• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Téléchargement payant et licence globale optionnelle

Téléchargement payant et licence globale optionnelle

L’auteur dispose sur ses œuvres d’un monopole d’exploitation, qui se décompose en un droit moral (respect du nom et de l’œuvre) et un droit patrimonial (droit de reproduction, de représentation et d’adaptation de l’œuvre).

En pratique, cela signifie que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle d’une oeuvre réalisée sans l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit[1] est illicite. Un tel acte constitue une contrefaçon passible de dommages-intérêts, de 3 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende maximum[2]. Autrement dit, une œuvre « originale » ne peut être diffusée sur Internet et téléchargée sans le consentement express de son auteur ou de ses ayants droit.

Or, le développement du numérique, et plus particulièrement des réseaux peer to peer, ne permet plus aux ayants droit de contrôler la diffusion de leurs œuvres, et donc de percevoir une rémunération équitable.

Le projet de loi français relatif au droit d’auteur et aux droits voisins[3] dans la société de l’information a donc pour ambition de promouvoir la création littéraire et artistique en favorisant une diffusion plus large de la culture sur les réseaux, tout en garantissant les auteurs contre les nouveaux risques de contrefaçon qu’offrent les technologies de communication.

Il transpose en droit interne la directive européenne du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Cette transposition devait intervenir au plus tard le 22 décembre 2002. La France est l’un des cinq Etats membres n’ayant pas encore satisfait à cette obligation !

La directive laisse une grande marge de manœuvre au législateur. Elle comporte en effet 21 exceptions aux droits d’auteur, dont une seule est obligatoire : l’exception de reproduction provisoire qui vise les copies transitoires ou accessoires nécessaires à la transmission des données (routing, browsing, streaming, caching).

Les exceptions facultatives concernent la copie pour usage privé, la reproduction par des bibliothèques ou des établissements d’enseignement, le compte rendu d’événements d’actualité, la critique, la caricature, l’utilisation d’œuvres au profit des personnes handicapées...

En décembre, le débat parlementaire s’est focalisé sur les mesures techniques de protection des œuvres dont le contournement constitue une contrefaçon, et sur le téléchargement illicite via les réseaux peer to peer.

Aujourd’hui, l’offre musicale en ligne est limitée, dans la mesure où l’incompatibilité des formats de compression et des DRM[4] ne permet pas aux utilisateurs de lecteurs compressés d’accéder à l’ensemble des plates-formes commerciales. Ainsi, Le WMA (Windows media audio) de Microsoft, adopté par les plates-formes de téléchargement OD2, Fnac, Virgin, ne peut être lu par l’iPod d’Apple (40% des ventes). iTunes Music Store, le site de téléchargement d’Apple, est compatible avec les seuls iPod et Hewlett Packard Look Like. Enfin, les téléchargements sur le site de Sony Music ne sont possibles que sur les baladeurs Sony.

Les députés ont donc adopté un amendement relatif aux mesures techniques de protection afin d’imposer l’interopérabilité de ces lecteurs.

Concernant le téléchargement, dans la nuit du 21 au 22 décembre, les députés ont voté à une très courte majorité (30 voix contre 28) un amendement « légalisant » le téléchargement d’oeuvre, au titre de la copie privée[5].

Selon les auteurs de l’amendement (députés PS et UMP) et le rapport de l’Université de Nantes (sous la direction du Professeur André Lucas[6]), le nouveau dispositif répond positivement au test des trois étapes, consacré par la directive européenne du 22 mai 2001.

En application de cette règle communautaire et internationale[7], une exception au droit d’auteur n’est admise que « dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ou autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit »[8].

L’exception est bien limitée à un cas spécial, puisqu’elle ne porte que sur les copies réalisées par téléchargement pour un usage privé et à des fins non commerciales. Elle ne cause pas de préjudice injustifié dès lors qu’elle est directement liée à une rémunération (licence globale optionnelle). Enfin, elle ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre dans la mesure où il n’existe pas d’alternative couvrant les reproductions effectuées massivement, sans autorisation des ayants droit. Selon une étude du cabinet GfK, les Français auraient téléchargé un milliard de fichiers musicaux en 2005, dont 2 % seulement sur les plates-formes payantes !

L’Adami[9], qui compte 22 000 artistes-interprètes associés, rappelle que 75% des artistes-interprètes français adhèrent à cette proposition de licence globale optionnelle, selon un sondage IPSOS réalisé en juin 2005. Elle est également soutenue par l’Alliance Public-Artistes qui réunit plus de 15 organismes représentant les intérêts des musiciens et comédiens, des photographes, dessinateurs et plasticiens, des producteurs indépendants, des consommateurs... [10]

La licence globale serait souscrite et payée (entre 4 et 7 € par mois) par les internautes qui continuent à échanger des contenus culturels à des fins non commerciales. Dès lors, les internautes qui refuseraient la licence globale et continueraient les téléchargements d’œuvres pourront être poursuivis selon une procédure graduée, qui devrait être adoptée lors des prochains débats parlementaires (sur le modèle de l’accord FAI - industrie du film sur le principe de riposte graduée, 4 octobre 2005 et la charte d’engagements du 28 juillet 2004 pour le développement de l’offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique, etc.).

Après l’adoption de la licence globale optionnelle, et malgré l’urgence déclarée par le gouvernement [11], les débats parlementaires ont été repoussés au mois de mars 2006.

Le ministre de la Culture proposera alors aux députés 5 nouveaux amendements au projet de loi visant à contrer la proposition de licence globale optionnelle :

- un régime allégeant les sanctions des internautes qui téléchargent occasionnellement des fichiers à des fins personnelles (reprise du principe de riposte graduée sur le modèle de l’accord FAI - industrie du cinéma, 4 octobre 2005)

- le droit de contourner les protections DRM pour lire les fichiers sur certains baladeurs ou les adapter pour les personnes handicapées

- la garantie de 5 copies privées par les systèmes DRM

- la répression des éditeurs de logiciels peer to peer permettant le téléchargement illicite d’œuvres protégées

- un rapport au Parlement sur la première année d’application de la loi

Deux ans après le dépôt du projet de loi à l’Assemblée nationale, le débat démocratique commence enfin, mais en urgence !



[1] 70 ans après la mort de l’auteur.

[2] Article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle.

[3] Artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, entreprises de communication audiovisuelle.

[4] Digital Rights Management (Gestion des droits numériques).

[5] Amendement n°154 modifiant l’article L. 122-5 2° du code de la propriété intellectuelle (paragraphe consacré à l’exception pour copie privée) : « De même, l’auteur ne peut interdire les reproductions effectuées sur tout support à partir d’un service de communication en ligne par une personne physique pour son usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à l’exception des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde, à condition que ces reproductions fassent l’objet d’une rémunération telle que prévue à l’article L. 311-4 ; ».

[6] Peer-to-peer et propriété littéraire et artistique - Etude de faisabilité sur un système de compensation pour l’échange des oeuvres sur Internet - Institut de recherche en Droit privé de l’Université de Nantes - Carine Bernault, Audrey Lebois, sous la direction du professeur André Lucas.

[7] Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886, accords ADPIC (OMC) entrés en vigueur le 1er janvier 1995, les traités de l’OMPI de 1996 sur le droit d’auteur et sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.

[8] Article 5.5 de la directive du 22 mai 2001.

[9] L’Adami est une société de gestion collective des droits de propriété littéraire et artistique. Elle perçoit et répartit individuellement les sommes qui sont dues aux artistes-interprètes (comédiens, chanteurs, musiciens, chefs d’orchestre, danseurs...) pour l’utilisation de leur travail enregistré.

[10] 15 organismes représentant les intérêts des musiciens et des comédiens (SPEDIDAM, ADAMI, FNS, SNM-FO, SAMUP, SNEA-UNSA, UMJ), des photographes, dessinateurs, plasticiens (SAIF, UPC, SNAP-CGT), de producteurs indépendants (Quartz Electronic Music Awards), des éducateurs (La Ligue de l’enseignement), des familles (UNAF), des internautes amateurs de musique (Les Audionautes) et des consommateurs (CLCV et UFC Que-Choisir).

[11] Le texte ne fera l’objet que d’une lecture par les deux assemblées. En cas de désaccord entre les députés et les sénateurs, la commission mixte paritaire devra se réunir (7 députés et 7 sénateurs). Cette commission désignera deux rapporteurs, un député et un sénateur, qui seront chargés de rendre compte de ses travaux devant leur assemblée respective.


Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (5 votes)




Réagissez à l'article

2 réactions à cet article    


  • (---.---.218.193) 2 mars 2006 15:20

    Nous venons d’entendre sur RMC ce jour du 02/03/2006 Que Christine BOUTIN se prononçait totalement en faveur de la licence globale. un Forfait payé sur le Forfait Internet 5, 6 ou 7 euros. Elle est une partisante féroce du téléchargement et va faire tout ce qui est en son pouvoir pour inflechir dans cette idée et ce malgré les pétitions d’artistes récentes.

    Elle a rajouté, que le téléchargement était quelque chose d’incontrolable et dès lors le forfait représentait la seule solution.

    Alors les FAI vont engranger un Max et nous nous devenons les dindons de la farce. Nous ceux sont Les Video Club qui allons mettre la clé sous la porte, encore des petits commerces de proximité qui vont fermer au profit des Grand Groupes.

    Qui va payer nos charges et nos investissements récents, c’est une honte.

    25000 emplois c’est à peu près le nombre de personnes qui vont devoir pointer au chômage. Cette déferlante et on s’en rend compte dèjà car nos chiffres d’affaires baissent à vitesse grand V, va tout écraser sur son passage.

    Le Syndicat de la Vidéo doit monter au créneau pour que dans ce forfait nous soyons pris en compte. A savoir que par la perte énorme que nous allons subir et qui se ressent déjà, si nous voulons vivre encore un peu, nous soyons rétribués à hauteur de nos pertes grâce à ce forfait qui va permettre d’engraisser les gros et ce sans pour autant créer de l’emploi. Est-ce que Monsieur le Ministre a pensé à ça. Non je crois pas, on va préferer tout lâcher pour l’internaute cela me parait évident.

    Je propose donc, soit que les video club participe au gâteau en tant que spécialistes de la vidéo et payant déjà suffisamment de taxes pour exercer ce métier. Ce qui est une abérration. Ex : un film nous est facturé : entre 50 et 70 euros (droits locatifs) et en plus en fin d’année et justement une taxe encore inventée contre le piratage de 2 % sur le chiffre d’affaire, c’est un comble.

    Je propose donc que tout téléchargement soit impossible à graver sur tout autre support que celui du disque dur de l’ordinateur personnel. Ainsi il aurait plus la possibilité de dupliquer comme aujourd’hui cela se fait.

    Un commerçanct en colère.


    • TAO (---.---.54.5) 9 mars 2006 07:34

      ma question : est ce que cette taxe de 2 % sur le chiffre d’affaire est irrévoquable ... ?? ne peux t on faire appel pour l’annuler . est ce qu’il existe une association défendant les droits des videoclubs qui sont montés au créneau pour dénoncer cet abus . Car payé les droits de location , la taxe professionelle , les différentes charges , etc et cette taxe ... ils nous prennent pour la vache a lait ou quoi ???

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès