Un 26 ou 27 mars : le Combat des Trente
L’Histoire de France a retenu ce fait d’armes et sa cause - la guerre de succession en Bretagne - comme un simple épisode de la Guerre de Cent Ans opposant les vilains Anglais aux gentils Français. Or, en Bretagne, pas encore française à l’époque, ce manichéisme n’avait pas cours : la noblesse comme la population étaient partagées en deux camps, celui de la France et celui de l’Angleterre.

Ce fait épique a marqué les esprits parce que ce jour-là, le 26 ou 27 mars 1351, c’est la fine fleur de la noblesse des deux bords qui s’affrontait. Sans merci et sans limite.
Cette lutte à mort de la chevalerie bretonne des deux camps en un lieu situé entre Ploërmel et Josselin, est devenue légendaire grâce au poème et à une chanson qui en furent tirés et par ces mots célèbres : "Bois ton sang, Beaumanoir, la soif te passera !". On raconte que Beaumanoir, le chef des Bretons rallié au camp français, épuisé par la chaleur, le combat et le jeûne, avait réclamé à boire, ce à quoi son compagnon Geoffroy du Bois lui aurait répondu par ces mots. Cette parole demeurera la devise des Beaumanoir.
Légende : Le Combat des Trente par Octave Penguily L’Haridon
Le 26 mars 1351, au lieu dit du "chêne de Mi-Voie", entre Ploërmel et Josselin, 30 Franco-bretons (parti de Charles de Blois) et 30 Anglo-bretons (parti des Montfort), se livrèrent un combat à mort.
Pourquoi ce combat ?
La cause directe : Las de voir les Anglais piller et rançonner son peuple, le baron Jean de Beaumanoir, capitaine du château de Josselin, reproche aux Anglais leur inconduite et s’écrie en s’adressant à Brembo, gouverneur de Ploërmel, place forte anglaise : "Dieu soit Juge entre nous ! Que chacun de nous choisisse trente à quarante champions pour soutenir sa cause. On verra de quel côté est le droit". L’autre releva le gant...
La cause profonde : C’est la guerre pour la succession au trône de Bretagne. C’est ce qu’on appela aussi la "Guerre des Jeanne". Après la mort de Jean III mort sans héritiers directs le 30 avril 1341, Jean de Montfort - marié à Jeanne de Flandre-, et sa nièce Jeanne de Penthièvre - épouse du neveu de Philippe VI de France -, Charles de Blois, revendiquent chacun pour son compte le trône ducal.
La Bretagne va se diviser : du côté du parti de Blois, soutenu par la France, on trouve les grands seigneurs bretons, le haut-clergé, le pays Gallo et les principales villes du Trégor. Du côté du parti de Montfort, soutenu par l’Angleterre, la petite noblesse, les recteurs et leurs paroissiens du pays bretonnant.
Les récits du combat : de la "désinformation" ?
L’affrontement eut lieu donc au "chêne de Mi-Voie", entre Ploërmel et Josselin le 26 (ou le 27 ) mars 1351. Les conditions de la lutte furent celles du "combat à volonté", c’est-à-dire que chacun des soixante champions eut toute liberté de se battre comme il lui plairait, soit à pied, soit à cheval, avec les armes qu’il voudrait, sans autre obligation que d’observer dans ce combat les règles de la loyauté chevaleresque.
Jean FROISSART ( vers 1337 - après 1404), qui était un narrateur enthousiaste des hauts faits de chevalerie, fit de cette journée de joute un des grands moments de la guerre de Cent Ans. Pour Froissart, ce fut "un moult haut, un moult merveilleux fait d’armes".
Seulement voilà, il semble que le récit ait été magnifié pour redorer le blason français après les défaites de la chevalerie française à l’Ecluse en 1340, à Crécy en 1346, et après la prise de Calais en 1347. Dans son élan patriotique, Froissart aurait "oublié" de mentionner que l’armée de Beaumanoir aussi se comportait en armée d’occupation avec rançonnage et pillage. Il éclipse aussi le fait que les deux armées ont continué de s’entretuer par la suite mais, il est vrai, par armées entières (En 1352 à Mauron et en 1364, à la bataille d’Auray) avec des victoires plutôt anglaises...
Cet épisode présenté comme épique par les historiens français en mal de victoires éclatantes, n’a en aucune façon changé le cours de la guerre ni le sort des populations qui restèrent sous le joug de Anglais continuant de traiter la région en pays conquis. Et la Bretagne restera le théâtre de luttes intestines jusqu’au traité de Guérande de 1365 qui mettra fin à la guerre de succession de Bretagne.
Pour l’anecdote, ce haut fait de chevalerie a inspiré l’auteur des aventures de Sherlock Holmes, Conan Doyle, pour son roman historique Sir Nigel.
Le récit du Combat de Trente, manuscrit du chevalier de Fréminville. (poème du XIVème siècle)
"Stourm an Tregont" ("le combat des Trente"), chant populaire breton recueilli au XIXème siècle par La Villemarqué et publié dans le Barzaz Breiz. (c’est en breton : cliquez sur le drapeau tricolore pour avoir la version française)
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