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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le soleil s’est couché ce soir dans les nuées...

Le soleil s’est couché ce soir dans les nuées...

Pour tous ceux qui révisent : le commentaire d'un magnifique poème de Victor Hugo...

Ce poème de Victor Hugo est extrait d'un recueil intitulé Feuilles d'automne... L'automne, on le sait, est la saison de prédilection des romantiques, une saison souvent associée à la mélancolie : l'automne représente la tristesse, il symbolise le déclin, le temps qui passe. C'est une saison en accord avec l'humeur des romantiques qui expriment leur mal de vivre, ce que l'on appelle "le mal du siècle", une sorte de mélancolie indéfinissable.

La composition est très classique : 4 strophes de 4 vers, 4 quatrains.

Dans les trois premiers quatrains, Hugo évoque une nature immuable face à la fuite du temps.

Dans le dernier quatrain, en opposition, le poète fait irruption dans le poème avec l'emploi de la première personne du singulier : "Mais moi... je... je..." C'est l'évocation de la condition humaine : l'homme est voué à mourir, il est soumis, lui, au temps qui passe.

Ainsi, par cette structure, le poète apparaît isolé, humble, minuscule face à la pérennité de la nature. 

 

I ) Le thème de la fuite du temps est essentiel dans ce poème.

 

1) Le champ lexical du temps est abondant et récurrent dans tout le texte : "ce soir... Demain, le soir, la nuit, Puis l'aube... Puis les nuits, puis les jours, pas du temps..."

Tous ces jours, sans cesse... chaque jour... bientôt"

Certains de ces mots indiquent une permanence, d'autres une imminence.

 Le thème du soleil couchant suggère aussi le temps qui passe, dès le premier vers, le crépuscule représentant symboliquement le soir de la vie.

 

2) Les différents temps employés dans le poème soulignent aussi le thème de la fuite du temps.

Le futur domine : il marque une certitude et la fuite inéluctable du temps : 

Au vers 2 : "Demain viendra l'orage", au vers 5 : "tous ces jours passeront".

Dans la troisième strophe : " les bois toujours verts s'iront rajeunissant." "le fleuve prendra."

Dans la dernière strophe : "je m'en irai".

On remarque aussi un passé composé dans le premier vers : "Le soleil s'est couché..." et quelques présents : "pas du temps qui s'enfuit", "roule", "nous aimons", "il donne" etc.

 

3) Le temps est personnifié dans l'expression "pas du temps qui fuit" au vers 4 : il semble ainsi exercer sa toute puissance sur les êtres...

 

4) Des répétitions suggèrent aussi une sorte de monotonie dans l'écoulement du temps : le mot "soir" , le verbe "passeront", l'expression "sur la face"sont repris. On relève aussi l'anaphore de l'adverbe de temps "puis", de la préposition "sur" et de la conjonction de coordination "et".

On remarque des effets de rime intérieure : au vers 1 "couché, nuées", au vers 3 "clartés, obstruées", au vers 5 "passeront, passeront".

 

5) Des verbes de mouvement traduisent et restituent l'écoulement du temps : au vers 2 "viendra", au vers 4 "fuit", vers 5 "passeront", vers 11 "s'iront", vers 14 "je passe", vers 15 "je m'en irai".

 

6) Des parallélismes de construction suggèrent aussi le passage monotone du temps : vers 2, 4, 5, 6, 7. On remarque de nombreuses césures , notamment dans la deuxième strophe.

Au vers 4, une succession de monosyllabes peut restituer la lourdeur du temps qui passe.

 

II Face au temps qui s'enfuit, la nature apparaît immuable : le temps n'a pas de prise sur elle.

 

1) Ainsi, la nature est magnifiée dès le premier vers avec l'évocation d'un somptueux coucher de soleil : un vers majestueux, ample où l'on perçoit des effets de sonorités : sifflante "s", et chuintante "ch", des consonnes emplies de douceur.

Dans la deuxième strophe, c'est la fricative "f" qui domine, encore une sonorité très douce.

 

2) La nature est personnifiée dans les expressions : "la face des mers, la face des monts", "le soleil joyeux". Elle est surtout associée à des verbes d'action, ou de mouvement : Demain, viendra l'orage, le fleuve des campagnes prendra... le flot qu'il donne".

3) On relève un champ lexical de la jeunesse : "Et la face des eaux et le front des montagnes, Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts S'iront rajeunissant..." La nature échappe au temps et se renouvelle sans cesse.

4) La nature apparaît grandiose, ce qui est bien suggéré par l'emploi de nombreux pluriels : "les nuées... ses clartés de vapeurs... la face des mers... la face des monts... sur les fleuves... sur les forêts... la face des eaux... le front des montagnes... les bois", etc.

Les nombreux enjambements dans les strophes 2 et 3 donnent aussi une impression d'immensité, de grandeur, d'une nature infinie.

III Face à la nature, Hugo évoque la condition humaine vouée à la mort.

1) Victor Hugo fait d'abord allusion à la mort des autres : au vers 8 : "Comme un hymne confus des morts que nous aimons". Il est question ici des chers disparus qui semblent présents dans la nature.

2) Puis, à la fin du texte, le poète évoque sa propre mort avec un euphémisme : "je m'en irai bientôt."

La dernière strophe est en opposition avec le reste du poème, comme le montre bien la conjonction de coordination "Mais" : le poète apparaît accablé par le poids du temps dans cette expression " courbant plus bas ma tête".

Face à l'indifférence du monde, il est isolé, à l'écart : on relève l'emploi de la première personne du singulier en début de vers : "Moi... je... je..."

Le poète est en opposition totale avec la nature : alors que le "soleil est joyeux", que le "monde est radieux", lui est accablé : on note le bonheur insolent de la nature face à l'accablement du poète.

L'adjectif "radieux" est souligné par une diérèse. L'exclamation finale traduit la tristesse du personnage.

 

Ce poème lyrique écrit à la première personne exprime toute la mélancolie et le tragique de la condition humaine, les chagrins de la mort, du déclin : cette inquiétude est présente dès la première strophe avec la symbolique du thème du coucher de soleil, avec les termes "nuées, l'orage, vapeurs obstruées." qui suggèrent un paysage embrumé. Ce paysage correspond à l'état d'âme du poète.

Et cette mélancolie s'approfondit dans la dernière strophe. 

Ce poème est particulièrement représentatif de la poésie romantique : paysage-état d'âme, thème de la fuite du temps, exclamations, anaphores, lyrisme.

 

Le poème :

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !

Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde, immense et radieux !

Victor Hugo, "Les Feuilles d'Automne", Livre XXXV
« Soleils couchants », VI, 1831.

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2020/04/le-soleil-s-est-couche-ce-soir-dans-les-nuees.html

Documents joints à cet article

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées...

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20 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 12 décembre 2020 17:43

    Version Chet Baker & Paul Desmond : lien


    • rosemar rosemar 12 décembre 2020 17:55

      @Séraphin Lampion

       ??? Cette page n’existe pas...


    • Clark Kent Séraphin Lampion 12 décembre 2020 20:09

      @rosemar

      Excuses, nouvel essai : lien


    • rosemar rosemar 12 décembre 2020 21:20

      @Séraphin Lampion

      MERCI !


    • amiaplacidus amiaplacidus 13 décembre 2020 17:37

      @Séraphin Lampion

      Merci pour le lien.


    • binary 12 décembre 2020 20:15

      Finalement, les textes de Rosemar me sont utiles.

      Car ils m expliquent une énigme de ma jeunesse : Pourquoi, n ai je jamais été capable, d avoir la moyenne en lettres ?

      La réponse est implacable : je n avais pas ce talent inné, pour réussir à écrire un texte totalement niais, et qui réussi à nous faire croire, qu il dit quelque chose.

      Moi, bêtement, à l époque, je croyais, que pour dire quelque chose, il fallait avoir quelque chose à dire.


      • rosemar rosemar 12 décembre 2020 23:02

        @binary

        Je vois que vous n’avez décidément rien à dire sur ce beau poème de Hugo... 


      • binary 13 décembre 2020 11:24

        @rosemar
        Et vous non plus !
        Sauf que moi, je n en fais pas un article.


      • amiaplacidus amiaplacidus 13 décembre 2020 17:36

        @binary

        Cela me rappelle une réflexion de mon fiston (il a maintenant 49 ans) qui venait d’entendre parler de dissertation en classe :
        « J’ai bien compris, une dissertation, c’est l’inverse d’un résumé ».

        Inutile de dire qu’il n’est pas prof de lettre.


      • rosemar rosemar 13 décembre 2020 18:38

        @binary

        Effectivement, vous ne produisez rien... binary : zéro article...
        Vous vous contentez de critiquer les productions des autres... 
        « La critique est aisée, etc. » vous connaissez ?


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 12:32

        Dans le fond, mon commentaire d’hier est plus en rapport avec ce texte ci. Le temps très different selon l’occidental et d’autres modes de rapport à celui-ci. Rosemar, vous devriez vous mettre à l’hébreu. Exemple le mot « passé ». Ce qui est passé est derrière nous. Alors qu’en hébreux, le mot passé a un tout autre sens. il passe toujours, il est en train de passer, Avar signifie , le transfert. Le passé est ce qui est en train de se faire pour naître, à l’instar de l’embryon, oubar (même radical) qui passe. ? Il n’est pas accompli pour toujours, ce qui signifierait que le monde est déjà réalisé. Donc, rien n’est définitif. Atid, le futur, est ce qui du passé , est invité à advenir. A quoi, Au présent de la présence, qui est au delà du futur. Ce qui nous détache de la logique : naissance, vie, mort (d(un point de vue biologique et médical). Il y a justement dans la grammaire hébraïque biblique, une possibilité (la règle du vav renversif. d’exprimer le futur au moyen d’un passé, et le passé au moyen du futur.

         : 


        • rosemar rosemar 13 décembre 2020 18:40

          @Mélusine ou la Robe de Saphir.

          C’est assez compliqué, tout de même...


        • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 12:34

          J’ai cessé de mettre à l’heure de Paris, mais me suis connectée à une autre manière de penser la vie et la mort. en me détachant du point de vue biologique propre à l’Occident. 


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 12:51

            J’ai d’ailleurs, fais étrange. Toutes les personnes que j’aimais étaient en vie et en pleine forme. C’est aussi une manière de dire. En moi, il sont vivants et me portent. L’important n’est-il pas le vécu intérieur par rapport à l’extériorité. Ceux qui s’accroche à l’extérieur risque plus d’être envahi par la tristesse que ceux qui préserve en eux le symbole du vivant. Si j’ai rêvé d’eux, c’est bien qu’ils ont existé et existent encore. Loin des yeux, loin du coeur est une vision très occidentale, C’est parce que Cham a vu son père nu qu’il fut rejeté de l’EDEN. Qu’Orphée se retournant perdit Eurydice. L’histoire raconte qu’Orphée était homosexuel (normal qu’il s’attache à le réalité matérielle, extériorité..). la Kabbale et la Torah sont dans l’immortalité. Non pas le déni de la mort biologique, mais dans l’éternité de la spiritualité. Dans la religion juive, la mort biologique doit être rejetée comme antithèse de la spiritualité. Tant que la personne vit dans le souvenir de quelqu’un, elle est Toujours en vie...Raison pour laquelle, il faut assurer la filiation. Pas nécessairement biologique (aussi par l’écrit. A Y. FRANCOIS. Ma maman. pour la mémoire akashique.


            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 12:53

              J’ai d’ailleurs, fais un rêve étrange. Toutes les personnes que j’aimais étaient en vie et en pleine forme. C’est aussi une manière de dire. En moi, il sont vivants et me portent. L’important n’est-il pas le vécu intérieur par rapport à l’extériorité. Ceux qui s’accrochent à l’extérieur risquent plus d’être envahi par la tristesse que ceux qui préservent en eux le symbole du vivant. Si j’ai rêvé d’eux, c’est bien qu’ils ont existé et existent encore. Loin des yeux, loin du coeur est une vision très occidentale, C’est parce que Cham a vu son père nu qu’il fut rejeté de l’EDEN. Qu’Orphée se retournant perdit Eurydice. L’histoire raconte qu’Orphée était homosexuel (normal qu’il s’attache à la réalité matérielle, extériorité..). la Kabbale et la Torah sont dans l’immortalité. Non pas le déni de la mort biologique, mais dans l’éternité de la spiritualité. Dans la religion juive, la mort biologique doit être rejetée comme antithèse de la spiritualité. Tant que la personne vit dans le souvenir de quelqu’un, elle est Toujours en vie...Raison pour laquelle, il faut assurer la filiation. Pas nécessairement biologique (aussi par l’écrit. A Y. FRANCOIS. Ma maman. pour la mémoire akashique.


              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 13:48

                Aujourd’hui on n’évacue pas seulement les morts, mais SURTOUT la filiation.. Je me suis fais tout(es) seules et n’ai aucune dette. Dette qui suppose un sacrifice. Les civilisations orientales sont bien plus évoluées. La mort biologique est fêtée. Mais les ançêtres sont vénérés. Les haines autour des héritages matériels en occident sont bien plus importantes qu’en Orient. 


                • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 14:07

                  L’idolâtrie est bien une régression. Les personnes qui empaillent leur animaux décédés sont dans le péché...Raison symbolique pour laquelle Les juifs ont quitté l’Egypte. Le transhumanisme étant aussi une perversion. Confondant perpétuité biologique et spirituelle alors que les deux sont distinct. pour qu’il y ait spiritualité il faut une « famine du corps ». un moins. Qui augmentant le vide, fait le plein de quintessence...Et non de néant comme dans la pensée occidentale. l"obésité est bien un problème de spiritualité comme l’anorexie qui n’a rien à voir avec une famine volontaire qui est un sacrifice au divin. L’anorexie c’est le refus de toutes nourritures. La famine, c’est se contenter de l’essentiel : exemple, le pain azyme est du pain sans levain. C’est le sacrifice du levain qui est l’ouverture au divin. 


                  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 14:40

                    La religion catholique est perverse parce qu’elle est idolâtre. Aussi par rapport à la chair, le biologique. Ce qui ne l’a pas empêché de collaborer avec les nazis. Logique, puisque le nazisme par essence idolâtre la beauté corporelle (revoir le film : pain et chocolat). MENGELE.


                    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 13 décembre 2020 15:12

                      Rosemar, vous n’êtes pas astrologue, mais vous sentez le cosmos. Et comme par hasard, ce 14 décembre, il y a une éclipse solaire. La lune couvre le soleil. D’où l’impression de mélancolie et de malaise. Mais si nous surmontons les lois du cosmos, le soleil intérieur lui continue à nous illuminer. Pas d’éclipse. L’astrologie incline, mais ne domine pas. 

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