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La télévision

Une courte histoire …

 

 

Alors que celle que nous avons vu naître et que nous appelions l’étrange petite lucarne est sur le point de tirer sa révérence, sur la pointe des pieds d’ailleurs, s’étant faite de plus en plus plate jusqu’à disparaître totalement, prenons le temps de restituer une partie de son histoire, celle qui a touché ceux qui aujourd’hui sont sexagénaires.

La télévision était née, du moins nous le disait-on du côté de la Capitale au sortir de la guerre – la seconde pour ceux qui manquent de référence -. Elle avait investi la Tour Eiffel pour y planter une antenne qui ne couvrait pas, loin de là, tout le territoire national. Nous autres, les pécores, les bouseux, nous dûmes attendre que des relais soient disséminés dans nos lointaines régions pour caresser l’espoir de découvrir la mire.

Caresser seulement car l’objet valait bonbon, quelques mois de salaire, assez encore pour dissuader les gens de s’offrir la chose. Pourtant, il y avait bien quelques plus fortunés pour acquérir cette merveille, fort peu discrète il faut l’avouer. C’était alors le défilé des voisins pour s’extasier devant ce qui semblait être alors, l’apogée du progrès.

La chose était énorme. Un verre bombé, verdâtre dans mon souvenir. Des lampes qui chauffaient, un volumineux modulateur à ses pieds, une odeur de chaud qui ne manquait pas de venir rapidement sur ce nid à poussière. Il lui fallait un meuble solide pour venir trôner au milieu de la salle à manger.

Les heureux possesseurs voyaient bien vite leur maison envahie à diverses occasions. La Piste aux Étoiles fut pour moi, le premier rendez-vous avec la magie télévisuelle. La famille Bourassin nous attendait pour permettre aux enfants de s’extasier devant les numéros de cirque et l’inénarrable Roger Lanzac. Pour les hommes de la maison, c’est le clerc de notaire qui ouvrait ses portes à l’occasion des rares retransmissions sportives.

Naturellement ce fut le déclenchement d’un besoin irrépressible qu’il fallait satisfaire. Quelques années plus tard, nous achetions à notre tour une télévision. Ma première vision fut la mire, ce savant damier au cœur duquel le cheval de Marly nous promet que bientôt la télévision sera notre dada. Notre magicien de l’époque, monsieur Lamiot, utilisait ce savant repère visuel pour étalonner les réglages multiples. Nous le regardions faire avec une immense impatience, vite déçue, car les émissions ne commençaient pas de si tôt.

La télévision était entrée à la maison, fierté absolue quoique ne disposant que d’une seule chaîne jusqu’à ce qu’une nouvelle révolution se fit, qui allait à nouveau nous pousser à la migration. La couleur faisait son entrée fracassante en 1967 sur la seconde chaîne apparue trois ans plus tôt. L’appareil prenait plus de place encore, un monstre ventripotent qui exigeait une place démesurée. C’est justement celle qu’elle allait prendre dans nos vies, mettant à mal les activités culturelles de l’époque…

Pour la couleur, nous nous rendions chez une voisine, Madame Langumier qui avait perçu dans cet achat l’occasion inespérée de recevoir des visites. Angélique Marquise des Anges reste dans mon esprit, sans doute à tort, ma première vision en couleur. Je doute que ce fut un choix parfaitement approprié pour mon âge. La poitrine de Michèle Mercier dut agiter quelques-unes de mes nuits.

L’achat du poste (comme on disait alors) en couleur nous demanda plus de temps. J’héritai quant à moi du vieux récepteur en noir et blanc, ayant le privilège de le recevoir dans ma chambre. J’ai le souvenir qu’il ne fonctionna guère, l’odeur qu’il laissait me dissuadant de l’utiliser. La troisième chaîne faisait alors son apparition. Nous entrions définitivement dans une autre époque.

Internet et l’ordinateur viennent donner un coup fatal à cet objet, symbole des trente glorieuses. Sa propension à devenir immense, son insupportable capacité à prendre toute la place dans une maison au point que nombreux sont les foyers où elle reste allumer alors que des visiteurs viennent, ne sont que les soubresauts d’un déclin fatal. La prolifération des chaînes aura raison de son devenir. La chose va mourir de sa belle mort, marquant sans doute la fin du rêve illusoire de la croissance à l’infini. Nous entrons dans un autre monde qui se passera aisément de cet objet.

Téléspectateurement vôtre

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15 réactions à cet article    


  • juluch juluch 4 décembre 2019 12:11

    Beaucoup de souvenirs !!

    la télé qui fallait allumer bien à l’avance pour regarder la série en noir et blanc des mystère de l’Ouest !!

    Et le jingle ORTF !

    https://www.youtube.com/watch?v=ejJvlA-8nXY

    pub ortf

    https://www.youtube.com/watch?v=w7UC_EusLFo

    les pubs jingle :

    https://www.youtube.com/watch?v=426E7C3TlFA&list=PLTjJzpHHD_UyfM7h5SNOjB5f9QoXUSgIx&index=4

    S


    • C'est Nabum C’est Nabum 4 décembre 2019 13:05

      @juluch

      effectivement nous avons cru à la valeur éducative de la chose et nous avons déchanté


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 4 décembre 2019 14:07

      @C’est Nabum

      Outre qu’il y manque un petit épisode selon moi non négligeable - c’est la télévision française qui a, la première au monde, réalisé une vidéo numérique en 1985 (pour TF1, chaîne encore publique à l’époque) - je regrette que votre article en reste à la nostalgie.
      Je trouve révoltant qu’une émission de débats parmi les plus intéressantes, comme celle de Frédéric Taddéi, ait dû se réfugier sur la chaîne poutinienne RT, après avoir été supprimée de la Télévision nationale publique.
      Révoltant aussi que pas un seul site internet public n’ait été créé, et ne soit toujours pas envisagé, face aux réseaux dits « sociaux » dont une très grande majorité ne sont en réalité que des lieux de défoulement démagogique, au service, qui plus est, de la suprématie de la langue anglo-saxonne.


    • C'est Nabum C’est Nabum 4 décembre 2019 15:09

      @Pierre Régnier

      Ce n’est pas un article
      Je ne suis nullement journaliste si bien que les donneurs de leçons peuvent passer leur chemin


    • Old Dan 4 décembre 2019 12:41

      La télé ? Fin d’un mode de vie rural et communautaire, d’une maison à l’autre, près du feu de bois l’hiver, ou sous le cerisier l’été...

      .

      [...et début du nivellement des opinions et de la consommation standardisées ! ]


      • C'est Nabum C’est Nabum 4 décembre 2019 13:05

        @Old Dan

        C’est ainsi hélas que s’achève cette aventure


      • foufouille foufouille 4 décembre 2019 14:37

        on est loin de l’époque où il fallait régler la fréquence pour avoir la chaîne à chaque fois.

        c’est aussi bien moins cher que avant.

        bizarre quand même que le nombre de chaînes n’ait rien apporter.


        • C'est Nabum C’est Nabum 4 décembre 2019 15:10

          @foufouille

          En effet l’abondance à finir par nuire gravement à la qualité


        • C'est Nabum C’est Nabum 4 décembre 2019 20:06

          @ZXSpect

          Qui s’acharne le plus ?

          Votre liberté ne vous impose pas la corvée de me lire


        • leypanou 5 décembre 2019 11:23

          @C’est Nabum
          son maître à penser lui demande un compte-rendu de ce qu’il a lu chaque jour.
          Plaisanteriement votre.


        • lala rhetorique lala rhetorique 4 décembre 2019 16:28

          On a eu la télé très tôt dans la famille, mon père étant atteint d’une leucémie à l’âge de 28 ans, ma mère avait acquis un téléviseur pour l’occuper et tous les gamins de la rue venaient regarder par la fenêtre cette étrange lucarne. Lors de discours politiques, en particulier du général, mon père mettait un disque de Jean Rigaud et coupait le son de la télé.... Le général déployait ses bras et Rigaud disait : une père de c......s passent devant moi, je les mords, merde c’étaient les miennes« . Ma mère disait que parmi les personnes gravitant à la télé, il y avait pas mal d’ex collabos ; ça m’avait marquée. Ce qui est resté stable entre la télé d’origine et maintenant c’est que l’on a tendance à toujours dire »c’est vrai je l’ai vu à la télé" (enfin un peu moins ces derniers temps). Mon arrière grand-père parlait aux speakerines, persuadé qu’elle s’adressaient à lui personnellement.... Maintenant, les jeunes parlent à leur iphone... au final rien n’a vraiment changé ! La radio était le symbole de la résistance, la télé du divertissement qu’on pensait bien mérité après ces foutues guerres. Mais il n’y avait pas vraiment de stars, enfin on pensait que c’étaient des amuseurs et ils n’étaient pas imbus de leur personne comme le sont actuellement tous ceux qui passent par le petit écran.


          • C'est Nabum C’est Nabum 4 décembre 2019 16:59

            @lala rhetorique

            Ainsi donc le général s’était mis au Playback

            Merci


          • Gasty Gasty 4 décembre 2019 16:55

            (Pour compléter)

            La naissance du téléviseur : https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/invention-et-technologie-visuelle-138437

            Cet objet a toujours son importance, c’est la référence. Le smartphone n’est qu’un rejeton que l’on met dans sa poche ...comme un doudou « diabolique ».


            • C'est Nabum C’est Nabum 4 décembre 2019 17:00

              @Gasty

              Le diable est dans les deux boîtes

              Il a un don d’ubiquité


            • Pierre Régnier Pierre Régnier 5 décembre 2019 10:31

              @Gasty

              Merci Gasty, tout particulièrement pour votre très riche article de 2013 que je ne connaissais pas.

              A propos du numérique installé uniquement dans les studios à ses débuts, il me semble qu’on peut préciser que cela ne va pas seulement servir à unifier totalement les procédés de télévision et à la suppression des systèmes NTSC, PAL, SECAM.

              J’ai rappelé ci-dessus la première production mondiale (1) en vidéo numérique pour l’antenne dans un précédent commentaire (2) pour une autre raison : elle concrétisait pour la première fois la possibilité du traitement de l’image en post-production, là où il n’y avait que montage (et superposition d’images sans précision). Plusieurs images numérisées en studio avec un code temporel enregistré conjointement sur la bande magnétique et lues en même temps sur deux magnétoscopes différents pouvaient désormais, au « montage », être traitées (par exemple incrustées l’une dans l’autre) avec une précison d’un cinquantième (ou un soixantième) de seconde.

               

              (1) fruit d’une collaboration exemplaire public/privé et européenne (franco-allemande) bien avant Maastricht

              (2) un commentaire venant d’un « donneur de leçons » selon Nabum, alors qu’il n’avait rien de semblable. J’apprécie les articles de Nabum, pas seulement parce qu’il est ligérien comme moi, mais surtout parce qu’ils sont parmi les meilleurs et les mieux intentionnés publiés sur Agoravox. Loin de moi l’idée de lui « donner des leçon ». 

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