Pourquoi Onfray vous fait-il peur ?
Réflexion d’Italie sur une Inquisition psychanalytique

Étrange « débat » que ce « sacrifice collectif » de Michel Onfray sur le temple freudien hexagonal. Vu d’une Italie sous domination vaticane, le débat a frôlé de peu le tribunal de l’inquisition. N’est-il pas surprenant que la patrie de la liberté et de la raison n’ait vu s’élever aucune aucune voix dissidente, à part celle du psychiatre Hervé Hubert (sur les pages de ce journal), en défense d’Onfray et de ses thèses ? Le Crépuscule d’une idole n’a pourtant rien d’un pamphlet sensationnel, comme le voudraient faire croire ceux qui préfèrent l’agression à la lecture, mais est un livre storico-critique, entièrement basé sur une documentation historiographique précise ; celle des Freud scholars qui, d’Ellenberg à Borch-Jacobsen (qui a revu en personne le manuscrit du Crépuscule), ont amplement documenté la falsification des célèbres cas cliniques par Freud et ses graves et trop nombreux mensonges (entre autres, sur la guérison d’Anna O.). Pour ne pas mentionner ses liens avec Mussolini et les nazis. Rien que le Livre noir de la psychanalyse, faussement accusé de promouvoir les théories cognitivo-comportementales, n’ait déjà documenté, et qui, rappelons-le, avait subi similaire attaque de la part de Roudinesco et des Lacaniens. Le "camp du divan" fait largement usage de l’insulte ; s’offre d’« allonger le philosophe », interprète sauvagement sa présumée haine œdipienne et profère des accusations parfois délirantes, comme celle d’accuser d’extrême-droite un homme dont la biographie témoigne de tout le contraire... De l’autre côté, le ton mesuré et non violent de celui qui sait avoir raison.
Chère élite, pourquoi Onfray vous fait-il si peur ? Que se cache donc derrière cette violente « contre-attaque » ? Possible que dans la patrie des lumières, soulever une question - et de plus sur la base de faits historiques - ne déclenche aucun réel débat d’idées ? L’insulte cache-t-elle l’absence de contre-preuves, le temple freudo-lacanien risquerait-il de s’écrouler sous le poids des preuves ?
Le psychiatre Hervé Hubert sur Libération avait tenté d’« élever le débat », en reconnaissant ce que la critique à Freud pouvait apporter à la psychanalyse. Entre autre, de dépasser les concepts d’identification au moi de l’analyste, la dévotion anachronique envers le père mort et idéal, et la vision d’un être humain « pervers », condamné à l’origine avec toutes les conséquences historiques bien connues de ce terrible postulat. En outre, la salutaire critique à Freud permettrait de dépasser la fonction d’idole rigide, d’un savoir absolu, quasi religieux…. et de passer enfin, comme le propose Michel Onfray à une « psychiatrie post-freudienne ».
Il est néanmoins utile de noter que celle dernière existe déjà depuis quarante ans dans la péninsule italienne. Le premier à avoir “déboulonné” Freud est en effet le psychiatre italien Massimo Fagioli qui, dès les années ‘70, avait prononcé et démontré la fameuse phrase “Freud est un imbécile !”. Celle-ci n’était pas une boutade mais le résultat d’une théorie psychiatrique originale, aux antipodes de la vision freudienne d’un nouveau-né “pervers polymorphe” : pour le psychiatre italien l’homme naît sain. S’il devait développer une maladie mentale, c’est à cause de rapports familiaux et interhumains violents et destructifs. Pour la même raison, il peut en guérir grâce au rapport avec un thérapeute affectif et non le psy « absent » du divan). En outre, contrairement au rêve entendu par Freud comme “hallucination”, selon Fagioli, le rêve est une “pensée par images”, un langage universel ; l’inconscient étant connaissable (et non Unbewusste). Connue en Italie comme la Teoria della nascita (Théorie de la naissance), publiée entre 1970 et 1974 en trois ouvrages fondamentaux, dont le texte théorique fondateur“Istinto di morte e conoscenza” (Instinct de mort et connaissance), vient à peine d’être réédité par les éditions de L’Asino d’oro (Rome, 2010). Reste intéressant de noter que ni Onfray ni ses détracteurs les plus virulents, ne font aucune référence à cette théorie à avant-garde de l’antifreudisme. Pour parvenir à démonter la pensée freudienne à la racine et dépasser « la religion freudienne », la France devrait découvrir la Théorie de la naissance de Massimo Fagioli.
Flore Murard-Yovanovitch, journaliste et Paolo Izzo, écrivain
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