Qui définit le « rôle de l’Art » et ses limites en Démocratie ?
Pour Théodore Adorno, dans la lignée des réflexions et travaux de l’Ecole de Francfort, l’art est par essence rebelle à toute domestication par le marché, le Pouvoir et les institutions. Le pouvoir critique de l’oeuvre moderne s’exprime alors, dans le rejet des solutions esthétiques traditionnelles qui voilent les contradictions sociales. Or, l’actualité en France (avec dernièrement le licenciement de 3 humoristes d’une radio Publique) pose évidemment des questions, sur la définition même de ce qu’est un artiste, et ce dont il a le droit d’émettre.
Pourtant, il semble aujourd’hui que rapper " sale pute"(Orelsan), faire dire à un personnage " j’encule Sarkozy " (Didier Porte), faire une caricature de Jean Sarkozy se convertissant au Judaïsme, accuser la marchandisation du corps en montrant une femme dans un caddie (Saez), sont autant de délits, qui soient répréhensibles, et écartés du champ de l’expression artistique. Le cas le plus inquiétant est sans doute celui d’un humoriste qui est ouvertement interdit de salles depuis plusieurs années, de manière totalement illégale (Dieudonné).
Mais, alors, quel dogme défend-t-on, sinon celui que l’art est toujours "moral", "respectueux des conventions", et même de l’ordre, du Pouvoir, et de sa cour ? Quelle idéologie est-elle martelée sinon celle qui dit que "l’art n’a rien à dire" , à part ce qui est convenu, et autorisé ? Et pire : quelle doctrine propage-t-on sinon celle qui voudrait que l’Art " n’est pas -ou ne peut pas être- politique " ?
Aussi, on est forcé de constater le message, envoyé par le chef de l’État lui même, lorsque l’interdiction, la mise au ban, touchent certains artistes et que de manière concomitante il récompense publiquement les " bons artistes ", qui " ont compris ce qu’était l’humour " (cf : légion d’honneur à Muriel Robin, Dani Boon etc.). Des inquiétudes se posent également quand des caricatures sont encouragées par ce dernier, et d’autres sont réprimées.
Un combat pouvant rassembler tous les amis de la Liberté, doit se développer, pour résister aux pressions des Autorités (de quelques natures qu’elle soient) et limiter les effets de la partialité des décideurs (effets incarnés dans le " deux poids deux mesures" ) : celui de la défense indéfectible, de la liberté d’expression, comme un droit aussi fondamental que celui d’exister, dans un monde où dire ce que l’on pense, l’écrire, le dire avec ironie, humour, ou même avec désintérêt expose à la répression, l’interdiction, la calomnie, la censure, voire à la"la mort sociale", et le bannissement (qui se caractérisent souvent pour les artistes par une entrave à leur liberté d’exercer leur métier : Siné, Orelsan, Dieudonné...).
Si l’on attaque ces artistes aujourd’hui (dont la liste s’allonge...), c’est bien parce qu’en sortant - à des niveaux différents - de leur rôle d’amuseur professionnel, de chanteur charismatique, de produit médiatique de divertissement, ils tendent à représenter un danger politique.En fait, quand l’humoriste, ou l’artiste transgresse, quand, les bornes sont franchies, les limites menacent d’être brouillées (A. OGIEN, Sociologie de la déviance),et l’autorité qui la tient avec ; cet affront pourrait donner de mauvaises idées à l’ensemble de la société civile. Pour ça, la candidature de Coluche, est, sans doute le meilleur exemple.
L’enjeu du Pouvoir se trouve par conséquent cette délimitation d’un " rôle de l’art ", "un rôle de l’humour", qui doit rester à "sa" place. Les derniers évènements amènent à penser, non sans réjouissance, que c’est aux citoyens de défendre ces artistes, comme le Pouvoir n’hésite pas à protéger ses bouffons...
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