Prénoms au Venezuela : Lénine, Staline, Kennedy, Nixon et les autres
Lenin Rodríguez. Stalin Pérez. Kennedy Fernández. Nixon González. Voilà des noms que vous pourriez rencontrer au Venezuela. Et bien d’autres encore, inspirés de personnages qui ont frappé l’imaginaire des foules – ou plutôt l’imaginaire des parents au moment de la naissance de leur enfant.
Ces noms d’importation, qui servent ici de prénoms, sont le plus souvent russes ou nord-américains, car entre 1945 et 1990 la guerre froide est passée par là et a marqué les esprits. On aura donc des Lenin, des Stalin, des Roosevelt (plus souvent écrit Rosvelt), des Kennedy, des Nixon, des Mao, des Brejnev, peut-être même des Hitler, qui sait ?
Perpétuer les convictions
Qu’est-ce qui pousse les parents à donner des prénoms de ce genre à leurs enfants ? Sans doute un certain désir d’identification idéologique. Les parents communistes voudront appeler leur enfant du nom des grands leaders révolutionnaires, dans l’espoir peut-être de voir se perpétuer leurs convictions. Le but n’est pas nécessairement atteint : ainsi, l’un des dirigeants étudiants antichavistes les plus acharnés, leader du mouvement étudiant d’opposition de l’année dernière, s’appelle Stalin González ! Les parents d’un autre leader étudiant, Nixon Moreno, lui aussi farouche antichaviste, auront eu plus de chance avec leur progéniture : il est resté dans une voie résolument anticommuniste, tel le vrai Nixon !
Cela dit, l’explication politique ne suffit pas à rendre compte du phénomène du prénommage des enfants au Venezuela. Au-delà des noms de personnages connus, le choix de prénoms étrangers est fréquent. On rencontre des Elvis, des Johnny ou des Yoni (écrits de cette manière), des Sheila, des Kevin, des Frank, des Richard... L’usage de ces prénoms « exotiques » est sans aucun doute un indice du degré d’aliénation de beaucoup de Vénézuéliens par la culture de masse nord-américaine, principalement sous l’effet de la toute-puissante télévision. De tels prénoms sont aussi, pour les parents, consciemment ou inconsciemment, espoir de mieux-être (à la nord-américaine) pour leur descendance. Un nom anglo-saxon comme gage de bonheur, en quelque sorte...
Inventés de toutes pièces
La question du choix des prénoms au Venezuela ne s’arrête pas là. Il nous faut maintenant aborder l’immense chantier des prénoms inventés de toutes pièces, une spécialité à proprement parler vénézuélienne. Pour créer ainsi un prénom, il existe deux méthodes principales :
- la combinaison du prénom des deux parents : Nelson et Marta nommeront leur fille Nelmar ; Fernando et Carolina appelleront leur rejeton Fercar, etc. Si Fercar et Nelmar se marient et ont un enfant à leur tour, ce dernier pourrait s’appeler Fernel, etc. ;
- l’écriture d’un prénom connu à l’envers, dans une sorte de version locale de verlan : Hector devient Rotceh ; Esteban devient Nabetse ; Teresa devient Aseret, etc.
Kerbis, Yojanson, Yudelkis, Yon, Yefry, Yeferson, Yormis, Torkill, Danitza, Yurly, Chirly, Deivis, Brayan, Kely, Tiundy, Tísuby, Tiamy, Yeny, Sobeida, Marsobeida, Yubimar, Yurimar, Yurima, Yurubí, Dorkis, Gladiuska, Yaritza, Karitza, Ylallalic, Yeniber, Diomira, Yoniray, Maryuli, Rodwig, Kepler, Rostin, Lipso, Yurmuari, Norka, Yuruani, Yamarlef, Aleuzenev, Jubino, Davirsia, Levy, Hercilia, Yomira, Yudimel, Wilkinson, Yanis, Yancarlo, Owinch, Yuraima, Mairim, Nelmar, Kleiber, Yubirí, Albiera, Besaida, Maickel, Damelys, Osmar, Daivi, Usnavy, Angely, Solmaira, Miraidis, Yesenia, Yuraima, Yurimia, Yaletzi, Yalisbet, Yaifré, Yoraidí, Yeniber, Yornaichel, Norkis, Franmer, Merfrán, Danixe, Dixon, Yoelbis, Petrasmit, Olmelibey, Armaribely, Rafbet, Rosaherbalaif, Dardha, Isbery, Anglory, Yorbelys, Leidy, Milka, Doreidis, Miradis, Migdalia, Migdalis, Dilsia, Diogne, Diognis, Amorfiel, Diosdado, Jiovana, Eileen, Danibel, Jennisse, Yibisenia, Sensitymoon, Yondry, Raidys, Betsy, Betsymar, Ginesca, Yenise, Amarilis, Yolimar, Denison, Etanislao, Esfreis, Vianney, Lelis, Ismaru, Yenmil, Coraima, Yorman, Dilsia, Yorbelis, Edecio, Ewin, Yanara, Keiyur, Danivell, Keliana, Gretty, Lasmey, Freilly, Erwin, Rosimar, Yenisy, Havey, Vigneys, Kismeth, Gilmer, Osnan, Janlú, Aimara, Nidesca, Yovany, Yoconda, Claid, Dilexa, Kechena, Wianmal, Aroska, Mayra, Tibayre, Coraima, Aiskel, Damaris, Yumaris, Dakmar, Fanely, Iraima, Ariuxi, Maloha, Yajaira, Dorángel, Darwis, Amarilis, Rosmely, Yumber, Norka, Zenaida, Grisel, Lenelina, Carmely, Enderson, Osly, Yolimar, Yulimar, Zulay, Isnardo, Johanson, Yamelis, Indira, Nadesca, Ismelis, Catriel, Yalisbeth, Dubraska, Desireth, Magly, Damaris, Gianine, Dalix, Wuilbert, Yoshkar, Solaine, Jean Frank, Norelys, Aneldo, Rixio, Agnelys, Dalmiro, Yorelys, Lobenis, Keindel, Derbys, Maxiel, Aliera, Williams, Georguel, Hilwilm, Mereanyela, Siuris, Esnilda, Nélida, Elisio, Yudlisbeth, Magaly, Yngrid, Mawel, Rexaimiyori, Willderman, Doreisa, Melody, Nadelys, Veruzka, Jarol, Jakson, Wester, Walfred, Yenniter, Hayram, Stuart, Nabetse, Susej, Yutsitibilisay, Malilis, Marlin, Yesaidu, Osnaiker, Yoneiker, Rotny, Ariani, Joffre, Juan Jondre, Vielman, Anyeli, Everlide, Dinalba, Yóger, Yerly, Yunior, Magalis, Mirosmar, Lilianes, Enelda, Yolimar, Caribay, Zuleimy, Lennar, Geronis, Nuris, Naileth, Wilfred, Duncan, Erylin, Roselyn, Mayarleth, Wilmer, Maikol, Yan Karll, Dayana, Leido, Githanjaly, Netsemany, Yaemmy, Nereydys, Neldo, Eglida, Javiera, Marlenys, Yisel, Mayerling, Maryele, Lysber, Sheila, Georgelis, Arielis, Cheissy, Neimar, Grisaida, Franchesca, Kerallys, Yesenia, Lilibeth, Leobel, Yirly, Deivy, Vivenciolo , Elder, Jerimar, Kenry, Nelsaida, Yormari, Auralin, Yamilet, Elixy, Seiberling, Everfit, Marevi, Esmérida, Zaida, Willésika, Imalay, Euridys, Yedoska, Yogualsi, Yexana, Gemsimys, Haynhect, Yasterliski, Levis, Eukenedy, Nehymalit, Chelsy, Zugehidi, Zugendy, Single, Yorelis, Yorbelis, Jorbis, Yordanik, Solsirec, Miriela, Sorensorina, Greysa, Miriana, Udemixon, Noraisola, Harinton, Icieli, Yraimisg, Royr, Silkys, Nonoska, Yasmildy, Lodval, Nandú, Uni García, Líxido, Analtilo, Ayessa, Bernily, Yinling Rodríguez, Maiker, Marnie, Vicsay, Laiolkis, Hecsaidy, Yaruby, Zunell, Ayerín, Fresa, Urimare, Laudy, Winibey, Ever Nieto, Siempre Mora, Eiker, Braian, Tailor, Kenyerlin, Jean Kenedy, Kerry, Schmeider Graterol, Kervin, Richarly, Cleyder, Remiyarmery, Yunis, Edgembert, Haysamar, Osleandry, Zousire, Waryolis, Glingni, Greity, Windym, Keileen, Shonatan, Enwil, Greissy, Jahynsel, Yuquency, Kleister, Yonexis, Derwin, Johefrank, Deiby, Shaydemar, Jenfer, Juisfreira, Leudis, Yorley, Yurkleym, Jeckson
Faites l’effort de les lire : à côté de prénoms véritablement autochtones, qui n’ont pas leur place ici (Caribay, Zulay...), on y trouve quelques perles, comme Amorfiel (« Amour fidèle » en espagnol), Usnavy (version simplifiée de U.S. Navy), Sensitymoon, Jean Kenedy, ou encore ces transcriptions libres de prénoms étrangers (Braian pour Brian, Dayana pour Diana, Janlú pour Jean-Luc, Yancarlo pour Giancarlo, Maikol pour Michael, etc.).
Quant aux porteurs de ces prénoms eux-mêmes, ils les aiment ou ils les détestent, c’est selon. Certains apprécient ce qui les distingue absolument du reste du monde. D’autres au contraire préféreraient se fondre parmi les communs des mortels et s’appeler Pedro, José, Isabel ou Carolina. Les parents ont-ils pensé à leur responsabilité lorsqu’ils les ont choisis ?
Le sceau de la chrétienté
Un dernier mot. C’est dans les classes populaires que le phénomène du prénom politique, du prénom étranger ou du prénom inventé est le plus courant. Les grandes familles, quant à elles, préfèrent de loin les prénoms traditionnels, frappés du sceau de la chrétienté. D’où, toujours, une certaine condescendance - voire une certaine discrimination - à l’encontre des porteurs de prénoms rares ou originaux. Les commentaires faits à l’article de Roberto Echeto en font foi : les bien-pensants, y compris l’auteur lui-même, qualifient ces prénoms d’horribles ou de ridicules et ne se privent pas de le dire du haut de leur beau prénom chrétien.
Figurez-vous par ailleurs que beaucoup de chavistes (y compris plusieurs hauts fonctionnaires du gouvernement) portent de tels prénoms... Vous comprendrez où tout cela peut mener. Comme quoi le port d’un prénom n’est décidément pas neutre dans ce pays profondément divisé par une lutte des classes qui n’ose pas dire son nom.
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