L’exception Nolan : Inception
Juillet-Août, période de chaleur, rimant avec blockbuster. Chaque année a son lot de niaiserie et sa dose d’adrénaline, sans compter les quintaux de muscles sur tous les plateaux de production pou les quelques décagrammes de matière grise seulement. L’an passé n’avait pas dérogé à cette règle, avec une pathétique revanche de robots (Transformers 2) et il avait fallu attendre le mois de Septembre pour obtenir un digne film de SF (District 9). 2010 vient chambouler les saisons et apporte dès cet été un long-métrage aux éléments merveilleusement bien panachés.
Réalisé par Christopher Nolan
Avec Léonardo DiCaprio, Cillian Murphy, Marion Cotillard, Ellen Page, Joseph Gordon-Levitt...
Sorti le 21 juillet 2010
L’intrigue :
Le rêve est réel. Une maxime à ne surtout pas prendre au pied de la lettre, au risque d’y rester piégé. Dom Cobb en connaît un rayon, il est expert en matière d’extraction - rapt d’éléments clés du subconscient d’une victime endormie - qu’il pratique dans le domaine très flou de l’espionnage industriel. Sous la pression de multi-nationales toujours plus imposantes et volumineuses, sa vie privée est brisée. Éloigné de ses enfants, il n’a d’eux que des coups de téléphone furtifs... et de sa femme, des souvenirs qui le hantent. Mais il doit faire abstraction de ce lourd fardeau que sont les regrets et faire son taff’ avec une concentration maximale. Car, avant toute chose, l’extraction est une chose immensément complexe, où tout est calculé et anticipé. Extraire des informations d’une cible, c’est absorber sa vie et faire face à son subconscient. Alors que pour les psychanalystes, ce dernier recèle de nombreux secrets et une conscience inavouable, Nolan rajoute son grain de sel dans l’équation : un rôle de système immunitaire.
Soyons clair et prenons un exemple : si j’entre dans votre esprit ensommeillé, je partage vos rêves, vos sensations, vos visions et vos secrets. Or c’est en période de sommeil que ceux-ci sont les plus vulnérables. Le subconscient joue alors son rôle de police, et si je fais trop de vagues dans vos songes, il me détectera et m’éjectera sur-le-champ... entraînant mon réveil. Qu’importe ce qui arrive dans un rêve, tout y est fictif, à l’exception de la douleur. La mort quant à elle, est salvatrice puisqu’elle permet d’émerger de la léthargie. Bien évidemment, tout est chimérique et l’impossible n’est plus qu’un mythe, toutes les idées sont réalisables dans un esprit. C’est le propre du rêve.
Ainsi, rentrer dans l’esprit des autres tient de la rapidité et de la discrétion. Désormais une banalité pour Dom et ses coéquipiers, puisque s’offrent à eux une ultime mission : l’inception. Autrement dit, placer dans l’esprit d’une personne une idée suffisamment profonde pour la faire changer d’avis. Car, comme le répète Cobb, rien n’est plus tenace qu’une pensée bien implantée dans l’essence même du subconscient. Elle détermine l’homme et est la cause de ses actions. L’inception est-elle la mission de trop pour ces néo Arsène Lupin ?... Surtout, peut-on lutter à armes égales face à l’incontrôlable subconscient ?
Les impressions
Il y a deux ans, Nolan signait son premier blockbuster de la plus belle des manières : une rentrée d’un milliard de dollar pour Batman : The Dark Knight. Un blockbuster qui a la particularité de n’offrir que peu de scènes d’actions, où tout est tiré sur les portraits psychologiques. Inception s’inscrit dans cette lignée. Tout d’abord, le film a joué d’un buzz très étrange, puisqu’il y a plus d’un an, le site officiel du film ne proposait qu’une seule animation : une toupie qui n’arrêtait jamais de tourner. Les images et vidéos ont suivis, plongeant encore un peu plus les cinéphiles dans l’ahurissement. Pas de marketing viral à la District 9, rien de sensationnel... jusqu’aux premières bande-annonces où se mêlaient des scènes en slow-motion à des plans où Paris se repliait sur elle-même.
Ensuite, le film titille le nerf du petit juif avec comme ligne directrice une question existentielle : sommes-nous réels ? Une approche beaucoup plus soft d’un concept que Matrix avait imposé dans sa trilogie, via la science et la technologie. Or, Nolan n’a introduit aucun élément scientifique dans son long-métrage, tout comme le faisait Bradburry dans ses romans de science-fiction. Alors n’essayez pas de comprendre comment, techniquement, peut-on rentrer dans un rêve, ni même dans quelle époque se déroule l’histoire ; aucun élément concret n’y est présenté. Sans point d’ancrage précis avec notre "réalité", le loisir est laissé alors au spectateur d’imaginer tous les scénarios possibles. Bien que le scénarii soit sans faille, un débat risque de faire longtemps rage : y a-t-il une fin ?
En outre, cette histoire bien ficelée est enflée par une bande-son magistrale, signée Hans Zimmer. A la fois lugubre, grave, rythmée, elle accompagne à merveille les différents plans clés de l’intrigue. Autres excellents points positifs, le doublage et la ribambelle d’acteurs qui ne se marchent jamais sur les pieds. Les rôles sont trop bien délimités pour éviter cette maladresse.
Classé 3ème au Top250 d’IMDb avec un formidable 9.1/10, Inception est bel et bien un chef d’oeuvre contemporain qui n’a pas à rougir de devancer des mythes du 7ème art (Le Parain, Le Bon, la Brute et le Truand, Pulp Fiction...). Sans en douter, le brainstorm de Nolan est un classique instantané, un must-see à ne rater sous aucun prétexte.
En 3 mots : Extraction, Inception, Sublimation.
Note : 9.5/10
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