Manset 2008 : Manitoba ne répond plus - Ô écoute...
Avec Manitoba ne répond plus, dix-neuvième album en quarante ans de carrière, Manset nous livre ici une nouvelle pièce maîtresse de son œuvre. Très prolifique en cette année 2008 (collaboration au dernier Bashung et au dernier album de Julien Clerc), il semble dorénavant travailler avec beaucoup plus de simplicité ou plus exactement de sérénité. Un album à découvrir de toute urgence !
Il n’y a pas la moindre issue à ce dix-neuvième album que tu viens de sortir, sinon plonger en dedans et mordre, mordre en le souffle, le soufre, le sens, toute la sensibilité de ton univers. Des chansons à explorer, écouter, laisser couler, crouler sous le poids de ton, de ma, de notre indéfectible errance. C’est ça qui fait le lien. C’est ce mot-là qui nous suppose si proche. Oublié le mystère, le soi-disant mystère Manset que l’on nous colporte lors de la sortie de chaque nouvel album. Ici le fruit est mûr, tombé de l’arbre il y a longtemps, les orchestrations quelques peu datées, la marque d’un album d’un autre temps. C’est si loin et nous sommes pourtant en plein dedans. Manitoba me fait indéniablement penser à Revivre, album de 1991. Je suis, tu es, nous sommes une pièce de ce puzzle servant de pochette à Manitoba. Pour aimer Manset, il faut être soi-même dans la compréhension et l’accomplissement de sa propre errance. C’est cela, et uniquement cela : écouter Manset. On ne s’y vautre pas, on s’y délecte. J’avais 15 ans lorsque j’ai écouté, pour la première fois, Manset. 1979. Royaume de Siam. Un ébranlement en soi dont on ne se remet pas. Une phrase-clé parmi tant d’autres : celui peut-être, il peut être heureux. Ce genre de petite phrase qui vous accompagne durant toute une vie, je vous assure. Comme une empreinte, gravée en soi. Depuis, Manset ne m’a jamais quitté. Il a été l’un des maillons de la constitution de mon propre univers artistique. Dans mon dernier livre, Hémorragie à l’errance, une phrase de Manset sert de point de passage : Et quand je passe le pont, je me dis : tiens bon. Oui. Pour moi qui vient de la rue, forme la plus extrême de l’errance, je le sais, que : Y a une route. Je ne suis pas dupe. A l’heure des modes, de l’apparence et rien de plus, du vite consommé, du vide intellectuel de plus en plus, ceux qui écouteront Manitoba ne seront pas légion ; alors pourtant que Manset, intact dans son propos, intègre dans son jeu de piste, alarmiste quant au devenir ce monde - Ô Amazonie / Qu’es-tu devenu ./ Avec tes grands arbres nus ? - nous livre ici un diamant brut de toute beauté. Ô, écoute...
Jean-François Jacq
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON