« La colline a des yeux »... pour pleurer !
Il y a des après-midi, franchement, qui manquent d’inspiration. J’aurais pu choisir de m’envoler lyriquement vers l’exposition susnommée du Musée du Luxembourg. J’aurais pu visiter le Musée Branly récemment inauguré. J’aurais pu saluer Agnès Varda à la Fondation Cartier. J’aurais dû me précipiter vers l’un des quatre films qui m’emballaient : le dernier Guédiguian, le film franco-algérien Bled Number One, l’excellent documentaire anglais The Road to Guantanamo, ou encore, le film franco-israélo-américain Watermarks, qui se déroule dans le microcosme des nageuses viennoises juives menacées par la montée de l’hitlérisme. Eh bien, non !
Partie pour voir tout à fait autre chose, le film Nos jours heureux, comédie fraîche programmée surtout au bon endroit et censée satisfaire tous les nostalgiques de la colo dont je suis... Par un coup du sort, un hasard incident, un horaire coïncidant, une salle qui le diffusait, poussée poissarde par une irréflexion qui m’eût valu avec raison d’être traitée, moi l’Alpine, de crétine des Alpes... j’allais voir le remake gore d’un classique de l’horreur. La colline a des yeux. Je ne savais pas, bien sûr, qu’il me faudrait sortir les mouchoirs.
Car La colline a des yeux cuvée 2006, commise par le réalisateur français Alexandre Aja, fils d’Alexandre Arcady, n’est pas la cuvée 1977 de Wes Craven ; Wes Craven, le grand maître de l’horreur, à qui l’on doit, entre autres, Les griffes de la nuit et la trilogie des Scream, s’est d’ailleurs associé à la production du film d’Aja. Une déroute dont on ne lui tiendra pas rigueur.
Mais là où Craven avait été salué par la presse internationale, Aja ne réussit qu’un mauvais film gore complaisant.
Rappelons que La colline a des yeux s’inspirait de documentaires sur la Guerre du Vietnam. Un film d’horreur clairement pacifiste et courageux dans un contexte où la réalité de l’horreur dépassait toutes les fictions qu’un réalisateur pouvait développer à l’écran.
Dommage, initialement, Aja semble respecter la source, et ceci, dès le générique. Samplant des images d’archives de bombes nucléaires américaines crevant le ciel et la terre d’un abcès irradié déformant les visages, faisant tomber les membres, marquant à jamais des êtres cobayes d’une lèpre infâme car voulue par l’homme. On se dit alors, voilà qui est bien. Un film d’horreur engagé avec un propos, un métatexte, et un scénario pour l’asseoir. Une phrase s’affiche dénonçant les essais nucléaires américains et campe l’histoire dans une partie du Nouveau Mexique qui aurait été irradiée. L’horreur sera le fait de l’homme, les monstres psychopathes des produits de l’aberration nucléaire.
Au début, quoique l’image n’ait pas la patte d’un photographe, d’un magicien du cadrage et de la lumière, mais semble bien plutôt sortir d’un clip, tous les ingrédients de la peur sont là et prêts à s’enclencher. Une gentille famille américaine avec papa flic et maman on ne sait pas, qui, accompagnés de leurs enfants et de leur beau-fils, fêtent leurs noces d’argent en traversant les grands espaces américains dans leur caravane dernier cri. Les enfants s’ennuient ferme, mais n’osent trop le montrer. Arrivés à une station essence crasseuse du Nouveau Mexique, ils demandent à un pompiste douteux le chemin le plus rapide vers l’autoroute. C’est alors que le pire commence.
Ça aurait pu, ça aurait dû marcher. Remake justifié - croyait-on - par un renouvellement du propos contestataire : menace nucléaire qui demeure, et guerres et prisons américaines violant le droit international.
Adaptation, dans le film source de Craven, de l’histoire vraie d’une famille écossaise anthropophage qui tendait des embuscades aux voyageurs de la région, nous avons dans le remake toujours des anthropophages et toujours une embuscade.
Sauf que le gore dans ce film est si gore que la presse du cinéma fantastique a vu dans la reprise d’Aja un film surpassant Massacre à la tronçonneuse... si déjà ça ne vous met pas en garde...
Les monstres, on les voit. La violence, on ne voit que ça. On pourrait choisir de s’en amuser, et parfois c’est ce qui se passe lorsque la nausée vous quitte. C’est en effet le rire las du « trop c’est trop » qui vous vient. Pourtant ce gore n’est pas kitsch, puisque son parti est d’être crédible, partant, comme Craven, d’une histoire vraie avec moult faciès déformés par les effets de l’irradiation, encore une fois crédibles.
C’est la scène du viol qui vous fait décrocher. Ça sent l’acharnement. D’ailleurs, dans ce film, la seule femme qui survit est celle qui a été violée. Autant dire qu’elle ne survit pas tout à fait.
La bave coule bien entendu du menton des créatures fétides. Les perroquets sont décapsulés aussi facilement que les capuchons de bière par des outres avinées chevauchant des bécanes hurlantes.
La musique agace. On se croit chez Carpenter, le talent du réalisateur en moins.
Les haches se plantent sempiternellement dans la chair. Les chaînes acérées lacèrent. Les monstres tardent à mourir. Et pour faire durer le déplaisir, les instruments de torture dérapent. Les frigos regorgent de membres humains dépecés. Le spectateur est au supplice. D’ailleurs, dans la salle, un nombre conséquent de spectateurs a très vite choisi de partir, écoeurés par tant de gore dépourvu de tout recul, de toute autodérision qui anime parfois ce genre, dérangé par cette mostration aussi sérieuse que gratuite de l’horreur. La fin n’est pas amène. Amen. Oubliez ce film et passez votre chemin. Même le confort d’une salle climatisée en pleine canicule parisienne ne justifie pas de s’infliger un pareil navet.
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