Le prix d’un spectacle
Le désenchantement du réel.
La chorale La Baraka a donné ses deux spectacles de fin d’année afin de conclure en beauté son année de travail et de plaisir. Donné, le terme est galvaudé puisque les contingences économiques sont telles qu’il fallait faire payer amis et anciens choristes, familles et curieux, venus nous écouter. La somme de sept euros leur était demandée ; ce qui découragea quelques personnes, hélas.
Que leur répondre ? Le budget de l’opération sera tout juste équilibré malgré la présence de deux cents spectateurs environ. La vérité n’est jamais bonne à dire dans un pays qui, désormais, n’a plus les ambitions de son passé prestigieux. La culture subit de plein fouet les restrictions budgétaires et notre association ne bénéficie d’aucune subvention.
Pourtant, elle a des frais. Dans son fonctionnement normal, déjà, puisque les cotisations des choristes servent normalement à rémunérer le maître de chœur dont c’est la profession et le gagne-pain. Il n’y a rien à redire à ce fait et je ne comprends pas comment certains pourraient s’en étonner. Il faut bien que les musiciens vivent de leur art, même si c’est de plus en plus difficile dans une société totalement désenchantée.
Le spectacle, quant à lui, a occasionné de nombreux frais. Non seulement, il a fallu normalement rémunérer le pianiste et le chef qui nous ont consacré trois journées complètes et dont c'est le métier mais encore, louer une salle communale dans une ville qui a le tarif dissuasif, y compris pour ses propres associations.
J’avoue ne pas comprendre les desseins d’une commune qui rebute plus qu’elle n’aide les associations : la somme réclamée grevant considérablement nos finances sans que la moindre subvention ne vienne récompenser une action éminemment culturelle. Le choix local de ne financer que les gros projets et les opérations pompeuses ne justifie pas pareil mépris pour la base du tissu associatif.
Le matériel de sonorisation et d’éclairage n’est pas non plus gratuit. Il suppose, en outre, de solliciter des personnes pour le monter, le mettre en état de fonctionner et le régler durant la séance ; ces aides indispensables , il convient de les récompenser d'une manière ou d'une autre... Tout cela ajoute aux frais qui ne cessent de croître, d'autant que la structure régionale de prêt de matériel n'existe plus : rigueur oblige.
Enfin, la pieuvre Sacem ne va pas être en reste. Elle réclamera son dû pour venir accroître un peu plus les grosses fortunes du monde des vedettes, sans aider en rien les petits artistes. Mais contre cette hydre impitoyable, il n'est rien à faire d'autre que cracher au bassinet. Ce que nous ferons sans enthousiasme aucun.
Si vous ajoutez quelques affiches, des invitations qui resteront sans écho, des frais de dernière minute pour quelques inévitables impondérables , vous aurez une petite idée de la ponction que subit une association qui n'a d'autres subsides que les cotisations de ses membres. Ainsi donc, la somme demandée à l'entrée, pour rédhibitoire qu'elle puisse sembler à ceux qui sont en difficulté financière, n'en est pas moins tout juste suffisante pour boucler le budget.
Voilà ce que j'aurais aimé dire à ces personnes qui ont tourné casaque sans prendre la peine de s'expliquer. J'aurais même consenti un tarif « enfant » à ces personnes si j'en avais été informé. Je comprends que la dignité puisse pousser à n'en rien dire ; celle de notre association exige aussi de pouvoir répondre à cette remarque injuste mais fondée. Le prix est un peu élevé, certes, mais nous ne pouvions faire moins, hélas ! Le seul avantage à cette situation est que je n'ai pas eu à remercier quiconque au terme d'une représentation qui se fit sans l'aide de la moindre institution. À toute chose malheur est bon !
Cela risque de ne pas s'arranger. La culture subit sans cesse des coupes réglées. Bientôt, un spectacle sera un luxe et seules les grosses machineries pourront encore survivre. C'est une véritable question de société, un choix qui me navre et atteste que l'économie a pris le pas sur l'humain. Il conviendrait pourtant de sauver le spectacle vivant. C'est lui qui est seul en mesure de redonner l'espoir à un monde sans repères.
Financièrement vôtre.
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