Les promesses de la mission Lescure… évaporées…
Nous avions bien connu des déboires depuis la loi DADVSI avec Renaud Donnadieu de Vabres, puis les missions qui se sont succédées sous Sarkozy pour aboutir à la loi Création et Internet qui accoucha de l’Hadopi. Dieu sait si le groupe socialiste à l’Assemblée nationale avait vaillamment combattu sur tous les fronts, légiférant à la surprise générale sur la licence globale. Christian Paul avait été de tous ces combats avec talents et une maitrise impressionnante du sujet. La gauche était donc très attendue.
Après quelques chassés croisés sur l’Hadopi et le projet de création d’un centre National de la Musique (CNM), le PS installé rue de Valois en la personne d’Aurélie Filippetti allait, sans doutes aucun, mettre en œuvre les avancées espérées depuis décembre 2005 au moins… que nenni, il fallut passer, une fois de plus, par la case Mission. La procédure est bien connue de tous les familiers de la vie politique, quand un sujet vous dérange, quand il est bien épineux, pour gagner du temps, on nomme une personnalité à la tête d’un groupe de travail et on lui confie Une Mission.
C’est à Pierre Lescure que revînt ce travail et cette tâche ingrate. Pour bien solenniser cette démarche le Président de la République et la Ministre de la culture employèrent le terme d’Acte II de l’exception culturelle. Ni plus, ni moins. On donnât du temps au temps, un peu plus d’une année. Et surtout, il fût constitué toute une escouade autour de Pierre Lescure, composée d’experts et de spécialistes, du moins l’étaient-ils sur le papier.
A la surprise générale, le groupe Lescure fît un excellent travail et surtout il prit le soin de mener une large consultation en ne laissant personne sur le bord. A cet aulne-là, le changement était entré dans l’air du temps. Ce travail sérieux débouchât sur 80 propositions. Un sentiment général, plus ou moins mitigés selon les origines (producteurs, auteurs, interprètes, FAI…) planait sur le secteur. Mais nous n’en étions qu’au rapport. Raison il fallait garder, la réalité des actes était à l’épreuve. Décrets et textes de loi étaient attendus pour concrétiser l’affaire.
Outre la mise à mort de la sanction pénale pour les internautes délictueux, le rapport contenait une pépite : … une taxe sur les appareils connectés pour financer la culture et surtout un dispositif prêt à prendre le relais sur la redevance actuelle de copie privée. Aurélie Filippetti s’était même avancée jusqu’à promettre sa mise en place dans le projet de loi de finance 2014 avec l’assentiment des professionnels de la musique et de l’audiovisuel.
De tout cela, il n’y a que la mise au pas de l’HADOPI et le transfert de ses compétences au CSA qui fût mis en œuvre. Pour le reste il faudra attendre, le Président de la république l’a proclamé : pas de nouvelles taxes en 2014. Pause fiscale ! Ceci pour le plus grand bonheur des lobbyistes triomphants sous Sarkozy, dont on pensait que l’arrivée de la gauche au pouvoir avait limité l’influence : le syndicat Gitep Tics , à savoir l’ensemble des constructeurs d’équipement terminaux et les FAI.
Comme d’habitude, sans honte aucune, les vieux réflexes bureaucratiques prirent le dessus sur la politique et la rue de Valois décida, en attendant (depuis 2005 !) d’ouvrir une énième mission : Sur la musique en ligne et le partage de la valeur entre artistes, producteurs et sites Web, confiée à un haut fonctionnaire (comme de bien entendu) Christian Phéline, conseiller maître à la Cour des comptes et fin connaisseur de l’économie de la culture, il a été membre du cabinet de Catherine Trautmann au ministère de la Culture de 1998 à 1999), il est rapporteur général de la commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits depuis 2006, et membre du collège de la Hadopi depuis 2012.
Bon, encore une fois, après avoir vu plancher successivement la mission Olivennes et les accords de l’Elysée, la mission Zelnik (avec Jacques Toubon et Guillaume Cerutti ), la médiation Hoog et défiler les quatre ministres de la culture : Jean-Jacques Aillagon, Renaud Donnadieu de Vabres, Christine Albanel et Frédérique Mitterrand, nous en sommes encore à la même case départ avec une cinquième !
Serions-nous sans mémoire, pour nous laisser traiter de la sorte et accepter sans renâcler que Mme Filippetti annonce, sans rire, qu’aucune mesure ne sera prise avant les conclusions de cette mission à la fin de l’année, au mieux. Et pendant tout ce temps-là, de missions en missions, de ministres en ministres la révolution numérique avance à grand pas fragilisant tout l’édifice de la création, le menaçant même d’une mort brutale.
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