« Il faut qu’on parle de Kévin »
Après le drame de Virginia Tech, j’ai repensé au livre lu il y a quelques mois. En voici les éléments principaux.
« Il faut qu’on parle de Kevin » est le titre d’un livre écrit par Lionel Shriver (édition Belfond en France), auteur américaine. L’histoire d’une mère dont le fils a provoqué un carnage dans son école, qui écrit des lettres à son mari en retraçant les événements depuis l’époque où elle était enceinte.
Ce livre soulève plusieurs thèmes avec force et sans demi-mesure. Tout d’abord, la question de la maternité. C’est la mère qui raconte, on n’a donc que sa version, mais elle nous dresse un portrait loin d’être flatteur. On peut même dire qu’on ressent de la répulsion face au personnage. En effet, elle nous décrit sans ambages qu’elle ne voulait pas cet enfant, dès le début elle vit cette grossesse comme imposée. La description de l’accouchement est l’une des meilleures scènes du livre : la narratrice n’arrive pas à "expulser cette chose" qui lui est étrangère.
Dès la petite enfance, une relation de haine réciproque s’installe entre la mère et le fils. La mère est persuadée que le fils fait exprès de pleurer, de hurler quand elle est là et d’arrêter quand le père arrive. Mais les nounous défilent aussi car elles ne le supportent pas. A l’école, ce n’est pas mieux... peu d’amis et des incidents. Le livre mélange souvenirs et visites au fils en prison. On apprend que la mère a eu droit à un procès civil, car il faut bien qu’elle soit coupable de quelque chose au regard des autres.
La deuxième question soulevée dans le livre est l’absence du père. Pas une absence physique, le père rentre tous les soirs, mais son personnage falot ne remporte pas plus l’adhésion du lecteur que la mère. Il minimise systématiquement les incidents que son fils provoque (boys will be boys), ou bien se met de son côté. Au final, le fils respectera plus sa mère que son père. La narratrice ne semble pas en vouloir à son mari, en tout cas elle s’auto-accuse plus que lui trouver des responsabilités.
La troisième question tourne autour d’une critique de la société américaine. Pendant tout le livre, on apprend la liste des carnages type Columbine dans un portrait de la société au vitriol. Une autre scène très forte est justement un dîner entre la mère et le fils au restaurant pendant lequel Kevin dresse le procès de la société dans une diatribe enflammée. L’un des rares moments où il laisse transparaître une émotion réelle.
Enfin, tout le livre tourne autour du pourquoi ? Tout le monde cherche à savoir pourquoi Kevin a agi ainsi. Le lecteur lui aussi attend la réponse - qu’il n’aura pas. A un moment, la mère attend à la prison avant de voir son fils et une autre mère fait la même chose, conversation entre les deux ; et même l’autre ne peut s’empêcher de poser la question. Une hypothèse est formulée pendant le livre par la mère : peut-être Kevin était né avec cela en lui, peut-être existe-t-il des êtres viscéralement mauvais. Mais comment le lecteur peut-il oublier que l’enfant n’était pas voulu ? Qui peut dire les conséquences sur un enfant dans le ventre de sa mère qui n’en veut pas ? Sans parler du rôle de l’éducation. Une autre hypothèse est la recherche de la renommée : Kevin adore être dans les journaux, il adore être connu comme ses prédécesseurs. Mais là aussi, cela retombe car l’actualité se renouvelle impitoyablement.
En conclusion, ce livre est très fort, angoissant, inquiétant, il ne laisse pas indifférent. J’ai laissé volontairement certains aspects de côté pour qu’il puisse y avoir encore des surprises si vous le lisez, mon propos n’est donc pas exhaustif.
13 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON