Peut-on revisiter l’étymologie du mot « camarade » ?
A l’occasion d’une randonnée en montagne, un compagnon m’a montré le col qui se profilait au-dessus de nous en m’affirmant que le lendemain nous irions là-haut pour voir si « c’est plus beau de l’autre coté. »
Mes efforts désormais justifiés par une curiosité renouvelée, j’ai laissé celle-ci divaguer sur le sens des mots plus accessibles que les monts.
Je me disais par exemple que le mot « co-voiturage » décrit ceux qui utilisent la même voiture, que les « co-pains » mangent le même pain, les « co-pines » heu… là j’ai senti le terrain glisser et me suis recentré sur le sentier balisé de la « camaraderie » qui vient du mot « CAMARADE ».
Quelques décennies plus tôt j’avais été intrigué par la charge de fraternité que trimbalait ce mot qui se dit en allemand « Kamerad ». Il me semblait attaché à une certaine gauche autoritaire. J’en avais cherché la définition exacte, avant usage, et même l’étymologie.
Quelle connerie la guerre !
Je fus horrifié en découvrant que le mot « camarade » venait de la « chambrée de soldats ». Ne voyant pas matière à solidarité dans le repos de soldats qui se préparent à en tuer d’autres, j’ai banni définitivement ce mot de mon vocabulaire.
Néanmoins cette étymologie du mot « camarade » qui viendrait de la « chambrée de soldats », qui tirerait son origine du mot espagnol « camara » : qui veut dire « la chambre », mot qui viendrait lui-même du grec « kamara » qui signifie « pièce principale d’une habitation », me semblait bizarre.
Ainsi on aurait ajouté le suffixe « de » à la fin de « camara » vers le 16ième siècle selon le Littré pour obtenir « camarade ».
Bizarre aussi de dormir ensemble dans la pièce principale. Pour quels liens... ?
Il m’a semblé qu’il serait plus logique d’ajouter le préfixe « con », prononcé « can » en patois, qui veut dire ensemble, ou « co » devant le mot « marande » qui veut dire goûter ou collation. Ce mot « marande » préexistait en vieux français et en patois, notamment en Franche-Comté devenue espagnole à la fin du 16ième siècle.
D’ailleurs, lorsqu’en patois Velche, mon grand-père utilisait le mot « can » pour dire « je suis arrivé can lui », il fallait comprendre « je suis arrivé en même temps que lui ». Outre que cela démontrait son indéniable sens de l’économie qui lui permettait de remplacer 4 mots de français par un seul mot de patois, cela confirme que le mot « can » signifiait « en même temps que » ou ensemble.
Sinon, marande veut bien dire goûter ou collation. Voir lien ici.
La zone géographique de l’usage du mot marande est décrite ici. Lien.
On retrouve l’équivalent à peine déformé en patois Velche sous
Le casse-croûte : Lè marannde Lien ici
En conclusion, si le mot camarade est issu de can-marande prononcé puis écrit camarade, il n’y a jamais eu de supposée fraternité symbolique d’une chambrée de soldats heureux ou contraints de préparer la guerre. Nos ancêtres se réjouissaient plutôt, j’en suis persuadé, autour de la marande à l’instar des copains qui partagent le pain et le vin.
Cette hypothèse n’est-elle pas plus joyeuse que l’asservissement militaire qui prescrit aux braves gens de s’entretuer fraternellement ?
19 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON