Libéralisme : le syndrome Batman
A quelques mois de l’élection présidentielle américaine, le dernier volet de Batman : Dark night rises est sorti dans les salles. Mais alors que pour une grande partie des spectateurs Batman n’est qu’un personnage de bande dessinée, l’influence philosophique et politique qu’il représente dépasse bien les limites du simple divertissement.
Dans un article du monde intitulé « le Batman de Christopher Nolan est il de gauche ou de droite », Nicolas Labarre, maître de conférences à l’université Bordeaux III en civilisation américaine, explique :
« C’est un film profondément réactionnaire qui étale son conservatisme. Mais ce n’est pas un conservatisme radical. C’est plutôt un conservatisme qui glorifie l’ordre établi, qui, s’il n’est pas parfait, est préférable au chaos et aux alternatives révolutionnaires. L’univers mis en place par Bane ressemble presque à l’utopie promise où l’on vit heureux, mais est présenté comme un monde totalement chaotique avec une image grotesque de la justice. »
En effet, Bruce Wayne, le plus riche Milliardaire de Gotham, n’utilise pas ses milliards ou son éventuelle influence politique pour diminuer la pauvreté et le chômage qui accentue la criminalité et l’apparition de sociopathes tels que le Joker, mais pense que l’État (représentant les citoyens) n’est pas capable de faire face aux conséquences d’une politique ultra-libérale.
Vision soutenue par le quotidien The Guardian qui considère que : « The Dark Knight Rises contient une vision audacieusement capitaliste, radicalement conservatrice et justicière, qui avance de façon sérieuse, frémissante qu’il faut suivre les choix des riches dès lors qu’ils affirment vouloir faire le bien. Mitt Romney serait ravi. »
Pour le Telegraph, Bruce Wayne n’est qu’un « playboy industriel (…) secrètement, merveilleusement de droite, (…) le champion des ploutocrates. C’est l’homme qui a le plus d’argent, la plus grande maison, la meilleure cachette et la voiture la plus rapide, qui est pourchassé par les plus jolies filles ».
Ainsi, dans cette logique implacable, Bruce Wayne refuse de remettre en cause les lois du marché. Le seul danger mettant ,implicitement, en péril la société n’est pas la spéculation de gré à gré sur les produits dérivés, la concentration monopolistique de la production, les délocalisation, les bas coûts salariaux, mais bien évidement le manque de répression face au crime.
C’est là que dans cette logique du milliardaire qui à tout les pouvoirs, l’individu plus capable que la collectivité pour résoudre les problèmes invente donc le Batman.
Contrairement aux autre super héros, celui-ci ne résout pas les problèmes grâce à ses muscles ou des super pouvoirs mais grâce à sa malice, il faut l’avouer, mais surtout grâce à des gadgets super-chers que seul un milliardaire peut se payer.
Nous sommes donc face à une variante du complexe nitchéen du sur homme, qui fait appel aux pouvoirs de sa volonté, dans laquelle c’est le pouvoir du capital et de l’héritage qui permet de prendre le dessus sur les autres et de faire triompher la justice.
Avec une telle vision, il devient évident que Batman, faisant partis des 1% et ne considérant pas que l’usure et les profits à court terme sont un problème, ne peut pas être un indigné.
Pour Frank Miller, créateur du nouveau Batman des années 90, dans un texte intitulé « Anarchy » : « Occupy n’est rien qu’un ramassis de malotrus, de voleurs et de violeurs, une masse indisciplinée nourrie à la nostalgie de Woodstock et empreinte d’une fausse vertu putride. Ces clowns ne font rien d’autre qu’affaiblir l’Amérique », face à la menace d’Al-Qaida et de l’islamisme. « Cet ennemi – qui n’est pas le vôtre, apparemment – doit ricaner, si ce n’est pas éclater de rire, en regardant votre spectacle vain, infantile et suicidaire ». Il invite les Indignés américains à rentrer chez maman jouer à « Lord of Warcraft » ou à s’engager dans l’armée : « Mais ils risquent de ne pas vous laisser vos iPhones, les enfants. »
Pas étonnant que le film de Nolan, pour certains commentateur néoconservateurs, inspire « la vision de l’histoire humaine comprise en tant que lutte entre volontés individuelles supérieures, un conte d’héroïsme et de sacrifices symboliques qui s’opposent à la corruption désespérée de la société et à la tyrannique et révolutionnaire [...] modelé à partir de la Terreur » que souhaitent certains indignés de Wall Street.
Le méchant « Bane » est donc teinté d’un charisme de leader populiste anarchiste qui défend les 99% lorsqu’il dit : « Gens de Gotham, prenez le contrôle, prenez le contrôle de votre ville. Faites ce qu’il vous plaît. »
Le dernier Batman, quoi qu’on en dise, invite bien le public américain à voter Mitt Romney, il plonge le spectateur dans la subjectivité réactionnaire de néo-conservateurs tels que Frank Miller et fait l’apologie de l’utra-capitalisme. Cela ne signifie pas que le mouvement des indignés soit parfait, mais dans ce cas il constitue une justification de la logique « Batman » des élites néo libérales au même titre que le terrorisme. Car dans leurs Logique, il faut des super vilains, des anarchistes dégénérés qui sont la cause de « l’affaiblissement de l’Amérique ».
En France, les apôtres de cette tendance n’auront de cesse de critiquer la gauche pour son laxisme face aux musulmans, au manque de flexibilité dans le travail et de rigueur budgétaire. Mais, sans pour autant faire l’apologie de la gauche et des indignés, force est de constater que cette identité de droite qui veut limiter le rôle de l’État à des fonctions régaliennes, a vu ses leaders faire de « l’utra-socialisme » (en réalité, de l’ultra-interventionnisme) depuis 2008, en agissant sur les marchés à coup de milliards, perpétrant ainsi le sacrilège ultime pour les ultra-libéraux…
Sources :
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