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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Histoire du pot-au-feu

Histoire du pot-au-feu

Le pot-au-feu, nous le connaissons tous : du boeuf à braiser, des pommes de terre, des carottes, des navets, des poireaux, et d'autres légumes et aromates, facultativement et en quantité moindre.

Il nous parait éternel, mais il nous sera possible de dater sa naissance au moins approximativement, quelque part entre le XVII ème siècle (La Varenne, grand cuisinier du siècle des Lumières, ne le connait pas) et le XVIII ème siècle (Goethe en mange un qui aurait pu être cuisiné aujourd'hui).

En effet, pour pouvoir cuisiner un pot-au-feu, il faut posséder les ingrédients nécessaires. Or, le Versailles de Louis XIV ne mangeait pas de pommes de terre et peinait à découvrir la carotte.

Malgré cette naissance laborieuse, la trilogie des trois mousquetaires qui sont quatre (carottes/poireaux/navets sans oublier les pommes de terre) est promise à un bel avenir, puisque nous la retrouvons dans nombre de recettes : pot-au-feu, mais aussi potée(s), poule au pot, et même aïoli de morue.

DEUX DATES A COMPARER

Deux dates sont à rapprocher :

- en 1792, Goethe se régale d'un pot-au feu qui pourrait être contemporain

- en 1680, La Varenne tâtonne et nous délivre une recette dans laquelle nous voyons le pot-au-feu en phase de naissance, mais, clairement, il n'est pas encore né.

Le pot-au-feu de Goethe (1792)

Cette année là, Goethe participe, côté ennemi, aux guerres de la Révolution. Mais nous oublierons ces aspects politiques et historiques : ses mémoires nous parlent aussi du pot-au-feu qu'il a mangé alors que, militaire, il était logé chez l'habitant. On constatera que la recette était identique à celle d'aujourd'hui : 

“Au dessus du feu, pendait une grande marmite de fonte, dans laquelle bouillait le mets national appelé pot-au-feu, et j’en suivis les apprêts avec beaucoup d’intérêt. Le boeuf était déjà presque cuit, lorsqu’on mit dans la marmite des carottes, des navets, des poireaux, des choux, et autres légumes semblables. (…) une jeune servante ou soeur de mes hôtes mettait le couvert et posait sur la table une grande terrine remplie de petites tranches de pain blanc. Elle y versa le bouillon de la marmite et nous engagea à venir manger la soupe. Les légumes et la viande complétèrent ce dîner si simple et dont tout le monde cependant pouvait se trouver très heureux.”

Le potage aux carottes de La Varenne (1680)

Cent et quelques années plus tôt, en 1680, le pot-au-feu n'est clairement pas né, mais il essaie de naître, comme nous le montre cette étonnante recette tirée du Cuisinier François de La Varenne, le potage aux carottes, que nous allons reproduire et commenter :

Potage aux Carottes.

Mettez au pot un trumeau ou queuë de bœuf, ou d'autre viande, & quand vous aurez osté l'escume adjoutez-y une poignée ou deux de pois sec, ostant les écailles à mesure qu'elles paroissent, & deux ou trois heures avant qu'il faille dresser, vous mettrez au pot du sel à
discretion, deux poignées de carottes, avec autant de navets, & deux ou trois poireaux, un petit bouquet de fines herbes, c'est à dire, de thim & de marjolaine ; au lieu de navets & poireau, il suffit de prendre un oignon, de la ciboule, une pincée de sariette, & les mettre
au pot une heure avant que les dresser, y adjoutant des herbes douces, comme de l'ozeille, de cerfüeil, de la chicorée ; en la saison des pois verts, on peut y en mettre un litron au lieu de pois secs, les mettant un peu plutost au pot.

Nous voyons là que nous avons deux recettes en une : l'ancienne se devine encore sous la nouvelle qui commence à la remplacer, mais pas complètement.

Comme c'est souvent le cas chez La Varenne, la recette est peu normative. La viande est en principe du boeuf, mais on peut aussi prendre autre chose.

Quant aux légumes, nous reconnaissons bien notre trilogie carottes/poireaux/navets, mais elle est encore associée à des pois. Et, de plus, on peut remplacer cet ensemble par un autre, plus courant dans les potages de La Varenne : herbes (oseille, cerfeuil, chicorée) et pois.

On voit là clairement un recette en cours d'expérimentation. Le message de La Varenne, c'est : je vous recommande la trilogie carottes/poireaux/navets, mais vous savez, ce n'est pas obligatoire si vous n'aimez pas les expérimentations culinaires.

Ce n'est guère étonnant. Les carottes n'étaient pas encore les belles carottes rouges que nous connaissons. Elles peinaient à se dégager du panais, leur ancêtre blanc et filandreux. Il faudrait savoir quel type de carottes La Varenne avait à sa disposition (ce que j'ignore), car, de la réponse à cette question, dépend le sort de la recette : divine ou immangeable. Nous supposerons qu'il se tenait à la pointe des derniers progrès horticoles, mais il est clair que les bonnes carottes n'étaient pas courantes à son époque. D'où l'importance du bouquet de légumes "de secours", plus familier à ses lecteurs, qu'il ne manque pas d'indiquer.

Par ailleurs, il ne cuisine pas encore les pommes de terre.

LE BOUILLON, PRECURSEUR DU POT-AU-FEU

Rien ne nait de rien. Autant nous voyons clairement que le pot-au-feu, notre bon pot-au-feu-populaire de base, n'était pas vraiment né à l'époque de La Varenne, autant nous en voyons des précurseurs. On notera chez ce grand cuisinier :

  • le goût des grands "potages" très complets associant viande, légumes, liquide, pain 
  • l'utilisation de deux viandes pour les potages de luxe : une viande à bouillir qui donnera du goût au bouilllon, et une viande rotie plus luxueuse ; ou bien on utilise une viande noble, par exemple un canard que l'on commence à rôtir à demi ; on finit de le cuire dans du bouillon, ce qui suppose que ce bouillon ait été réalisé au préalable avec des viandes perdues ; exemples : 1 , 2
  • l'habitude de servir des croutons de pain avec le potage (très utile en ces temps où la pomme de terre était inconnue) ; exemple 1, 2
  • en revanche, les légumes ne sont pas ceux de l'actuel pot au feu ; on note les associations concombre/"racines"/courge/herbes ; pois/laitue/oseille/herbes ; 

Que reste-t-il de ces techniques culinaires ? Malgré le temps écoulé, il en reste quelque chose ; par exemple :

  • on garnit encore souvent le bouillon d'une tranche de pain rassis, même si c'est moins indispensable maintenant que pommes de terre, riz et pâtes sont devenus courant
  • certaines ménagères gardent l'idée qu'un bon pot-au-feu comporte une viande noble que l'on servira, et une viande sacrifiée qui donnera le goût au bouillon ; cette dualité reste indispensable dans les variantes de luxe du pot-au feu, comme le boeuf à la ficelle ; en effet, celui-ci cuit une vingtaine de minutes, ce qui est insuffisant pour transmettre son goût au bouillon 



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27 réactions à cet article    


  • Kalki Kalki 16 août 2011 11:08

    Corne de biscouille, cerveau de rat qui aime monter sur des boites pour etre plus grand, et poil de femme imberbe

    Aurélien Réal – L’espoir tue
    La mort dit : sache que tu vas mourir


  • hans 16 août 2011 10:55

    ne pas oublier la pate feuilletée, en dessert , après un melting-pot :

    Légère, aérée et croustillante... rien ne vaut une véritable pâte feuilletée pur beurre. Suivez notre recette en images, et surprenez-vous en préparant une délicieuse pâte feuilletée maison.   Ingrédients pour environ 1 kilo de pâte feuilletée :
    - 500 g de farine
    - 25 cl d’eau
    - 50 g de beurre pommade
    - 8 g de sel
    - 325 g de beurre de tourage (chez votre boulanger ou grossistes type Metro), ou à défaut du beurre standard   Technique : Veiller à toujours allonger la pâte dans le même sens et à bien respecter les temps de pause au réfrigérateur, faute de quoi le feuilletage sera trop fragile et votre pâte ne sera pas bien aérée.
    Conseil : Si le beurre spécial tourage donne un meilleur résultat , on pourra toutefois utiliser du beurre classique acheté en plaquette.

    • Bill Grodé 16 août 2011 10:56

      Et il y en a qui prétendent que vous ne parlez que des islamistes !
      Ils ne vous ont peut-être pas lue avec attention.


      • Amelia Amelia 16 août 2011 11:02

        La bouddhiste frontiste est surtout une grande spécialiste de la daube... 

         

        • hans 16 août 2011 11:07

          Mdr Amelia, c’est en effet leur recette la plus réussie


        • Amelia Amelia 16 août 2011 11:35

          Réussie, je ne sais pas... servie quotidiennement, ça c’est certain. 

           

        • Catherine Segurane Catherine Segurane 16 août 2011 13:05

          Perséus écrit :

          « Le prochain épisode sera-t-il sur la recette des crêpes au Sarrazin ?  »

          Ma réponse :

          1 d’abord je m’étonne que vous me suggériez un sujet d’article de plus alors même que vous me reprochez d’en écrire trop

          2 je vous suggère donc d’écrire vous même un article sur les crèpes au sarrasin si vous en êtes capable ; c’est un sujet passionnant, qui nous renvoie loin en arrière dans l’histoire de la survie populaire ; à une époque où toutes les régions n’avaient pas la chance de pouvoir produire des céréales panifiables, et où il fallait remplacer le blé par le sarrasin et le pain par des galettes ; une contrainte forte ; dont le génie populaire a su profiter pour faire oeuvre de créativité ; et bien sur, les sarrasins n’ont pas plus inventé la culture du blé noir que les Arabes n’ont inventé les chiffres du même nom.


        • King Al Batar King Al Batar 16 août 2011 12:47

          Merci pour cet article, ca change et ca fait plaisir !

          Dites moi, on peut mettre de la viande Hallal ou casher dans votre pot au feu ou est ce une violente et profonde atteinte à tous nos principes identitaires ?
          Surtout ca cacherai le gout....


          • Catherine Segurane Catherine Segurane 16 août 2011 13:09

            Le gout, je ne sais pas, mais l’hygiène, oui.

            La fondation Brigitte Bardot a démontré qu’une bête égorgée à vif dégueulait le contenu de son estomac sur sa viande, avec toutes les bactéries qui vont avec.


          • King Al Batar King Al Batar 16 août 2011 16:09

            Bonjour Catherine,
            Je vous taquine mais dans le fond ce n’est pas mechant.
            Et non je ne met aucun viande ni cacher ni hallal dans mon pot au feu.
            En revanche, mais ca on le dis peu, vous savez que qaund un homme sait qu’il va mourrir, il rend a peu près tout ce qu’il a, et par tous les orifices possibles... Je sais c’est déguelasse mais c’est comme la nature. C’est pour ca que les scenes de crimes puent toujours la merde si il y a un cadavre... Bon des scenes de crimes avec cadavres on en voit peu dans sa vie, mais la probabilité se multiplie dès lors que votre département commence par un 9 quelquechose....
            Croyez vous que les animaux rendent tout, exactement de la meme manière ?


          • Pie 3,14 16 août 2011 12:52

            Un article passionnant qui nous explique qu’en 1680 on ne mettait pas de pommes de terre dans le pot-au-feu alors qu’en 1792, il y en a ...

            Avec vous, les patates sont cuites.


            • Catherine Segurane Catherine Segurane 16 août 2011 13:07

              Bon, je vois que, lorsque je parle d’autre chose que d’islam, j’ennuie certains ...

              Vais-je devoir me cantonner à mon sujet majoritaire ?


            • Pie 3,14 16 août 2011 21:13

              Le problème est que lorsque vous parlez d’autre chose, c’est nul aussi.


              Vous auriez pu nous dire que Varenne illustre un changement fondamental dans la cuisine française au XVIIème basé sur la qualité des produits et la préservation de leur goût, l’utilisation du beurre, des herbes locales, des légumes variés, des sauces sans pain.
              Une gastronomie pour la haute société est en voie de création qui remplace peu à peu celle médiévale basée sur des viandes médiocres noyées sous les condiments.
              La population vit de soupes , de galettes, de pains sous diverses formes et mange rarement de la viande mais la haute société invente une gastronomie qui va se répandre au rythme des progrès de l’agriculture et de l’élévation du niveau de vie.

              C’est pourquoi le bouquin de Varenne devient une bible sans cesse rééditée jusqu’au XIXème. Cuire la viande dans l’eau est tout à fait banal, c’est une méthode de pauvre, le râgout est déjà plus sophistiqué. L’intérêt historique de la comparaison des deux recettes que vous comparez n’est pas dans la pomme de terre qui n’apparait en France qu’à la fin du XVIIIème mais dans la nature des viandes utilisées.

              Varenne utilise une queue de vache, les morceaux du XVIIIème sont plus nobles. Cela signifie simplement que l’élevage de bovins pour la viande est devenu plus courant. Il est rare jusqu’au XVIIIème, les bovins sont utilisés pour leur force tractante avant tout.
              La révolution qui s’amorce à la fin du XVIIIème n’est pas la pomme de terre, c’est la mise en pâture et l’apparition de la viande dans consommation pour une plus grande partie de la population. Le phénomène se généralise au XIXème avec de grandes différences régionales.

              Vous parlez d’Histoire culinaire comme vous parlez des musulmans, sans culture et au ras du plancher.


            • Catherine Segurane Catherine Segurane 16 août 2011 22:03

              Vous n’êtes même pas capable de citer correctement le nom de l’auteur : La Varenne, et non Varenne.



            • Pie 3,14 16 août 2011 23:00

              Vous non plus car le sieur en question a pour nom François Pierre De La Varenne.

              Je pensais simplement qu’entre républicains nous pouvions nous passer des détails aristocratiques.

              Il faut croire que chez les identitaires on aime la noblesse...


            • Pie 3,14 16 août 2011 23:14

              Vous êtes vraiment une patate.


            • Catherine Segurane Catherine Segurane 17 août 2011 05:08

              Je l’ai donc bien cité correctement :


              Jean de la Fontaine devient La Fontaine quand on l’appelle juste par son nom de famille ; et non pas : Fontaine.





            • Pie 3,14 17 août 2011 10:52

              Vous avez au moins raison sur ce point.


            • kitamissa kitamissa 16 août 2011 14:20

              Bon alors ...la pomme de terre dont on retrouve la trace depuis 8000 ans en Amérique du sud a été amenée en Europe par les Conquistadors et cultivée en Europe dans les année 1500 , dans certains pays elle était déjà consommée et recommandée en cas de disettes , en France on la trouvait tout juste bonne à nourrir les porcs !


              et c’est Parmentier prisonnier en Allemagne qui la réhabilita en France sous Louis XVI ,en effet,les prisonniers Allemands étaient principalement nourris de pomme de terre ! 

              • kitamissa kitamissa 16 août 2011 14:26

                Et dans tout Pot au Feu qui se respecte ,ne pas oublier l’os à moèlle pour chacun .....


                le bouillon restant,on l’épaissit au tapioca et servi en potage le soir , le reste de viande de boeuf coupée en petits dés et servie avec une sauce moutarde ou avec des câpres et des cornichons aigres-doux .

                • Catherine Segurane Catherine Segurane 16 août 2011 17:26

                  @ Kitamissa


                  Voilà qui est parler !


                • Loatse Loatse 16 août 2011 14:41

                  lol , j’voudrai pas dire, catherine mais nous sommes au mois d’août et saliver en vous lisant (rhââaa le fondant des poireaux cuits dans le bouillon de boeuf  !..) ca le fait pas du tout ca...

                  because il fait 35° dehors, et que, si je suis mon envie, il me faudra transformer mon chez moi en hammam...(3 heures de cuisson tout de même le pot au feu) :(


                  • Aafrit Aafrit 16 août 2011 15:46

                    Voilà, surtout quand Ségu aura bien mangé, aura envie de s’allonger, écouter de la zik pour amuser l’après-souper..
                    l’appel en boucle d’un Muezzin fera l’affaire, j’imagine


                    • Sandrine Lagorce Sandrine Lagorce 16 août 2011 16:12

                      Le pot-au-feu, recette que l’on pourra toujours conseiller à nos amis musulmans, en cette période de ramadan, après le coucher du soleil...
                      Vivement l’Aïd ! qu’on se retrouve tous ensemble autour d’une bonne table !!!


                    • Aafrit Aafrit 16 août 2011 16:49

                      en revanche, les légumes ne sont pas ceux de l’actuel pot au feu ; on note les associations concombre/« racines »/courge/herbes ; pois/laitue/oseille/herbes ;

                      ------------------------------------
                      Ne sont pas l’actuel..racines...

                      A la lire chaque jour, on peut facilement constater qu’il n’y a qu’une seule dichotomie qui s’impose constamment ( persécution de l’inconscient ?) pour animer la « pensée » à cette dame là..(à prouver), De sorte elle découpe le monde en deux catégories :
                      Souchen or not souchen that’s the question !!!!!!!
                      Pour le reste, soupe ou pas soupe, chaude ou pas chaude, c’est le dernier de ses soucis, l’essentiel est que la soupe ne soit pas moins souche..


                      • Gargantua 17 août 2011 09:26

                        Vous rachetez un peu, c’est plus consensuelle qu’un rassemblement salami, gros rouge. 


                        • pépé 17 août 2011 11:04


                          Catherine Ségurane : budagiera ou maufaccia ou les deux ?

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