Sortir de sa coquille
Faute de frappe, il copiera des lignes.
Les mystères de la dactylographie sont insondables pour qui a du plomb dans ses cases. Pour les rois de l'offset, le temps est venu de ne plus prendre la chose au pied de la lettre. Malgré tout et qu'importe la technique ou le numérique, la coquille continue son petit bonhomme de chemin dans les arcanes de l'écrit.
Curieusement, la faute de frappe laisse sa trace baveuse sans que l'encre rouge ne vienne pointer du doigt l'erreur. Les correcteurs ayant été mis au rancart, seule la machine est censée redresser les torts ou surveiller l'orthographe. La vitesse ayant imposé son rythme, l'escargot est totalement dépassé ; l'immédiat est de mise et le pauvre doit prend son pied à ses antennes tout en laissant sa carapace traîner sur la page.
La coquille a retrouvé de la vigueur sur la grande vague. L'iode sans doute lui rappelle son milieu naturel, elle s'incruste assez pour vous mettre en appétit ou partir à sa pêche à pied. L'amateur se plait à remplir son escarcelle de ses imperfections dont il se délecte, ne cessant de déplorer le laisser aller de l’édition contemporaine.
Ce n'est pourtant pas faute de le répéter, l'orthographe se perd au grand dam de nos académiciens et des derniers experts d'une langue dans son bain originel. La coquille devient alors, non plus une incongruité mais une simple facétie qui amuse ou pire, passe inaperçue. Je ne puis rien en dire de ma fenêtre de dyslexique notoire et impénitent.
Elle a d'ailleurs souvent bon dos, cachant une méconnaissance crasse de la graphie conforme ou de la règle appropriée. Un dos sur lequel le fautif se casse les dents quand des esprits avisés décèlent la faute. L'habitude veut qu'alors, il joint ses doigts pour recevoir le coup de règle qui a jalonné ses années d'école.
Les temps ont changé, on ne châtie plus le cancre tandis qu'on continue de le juger pour un mot mal taillé ou une facétie d'usage. Curieusement ce sont souvent des êtres qui cherchent la petite bête (la coquille correspond tout particulièrement à cette curieuse quête) alors qu'ils ne prennent jamais le temps de rédiger.
La critique est aisée, l'art est plus délicat. Baver sur les écrits des autres c'est sans doute une manière d'entrer en symbiose avec les coquilles laissées sur le champ lexical. L'usage ne s'use que lorsqu'on s'en sert, mettant les mains non dans le cambouis mais dans la cartouche d'encre de l'imprimante.
L'écrit a ceci de mystérieux qu'il refuse de s'envoler, restant ancrer sur son support, faisant tache sur le papier ou sur l'écran. La maladresse saute aux yeux de qui se moque du fond pour ne se préoccuper que de la forme. Spirale infernale qui devient la règle d'or du tatillon de service, du censeur hautain qui aime à se faire mousser en dénonçant ce qui va de travers.
Je remercie ceux qui m'adressent des messages privés pour me signaler mes très grandes fautes, effectuant cette démarche avec délicatesse, faisant passer pour coquille une bévue honteuse. À contrario, je me défie des plus nombreux qui affichent fièrement en public, leur capacité à débusquer l'ânerie tout en se gaussant de l'ignorant.
Écrire c'est prendre le risque de se tromper, de se laisser prendre par les idées qui se bousculent, par la frappe qui va moins vite que la pensée, par le clavier qui favorise l'erreur de touche, par les doigts qui ne sont pas aussi agiles et rapides qu'il faudrait. Sortir de sa coquille par l'expression publique c'est assumer le risque de semer quelques coquilles sur son discours. Je l'assume la tête haute et le rouge aux joues.
À contre-usage.
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