L’impression chez Lulu
Lulu, ce n’est pas Lulu la Nantaise, celle « qui en buvait au petit déjeuner », comme disait Bernard Blier dans les Tontons Fligueurs. Lulu, c’est Lulu.com, un site qui permet à tout le monde d’imprimer des livres, de les vendre, et de gagner plus de sous qu’en passant par un éditeur. C’est aussi un site américain qui vient d’ouvrir en Français, avec quelques défauts.
L’idée est simple : vous avez écrit un livre, une brochure, ou bien vous avez conçu un calendrier. Pour tout un tas de raisons, votre oeuvre n’intéresse pas les éditeurs. Peut-être intéresse-t-elle un trop petit public. Peut-être a-t-elle été jugée inintéressante par l’éditeur. Peu importe la raison. Lulu vous évite de vous ruiner en édition à compte d’auteur. Vous créez gratuitement un compte chez Lulu, vous envoyez votre fichier via l’interface de gestion, vous choisissez le format, le type de reliure, de couverture, la couleur, etc. Vous envoyez l’image de la couverture et du dos. Lulu vous indique le coût de fabrication. Vous fixez vous-même le montant de vos royalties.
Et hop ! Ça y est. Votre livre est en vente. Vous n’avez plus qu’à vous occuper de la promotion.
Chaque fois que quelqu’un achètera un exemplaire, vous toucherez automatiquement vos royalties. Le prix de vente correspond au prix de fabrication, plus les royalties, plus 20% des royalties pour que Lulu puisse nourrir sa petite famille. Exemple : votre livre coûte 5 EURO à fabriquer. Vous voulez 10 EURO de royalties. Lulu prend 2 EURO de commission. Prix public : 5+10+2 EURO = 17 EURO. Comparé avec de l’édition classique, vous touchez 10 EURO avec Lulu là où un éditeur vous en donnerait à peine 2.
Seulement voilà : Lulu n’est pas éditeur. C’est un imprimeur. Chaque livre est imprimé à la commande, une fois l’achat effectué et payé. Il n’y a aucun stock. Lulu ne fait aucun travail de mise en page. Il prend votre fichier et l’imprime, en qualité professionnelle. Il ne le distribue pas. Il ne fait pas de promotion (hors de son site). De gros investissements en matériel d’imprimerie ont été effectué pour permettre l’impression haute qualité à l’unité à faible coût.
Lulu a été fondé en 2002 par le fondateur de RedHat, Bob Young. Il est interviewé sur 01.Net et on en parle aussi sur ZDnet.
Je trouve l’idée géniale et je suis sûr que le concept va marcher, à terme. Pensons à tous les profs qui éditent leurs cours sur des supports pourris de façon artisanale. Aux étudiants qui ont fini leur thèse et qui ne trouvent pas d’éditeur. Aux associations qui éditent des livres à petit tirage. Aux ouvrages de généalogies. Aux collectionneurs passionnés qui cataloguent leurs collections d’objets introuvables. Aux sociétés savantes. Et bien sûr, aux écrivains maudits.
Lulu exploite l’idée de la longue traîne : les entreprises classiques cherchent à faire de l’argent en vendant beaucoup d’unités d’un nombre limité de produits. Il faut en fabriquer beaucoup, dépenser beaucoup d’argent en marketing et en communication pour pouvoir en vendre suffisamment pour faire un bénéfice. Et on n’est jamais sûr que ça marche. Elles ont donc un petit catalogue car les stocks coûtent cher, tout comme la recherche et la distribution. Résultat, dans le domaine de l’édition, tout ce qui vend peu n’est pas économiquement rentable et donc n’est pas édité. C’est tout un pan de savoir qui reste inaccessible. La "littérature grise".
On peut aussi gagner de l’argent en vendant une faible quantité unitaire d’un très très grand nombre de produits différents. Pour avoir un très gros catalogue permettant de générer globalement un chiffre suffisant en ne vendant qu’un petit nombre d’unités de chaque produit, on peut soit regrouper tous les catalogues du monde entier et fédérer des tas de boutiques. C’est ce que fait Amazon. Soit vendre ce que les gens produisent eux-mêmes et que les éditeurs ne jugent pas assez rentable. Et dans le domaine du livre, c’est énorme. Lulu.com a plus de 50 000 articles à son catalogue américain (ils font aussi dans le mp3, les images, les vidéos, etc.) et a vendu 65 000 ouvrages rien qu’au mois de mai.
Bien entendu, avoir son livre chez lulu ne garanti pas qu’il devienne un best seller. Mais ce n’est pas l’objectif. Si vous arrivez à vendre 1 000 exemplaires d’un ouvrage sur lequel vous touchez 10 EURO, ça fait quand même 10 000 EURO (au lieu de 2 000 chez un éditeur classique). Par ailleurs, l’argent n’est pas forcément le but d’un auteur. On peut vouloir être édité pour beaucoup d’autres raisons que de faire de l’argent. Comme par exemple la diffusion d’un savoir. La préservation de la mémoire. Etc.
La version française de Lulu.com est loin d’être parfaite. La traduction est très approximative. Les tarifs sont en dollars. Les frais de port sont indiqués à partir des États-Unis et les délais de livraison sont assez longs. Les dimensions des ouvrages sont en pouces. Et le site mélange allègrement l’anglais et le français dans l’interface, et les produits en anglais et en français dans la boutique. Il est même, sur le fond, assez compliqué et déroutant.
Mais ce n’est probablement qu’un début. Lulu a l’ambition de devenir l’ebay de l’édition. Pour y parvenir en France, il faudra une véritable présence, si ce n’est sur le territoire, au moins en Europe et plus qu’une simple traduction.
Bonne chance Lulu.
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