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Philosophie magazine, un premier numéro prometteur

Le créateur de Socrate & Co, l’actualité vue par des philosophes, est bien placé pour apprécier la création de Philosophie magazine. S’agit-il d’un prolongement original, ou d’un magazine sensiblement différent ? Dans son éditorial, Alexandre Lacroix indique que « l’ambition est, précisément, de concilier philosophie et journalisme », ce qui définissait la démarche même de Socrate & Co. Pourtant, il ajoute qu’il s’agit, d’un côté, de « faire découvrir la richesse et la profondeur du travail des philosophes ; de l’autre, de montrer que le savoir n’est pas, pour le philosophe, un stock de références au passé, mais qu’il est en prise avec les enjeux contemporains. »

Est-ce que le numéro 1 de ce magazine reflète ces deux ambitions et les concilie ? Divisé en quatre parties, "L’époque", "Dossier", "Les philosophes", et "L’oeil et l’esprit", Philosophie magazine est, pour l’heure, plus une revue grand public sur la philosophie qu’une conciliation concrète de la philosophie et du journalisme. Quoi qu’il en soit, ce premier numéro a été réalisé d’une manière très professionnelle, et étonne parfois. Par exemple, l’entretien entre Sylviane Agacinski et Marcela Iacub est à couteaux tirés, et la plus jeune, chercheuse au CNRS, ne laisse rien passer à Img_0529_1 madame Jospin - mais la réciproque est vraie. Deux femmes, "modernes", qui discutent âprement sur "l’après règne du mâle", c’est plutôt cocasse, comme si nous pouvions soupçonner que, après le règne du mâle, nous trouverons celui des femelles... -mâles ! à la virilité bien affirmée... Les Img_0530 quatre pages du texte de Marie-José Mondzain, "Sortir de la politique de la peur", ont du souffle, et réjouissent, car cette experte ès CNRS traite cette actualité avec un regard original, rare pour une Française qui appartient à une élite dont on connaît les lunettes et les prismes. Dans le dialogue entre Nicole Garcia et Michel Onfray, le célèbre professeur de philosophie, créateur deImg_0531 l’Université populaire, il est légitime de se demander si l’acceptation du principe d’un dialogue a été profitable à Michel Onfray, car le professeur fait preuve de dogmatisme sur bien des sujets. Nicole Garcia essaie de creuser, Michel Onfray lui répond par la statue de soi, figée, maîtrisée, mais humaine (?) Le dossier traite, une fois de plus, de l’utopie, image-horizon qui est consubstantielle à l’idée-de-philosophie. En deux pages, la rédaction a Img_0532 essayé de donner une réponse à la question : "Y a t-il une pensée alter  ?", et fournit seulement des indices, bien connus de celles et de ceux qui connaissent, lisent ou rédigent même des textes, tracent des perspectives de cette pensée alter... Après une intéressante interview de Marcel Conche, avant qu’il ne nous quitte (l’auteur déclare, et cela forme le titre de l’article, "La mort ne peut plus m’enlever la vie"), le magazine propose un papier central sur Spinoza, justement qualifié d’insoumis. Spinoza est un auteur largement méconnu parce que de nombreux lecteurs tentent de faire l’ascension de son oeuvre par la montagne de L’Ethique. Et il faut bien le dire, ce traité hyper logique a bien du mal à convaincre. C’est que son sens, juif, échappe aux regards de ceux qui ne sont pas nés, les Img_0535 bienheureux, dans une atmosphère entièrement définie par la Bible. Le texte du Deus sive Natura est en effet la traduction logique du texte biblique... Pour comprendre Spinoza, il faut lire principalement le Traité théologico-politique. Ecrit par un juif ("baptisé" de force dans cette culture sectaire ou selon certains, "religieuse", depuis son enfance), il s’agit du premier texte européen qui propose une critique raisonnée mais radicale des éléments contradictoires et délirants du texte biblique, à l’origine de l’exégèse libérale. La transcendance quitte les lignes et les mots, et le texte se peuple de fous et de calculateurs, obsédés par le pouvoir...

4,90 euros, et presque 100 pages, un numéro pour deux mois (6 numéros par an), Philosophie Magazine propose une formule hybride, qui devrait satisfaire les novices ou les amateurs de philosophie, et, parfois, selon les articles, ceux et celles pour lesquels la philosophie est un monde en soi, leur monde. Dans une presse magazine française pléthorique, mais où les titres originaux sont rares, le magazine a sa niche - mais trouvera-t-il des lecteurs fidèles ? Si la rédaction parvient à proposer des numéros réalisés de manière professionnelle, mais aussi activateurs de pensée, des "brainstorming" à eux tout seuls, des connecteurs d’idées, de savoirs et d’individus, il peut devenir un titre de référence, très utile au sein d’une nation et d’une civilisation à propos desquelles il faut s’interroger : résultats de mesure de l’électroencéphalogramme ?


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3 réactions à cet article    


  • le bateleur (---.---.9.118) 4 avril 2006 14:02

    Dans un premier temps, ce qui m’a surtout frappé , c’est l’argumentaire de vente du journal, quelque part au détour d’un article, en gros « La philosophie aide à comprendre le monde » en conséquence il nous fait moins peur.

    Eux aussi, des vendeurs de sécurité ?

    Une des principales motivations à l’achat d’un cran de plus par jour dans le système sécuritaire ses caméras et ses polices supplémentaires (une par fonction nouvelle repérée)

    Luc Comeau-Montasse

    du fagot des Nombreux


    • Senatus populusque (Courouve) Courouve 5 avril 2006 01:44

      Ce genre de revues repose le problème de la vulgarisation. Peut-on faire l’économie du travail ?

      Entre le maximalisme de Luc Ferry, qui dit avoir passé 5 ans sur la Critique de la raison pure (et qui depuis vulgarise à tout va), et les charlatans qui prétendent amener la philosophie à la porte, ou aux pieds, de n’importe qui, il y aurait peut-être place pour une invitation raisonnée et mesurée à l’étude et à la lecture.

      Grellety de Bergerac nous dit, dans la présentation qu’il fait de lui-même sur AgoraVox, que Marc Sautet est « décédé depuis 1998 » ; formule bien surprenante, dont j’aimerais lire une justification.


      • grellety (---.---.28.152) 5 avril 2006 14:57

        A Claude Courouve,

        Concernant Marc Sautet, je suis désolé, je ne comprends pas la question posée.

        La vulgarisation ? Ce mot est, en soi, tout un programme, et un problème. D’abord, parce qu’il contient de vulgarité ; mais aussi de prétention. Car « vulgariser » suppose que du connaissable soit connu, et que celui qui le connaît fasse un travail de présentation et d’explication. Or, en philosophie, y a t-il vulgarisation ? Ceux qui ont prétendu être des platoniciens ont-ils fait connaître et comprendre Platon ? Ils y ont prétendu, mais de là à avoir réussi... Ceux qui ont prétendu écrire des articles de présentation de la « philosophie platonicienne » y ont-ils réussi ? Ils y ont prétendu, mais tous ces résultats sont discutables. En tout cas, celui ou celle qui vulgarise est très prétentieux... Ce magazine est-il dans cette logique ? Les explications de la rédaction en chef ne me semblent pas se situer sur ce terrain. Il y a, faire connaître les philosophes, comme d’autres le font pour des écrivains. En somme, pour un grand public novice, permettre d’avoir un premier contact avec un auteur, une oeuvre, des textes - sans jamais pouvoir remplacer une lecture personnelle et... Et puis, il y a une prétention, c’est vrai, de montrer, ou de démontrer, qu’il y a une intelligibilité réelle et utile de discours et de « savoirs » philosophiques, parce que « les philosophes permettent d’y voir plus clair ». Cette prétention là est intéressante, mais dangereuse pour celui qui l’adopte, car il faut après le prouver. Sauf que si tant de personnes dans le monde lisent, commentent, des textes philosophiques, c’est qu’ils y ont trouvé une pertinence, indisponible par ailleurs. Les prétentions de cette rédaction paraissent donc sensées et pertinentes. Restent que ce sont des prétentions qui ne sont pas plus intéressantes que cela. Ce qui importe, c’est que, dans le magazine, une pensée philosophique, donc, certes, logique, rigoureuse, mais aussi éclairante, et parfois, du coup, surprenante, soit exposée, pour être entendue et discutée. Les créateurs de ce magazine semblent en avoir conscience, et le souci. Il faut donc - wait and see ! Et faire le bilan, dans un an, après les six premiers numéros.

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