Qui Sacem le vent …
Lettre ouverte à des brigands de grand refrain !
... Récolte la tempête !
Je découvre avec stupeur les arcanes du monde de la chanson : non pas ceux des étoiles et des vedettes mais les petits tortillons de la production locale, des ensembles amateurs et des groupes en devenir. À ma grande surprise de naïf invétéré, j'y ai trouvé les jalousies, les coups tordus, les médisances et les fâcheries, les conflits d'intérêt et les clans, à l'instar de ce que j'avais fui dans le monde d'Ovalie. Ainsi donc, rien de nouveau sous le soleil, les humains sont ainsi faits ; et je ne dois pas échapper à la règle …
Ce qui me surprend par contre c'est ce cher organisme de financement de la musique qu'on désigne sous le vocable de Sacem. Voilà un mot qui sert d'épouvantail pour toutes les associations qui se démènent pour organiser une petite manifestation et qui se voient ponctionnées d'une somme rondelette pour la grande famille de la musique … J'avais souvent entendu évoquer ce monstre sournois qui épluche la presse locale à la recherche de la moindre manifestation à taxer.
Je pensais que ce prélèvement bénéficiait aux artistes : à tous les artistes qui ont bien du mal à vivre de leur art. J'étais tout émoustillé à l'idée, qu'à mon tour, j'allais pouvoir inscrire mon nom dans ce panthéon administratif et ainsi entrer de plain- pied dans la grande confrérie des saltimbanques. J'allais vite déchanter, je n'entrais pas dans les clous à moins que ce ne soient les bonnes cases.
Il y a à Orléans un bureau de la Sacem. C'est le cœur battant, avec l'émotion du premier communiant, que j'y pénétrai pour obtenir un dossier d'inscription. On m'accueillit fort courtoisement, me donnant ce que je réclamais. Je me voyais déjà en haut de l'affiche. La suite prouverait que je me trompais lourdement.
Je remplis consciencieusement mon dossier, y joignant une quantité non négligeable de chansons que j'avais écrites et qui étaient pour certaines déjà chantées, ici ou là. Un auteur devrait trouver sa place dans cette noble institution, pensais-je alors, afin de défendre sa création et d'en toucher éventuellement quelques subsides.
J'envoyai le tout, pensant que j'allais être immédiatement adoubé par mes pairs et mes devanciers. Quelle grave erreur ! On me retourna prestement la liasse en m'expliquant qu'il fallait d'abord que mes œuvres passent préalablement cinq fois en concert public. Il ne faut jamais mettre la charrue avant les bœufs même quand on se fait fort de creuser un micro sillon. On me demandait ainsi de renouveler ma demande dans un délai de six mois.
Six mois plus tard , après bonne dizaine de concerts dûment estampillés, je retournai renouveler ma demande … Cette fois, on retourna le dossier, prétextant que j'avais utilisé les formulaires qui ne convenaient pas à ma requête : formulaires dois-je le préciser, qui m'avaient été remis en main propre par les employées de ladite maison de contribution
Je retrouvai mon calme pour recommencer, une fois encore, ce fastidieux pensum administratif. Un formulaire par chanson, c'est vous dire la longueur de ce que j'avais à faire. Mais l'enjeu en valait bien de tenir cette chandelle à bout de stylo. Hélas, quelle ne fut pas ma déconvenue quand, une fois encore, et sous un prétexte incompréhensible certainement, tatillon sans doute et fallacieux assurément, on me déclara que je ne méritais pas de la noble institution.
Pour borné que je puisse être, je n'en suis pas moins comptable de mes efforts et de ces vaines démarches. Puisque la Sacem ne voulait pas de moi, je ferais sans elle. Il n'y avait pas à se mettre la rate au court-bouillon. Ceux qui ne voulaient pas de mes mots, auraient au moins la décence de ne pas me présenter la note. Je me pensais exonéré de la taxe musicale, d'autant plus logiquement que les demandes de mon camarade, mélodiste et musicien, avaient subi le même sort.
Nous pouvions donc nous produire sans avoir à payer l'impôt national de la musique puisque nous n'étions pas dignes de celui-ci. Je me trompais une fois encore lourdement. Un organisateur d'exposition artistique se fit rappeler à l'ordre par les charognards de la portée. Qu'importe que l'entrée fût gratuite, que les artistes aient joué pour le plaisir des œuvres entièrement de leur composition : il fallait cracher au bassinet. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, y compris pour les Traîneux d'Grève !
Trop c'est trop messieurs les racketteurs ! Si nous ne sommes pas dignes d'être reconnus par votre organisme, je ne vois pas de quel droit vous venez réclamer votre part à ceux qui font appel à nous. La France est-elle soumis à un impôt sur la note ? À qui allez-vous redistribuer le fruit de notre labeur ? Certainement pas à nous, puisque nous ne sommes, à vos oreilles, rien qui vaille ! Cet argent va tomber dans l'escarcelle de grosses vedettes qui sont certainement des exilés fiscaux notoires.
Il se peut encore qu'il revienne à un généreux partenaire des restaurants du cœur : le principal bénéficiaire de votre petite rapine festive. La générosité est d'autant plus facile qu'elle se fonde sur le travail des autres. Je suis en colère et je tenais à le faire savoir. Une fois encore ce sont les mêmes qui sont toujours les dindons de la farce dans ce pays. Nous n'avons qu'un seul droit : payer. Je m'accorde celui de rouspéter même si ma tempête se limitera à un verre d'eau de Loire.
Dites-nous franchement que nous sommes assujettis à ce merveilleux organisme qu'est votre grande et belle Sacem sans jamais avoir espoir de figurer dans vos listes. Nous ne sommes que des contributeurs volontaires et bénévoles pour la grande cause des vedettes de la chanson. Déjà que les radios locales se refusent à nous ouvrir leurs ondes, les organisateurs vont se détourner de nous qui ne sommes même pas une petite niche fiscale. Nous nous pensions exonérés de vos largesses, nous nous retrouvons navrés de votre indélicatesse !
Désagréablement vôtre.
Copie sera de ce billet sera adressée à une parlementaire. La création d'un impôt suppose l'accord du parlement il me semble.
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