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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > La Madone de Laroque, un tableau du Vinci ?

La Madone de Laroque, un tableau du Vinci ?

Après son baptême officiel en l’église Sainte Croix de Vinci (Toscane) par Alessandro Vezzosi (directeur du Museo Ideale Leoanardo Da Vinci) le 18 novemebre, quels sont les nouveaux indices léonardiens ou léonardesques de cette oeuvre.

Il nous faut malheureusement admettre aujourd’hui que tout l’œuvre peint de Léonard est sublime, inachevé et lacunaire. Aussi quand le hasard met sur notre chemin un tableau au « phrasé » léonardien ou léonardesque, pourquoi ne pas écouter ce qu’il a à nous dire ?

Ce que l’on voit : La Madone de Laroque, du nom du village cévenole où elle fut découverte, a bien voulu réapparaître sur nos terres après 5 siècles d’errance et de cachette. Le maître de la Madone, appelons le comme çà pour l’instant sur proposition d’Alessandro Vezzosi, a peint la Vierge assise tête penchée sur l’Enfant, qu’elle allaite, couché sur ses genoux jambes croisés, tandis que saint Jean se tient debout à leurs côtés. La main droite de Marie soutient le Christ, la gauche est posée sur les épaules du précurseur. Ce dernier tient dans sa senestre une aiguille dont le chas est pénétré par un fil d’or, prolongement de la chevelure de la fille d’Anne. Sa dextre tient son emblème reposant sur ses épaules : une croix de roseau dont la l’axe horizontal est asymétrique et légèrement incliné, formant une sorte de L italique. En effectuant un rapprochement avec les attributs cités plus haut nous pouvons être en présence d’un fuseau.

Si l’Enfant est nu, la Vierge est habillée d’un corsage « transparent », d’une robe rouge peut être, et d’un manteau bleu à la doublure jaune. Jean pour sa part est revêtu d’une simple tunique de bure gris-bleu.

Derrière eux, à gauche les ruines d’un abri, à droite une « fenêtre » arborée laisse apercevoir un lac de montagne baigné d’une lumière crépusculaire. A ce stade l’œuvre évoque une combinaison de plusieurs compositions léonardiennes et léonardesques : La Vierge aux rochers, les Vierges au fuseau et la Madone Litta (désattribuée au maître), l’esquisse d’une Vierge allaitante conservée à Windsor (Royal Library 12776).

Œuvre léonardienne ou léonardesque ? Comment les spécialistes, au nombre de 4 ou 5, pas plus, de par le monde, vont-ils s’y prendre pour déterminer l’autographie de cette peinture ?

Leur responsabilité est énorme, leur réputation est en jeu et la science dans ce cas n’est qu’une béquille. En premier lieu ils vont s’appuyer sur les analyses de datation. Celles-ci effectuées au CNRS/CNPE de Clermont-Ferrand fournissent une fourchette d’une vingtaine d’années à cheval sur la fin du quattrocento et les débuts du cinquecento. L’imprécision est presque normale, nos bombes nucléaires ne sont pas étrangères au phénomène. Sauf erreur, les analyses des pigments renforcent la datation. Editech, un laboratoire italien avait trouvé du jaune de Naples, pigment incompatible avec une œuvre du 16ème siècle. La contre-expertise a infirmé l’analyse. En retournant sur ses terres, un œil expert pense avoir découvert une empreinte digitale. Nous en connaissons une du Vinci. L’université de Chieti dans les Abruzzes est à même de les comparer, elle nous fournirait une seconde béquilleJ. La photographie, infrarouge et ultraviolette notamment, fait depuis longtemps partie de la panoplie de l’expert. Elle permet de discerner l’indiscernable, de révéler le caché, nous allons en parler plus loin.

L’œil et la connaissance : Quand il prend pour la première fois le tableau entre ses mains, l’expert constate que celui-ci a subi les dommages du temps, et que l’homme n’a pas toujours été précautionneux à son égard. Le panneau de peuplier en une seule planche de 0,48 x 0,59 cm est coupé, usé, repeint et ovalisé. Pour apposer sa peinture à tempéra l’artiste a choisi de recouvrir le bois d’une fine toile de lin, c’est un indice léonardien.

Pour continuer dans ce registre, la nimbe de la Vierge, une couronne-diadème faite d’entrelacs très raffinés, relève de ce que l’on nomme les nodi vinciani, les « nœuds vincien », un élément d’un extraordinaire intérêt pour les spécialistes du génie toscan. En balayant cette peinture tout un chacun peut juger qu’une main virtuose s’est attardée sur le visage du saint Jean, sur le drapé de l’habit de la Vierge. Nombre d’études, d’esquisses et d’œuvres dûment attribuées au maître seront convoquées pour établir s’il s’agit d’un travail effectué par celui auquel nous pensons, ou bien s’il faut chercher parmi ses élèves les plus doués, Giampetrino ou Boltraffio etc... les léonardesques. De toute façon la réalisation trahit plusieurs mains et une autographie partielle ne pourrait nous satisfaire ni rendre hommage à la mémoire de ses créateurs !

L’objectif de l’appareil photo, une camera obscura moderne, révèle un sourire « nouveau » de la Madone. Il est Verrocchiesque et par extension oh combien Vincien !

Les sources littéraires sont moins disertes. Evidemment on sait d’après les carnets de Léonard qu’en 1478 il avait réalisé deux Vierges à l’Enfant dont nous n’avons perdu les traces, mais notre Madone est plus récente. Evidemment nous sommes toujours à la recherche de la Madone réalisée pour Florimond Robertet, le grand commis de Louis XII et François 1er, mais notre Madone ne correspond pas à la description qu’en fait un agent d’Isabelle d’Este. Alors il faut que les spécialistes se replongent dans les notes des uns et des autres, dans les testaments, celui de Salaï par exemple, pour tenter de retracer un parcours certainement chaotique entre la Lombardie ou la Toscane et les Cévennes. Il y a matière n’en doutons pas. L’aventure commencée il ya sept ans est loin d’être terminée à condition qu’un mécène des temps modernes sache tendre l’oreille et écouter avec nous ce que ce tableau à a nous dire, lui sur qui Léonard a posé les yeux.


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9 réactions à cet article    


  • Demian West 11 décembre 2006 18:45

    Mafournier,

    Votre article était assez intéressant, pour qu’on déplorât aussitôt qu’il y manquât la reproduction ou le lien visuel vers l’oeuvre dont vous nous parliez.

    Demian West


    • mafournier (---.---.65.110) 11 décembre 2006 19:36

      Vous avez raison, je vais essayé d’y remédier. En attendant vous pouvez en voir sur mon site http://lesguidesmaf.fr/


    • Demian West 11 décembre 2006 19:52

      Mafournier,

      Je suis assez spécialisé dans l’oeuvre de Vinci, et praticien de l’art pictural. Et mon impression, ou ma conviction intime serait qu’il ne pourrait s’agir d’une oeuvre directement exécutée par Vinci. En raison des faiblesses dans l’exécution qui sont manifestes. On dirait plutôt une citation des oeuvres du Maître, ou au mieux une copie d’une oeuvre inconnue, mais par un élève à l’étude, sinon par un petit maître. Car le rendu y est trop dur et anguleux, comme les passages du sfumato du clair à l’obscur paraissent trop rapides et vifs.

      Cette qui tranche trop, non par le sujet mais par l’exécution trop faible, ne semble pas conçue par la main de Leonardo bien qu’on y sente sa leçon sans conteste.

      Demian West


      • Leclerc f (---.---.102.40) 13 décembre 2006 12:27

        Moi je veux bien que l’on se dise spécialiste de Léonard de Vinci, mais voyez-vous depuis quelques jours je recherche désespérément un livre, un écrit, une communication de votre part, pour le moment rien. Peut-être, écrivez-vous sous un pseudo, alors mille excuses, mais orientez-nous sur cette lecture. Cher monsieur, des spécialistes de Léonard de Vinci ( les reconnus par le monde de l’art) (pas les autoproclamés), actuellement : Carlo Pedretti, Martin Kemp, Alessandro Vezzosi, Pietro Marani, Franck Zollner,Carlo Vecce,David Alan Brown. Voyez-vous de ces quelques personnages aucun n’a voulu juger sur photo, trois ont eu le tableau entre les mains. Je peux ajouter également madame Cecile Scaillierez (Le Louvre), Daniel Arasse (Ehess)(decédé) et Maurizio Seracini (Editech). Leurs avis : -Oeuvre datée entre 1490 et 1510, oeuvre réalisée dans l’atelier de Maître Léonard, plusieurs mains sont observées, la main de Giampietrino, Boltraffio et autre. La participation de Maître Léonard est probable- à suivre. L’apprentissage pour être « expert » est long et difficile. Le propriétaire du tableau.


      • mafournier (---.---.65.110) 12 décembre 2006 09:04

        Bonsoir Je comprends votre scepticisme. Je ne suis pas un attributionniste, je laisse cette tâche à Alessandro Vezzosi et Carlo Pedretti qui ont, ou ont eu cette oeuvre entre les mains. Les expertises continuent et je ne manquerai pas de rendre compte des résultats. Je me permet de transférer votre avis aux propriétaires du tableau, car vos remarques sont crédibles. Cordialement Marc-André Fournier


        • french.painter 25 juillet 2009 19:53

          Puisque M.Leclerc rejette l’avis de Demian West en lui reprochant de n’avoir rien publié d’officiel qui donne du poids à ses analyses, on pourrait en faire autant avec les noms qu’il cite, et alors il faudrait accorder certainement davantage de crédit à A.Vezzosi et C. Pedretti - qui justement n’attribuent pas le tableau à Léonard - qu’aux rares personnes ayant pris le risque de prétendre clairement que l’oeuvre était autographe de Léonard. En dehors de Mlle Vogt-Lüerssen (à qui cette position très risquée a permis de sortir de l’anonymat) et des vendeurs potentiels du tableau, qui d’ailleurs a osé le dire ? Soyons sérieux, et sortons donc du débat reposant sur les seuls arguments d’autorité.
          On sait déjà que le tableau est du XVIe et de l’entourage du Vinci. Je comprends que les découvreurs du tableau souhaitent ardemment qu’il soit du Vinci en personne, mais malheureusement Demian West a raison.
          Effectivement, l’exécution de cette Madone est tellement malhabile qu’il n’est nul besoin d’être un expert pour voir que la main de Léonard ne l’a pas commise. Comparez les drapés (gros plis mous et faiblement construits, à comparer avec les études de draperies du maître), la main de la madone, les visages (en particulier celui du petit St Jean à droite) avec des éléments équivalents chez Léonard. La différence saute aux yeux de n’importe quel connaisseur au regard un peu éduqué ! On est même encore loin en-dessous du niveau de de la Madone au fuseau de la collection Buccleuch, pourtant déjà considérée comme une copie. En revanche, il faut reconnaître que la composition et l’iconographie sont tout ce qu’il y a de plus typiques du maître.
          On peut encore se réfugier derrière l’argument selon lequel « Léonard y aurait mis la main ». Ce qui ne veut rien dire : il a fait une retouche ? Elle est bien cachée et n’a pas sauvé le tableau d’une faiblesse générale peu digne du nom de Vinci. N’empêche : s’il a seulement donné un coup de pinceau dans le fond, cela suffit en théorie à affirmer qu’il y a « mis la main ». Et c’est aussi impossible à prouver qu’à infirmer.
          La seule chose sûre, c’est que le peintre de ce tableau a bien employé ses propres mains comme outil de déposition (pratique courante à l’époque, en particulier pour glacer), et que les traces ne correspondent pas aux empreintes de Léonard (dont on a recueilli des échantillons sur ses tableaux authentiques).
          La conclusion logique (vers laquelle les investigations techniques semblent d’ailleurs s’orienter nettement, non ?) est donc que ce tableau serait une copie d’atelier d’un Léonard perdu.
          Même si cette copie est de faible qualité, cela lui assure déjà un prix de vente de plusieurs dizaines de milliers d’euros minimum, peut-être même plus de 100.000, sans commune mesure avec les 230 ou 250 euros payés par les heureux dénicheurs. Qu’ils restent dignes et sachent s’en contenter : certes, continuer à noyer le poisson permet de prolonger le battage médiatique et pendant ce temps la valeur du tableau monte toujours, mais il ne faut pas pousser le buzz jusqu’à la perte de crédibilité totale, sinon, gare à l’atterrissage...


          • mafournier 25 juillet 2009 23:27

            @french.Painter.
            Que ce tableau soit ou non de la main de Léonard n’a plus bcp d’importance à mes yeux. Ce qui me sidère c’est la façon dont les médias se laissent manipuler. La Madone est aujourd’hui sur le sol Nippon l’enjeu d’une petite guéguerre entre Fuji TV qui voit là l’occasion d’emmerder la NHK, le sponsor de la Salle des Etats du Louvre.
            TF1, le Figaro ou autres médias ont gobé les propos de Vogt-Lüerssen sans approche critique. L’AFP s’est émue de cette position commune, en se retranchant seulement derrière l’avis d’Alessandro Vezzosi. Il est pourtant facile d’invalider l’hypothèse de l’historienne allemande (voir mes blogs).
            Qui tire les ficelles ? Les inventeurs à force de patience et de travail, c’est tout a leur mérite. Ils ont su convaincre des journalistes en mal de scoop, amnésiques des enseignements prodigués à l’école des journalistes.
            Concernant l’attribution rien n’est et ne sera avéré sans la découverte d’un document, contrat, leg etc.. mentionnant clairement ce tableau.


          • french.painter 26 juillet 2009 11:28

            Et puis l’idée d’aller au Japon pour continuer le buzz est aussi bien vue sur un autre plan : les petits malins qui voudront chercher des infos sur internet et qui risqueraient de s’apercevoir que ceux qui s’y connaissent refusent d’attribuer le tableau à Léonard, ces petits malins ne tomberont pratiquement que sur des textes en français, et quelques articles en anglais. Et combien de Japonais lisent couramment la français ?
            C’est un peu comme si on nous disait ici qu’on a retrouvé une oeuvre majeure qui est d’un disciple de Seshu, et peut-être de la main de Seshu lui-même. Peu de gens s’y connaissent : on goberait tous. Et ceux qui voudraient se renseigner plus avant tomberaient sur des pages de kanjis japonais. Au final, la seule voix qui se ferait entendre dans ce foutoir serait celle des découvreurs...


          • mafournier 26 juillet 2009 11:59

            Il faut pondérer un peu, c’est le Japon qui est venu à eux. Un heureux concours de circonstances via les USA. Les inventeurs croient détenir un tableau exceptionnel, c’est leur droit. Ils sont honnêtes et ne disent pas , officiellement, qu’i s’agit d’un Vinci. Si Fuji finance des recherches c’est bien pour l’histoire de l’art, si non eh bien des boîtes de prod pourront toujours faire une fiction de cette histoire, celle des 3 découvreurs, intéressante.

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