espérons que l’on atteindra prochainement un stade de surproduction pour pouvoir procéder à un épurement. Il ne restera alors peut être que des artistes vertueux, avec un éthique, et une production artistique sincère….
Vous l’avez compris la loi Hadopi m’énerve car elle brise mes illusions, nées de mes cours de philosophie de terminale, elle met en évidence l’avidité de nombreux artistes que je n’aurais jamais soupçonnés, et me fait sérieusement réfléchir sur la qualité de l’art moderne, car finalement, ce n’est peut pas l’avidité des artistes qui m’énerve le plus, c’est l’influence de la société de consommation et la soumission aux règles de marché de l’art moderne.
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