Vingt quatre heures cuistot - 1 -
Vendredi
En direct des Terrasses.
Gourmand devant l'Éternel, j'ai toujours voulu voir de l'intérieur la vie d'une cuisine au sein d'un restaurant de tradition française. Patrice et Valérie m'ont permis de satisfaire ma curiosité maladive. C'est armé de mon tablier de cuisine et de mon inséparable ordinateur portable que je fis donc irruption dans ce temple de la gastronomie locale.
Il est 18 h 30, ce vendredi, Patrice est, depuis une demi-heure déjà, sur le pont à bricoler. L'homme sort juste d'une petite intervention chirurgicale le mercredi pour une petite hernie. Le chirurgien lui a demandé de rester tranquille durant trois semaines mais bien sûr, deux jours plus tard, il est déjà à ses fourneaux. Les deux premiers employés arrivent, Quentin apprenti cuisinier en deuxième année, Noémie en mention complémentaire « dessert de restaurant » après deux années de pâtisserie classique.
Au service Jeferson assure l'accueil des client en compagnie de la maîtresse de maison avec Nadia, lycéenne en première, qui fait des extra comme serveuse. Le fils de la maison vient faire la plonge quand il y a le coup de feu. Belle-maman, ancienne plongeuse du restaurant précédent, vient rendre visite à l'équipe. Thierry, l'éminence grise de la cuisine, a croisé ma route quand il jouait au rugby sous mes directives ; il s'est mis au boulot sans que je le voie passer.
19 heures, tout le monde est sur le pied de guerre. J'ai écrit ces quelques lignes en écoutant le patron me vanter l'ambiance de sa jeune équipe, le plaisir qu'il avait d'avoir des employés capables de répondre toujours présents aux impératifs d'un métier complexe et exigeant. Pendant que le chef parlait avec le curieux du jour, sa brigade s'était mise en branle sans qu'il ne demande rien.
J'enfile mon tablier de cuisine pour aller observer de plus près l'animation qui règne dans le laboratoire. Thierry coupe des pommes de terre tout en surveillant deux ou trois cuissons, prépare une sauce au poivre et au Porto ainsi qu'une autre sauce au whisky et à l’échalote. Quentin se charge de la mise en bouche : une purée de pois cassés ; il n'a pas pris le récipient adéquat, d'une remarque moqueuse, le chef le lui fait remarquer.
De son côté, Noémie prépare sa sauce caramel et annonce sa proposition du soir. Patricia retient la longue description qu'elle proposera ensuite aux clients sous l'appellation prometteuse de « Dessert de l'artiste apprentie ». Pour vous mettre en appétit tandis que la brigade s'active dans une sérénité qui n'est pas l'agitation des émissions télé, je vous nomme cette merveille : « Tartelette au chocolat sauce caramel avec des brunoises de poire de Semoy déglacées à la poire d'Olivet, accompagnée d'un beurre de cacahuètes et de noisettes caramélisées … »
Le chef a profité de son après-midi pour ramasser quelques lactaires délicieux qui vont venir améliorer l'ordinaire déjà fort convenable. Quand on est maître-restaurateur on s'honore de tels petits détails qui apportent cette touche si particulière qui fait que les clients reviennent avec plaisir. Hélas, les champignons seront réservés au personnel : la législation interdisant une telle pratique. Si les Terrasses servent de la friture de Loire c'est que Robert, le pêcheur professionnel, leur fournit sa récolte du jour.Le pain sort du four, il est préparé juste avant l'arrivée des clients. Ceux-ci tardent à franchir la porte ; il est déjà 19 H 45 quand un couple d'habitués fait son apparition. Ils sont comme chez eux ici. Il y a une surprise pour les amis : le patron leur offre au comptoir, une coupe et des œufs brouillés avec ses merveilleux champignons qu'il a magnifiés avec amour. Ce n'est pas vendu, c'est simplement le plaisir, la convivialité élevée en principe de vie.
Je repasse en cuisine et je comprends que ce principe s'applique à la lettre avec l'équipe. Il y a du bonheur devant le piano, c'est une évidence. Pas de cris, pas de coup de gueule : ce qui se trame en coulisse est en rapport avec la sérénité des lieux. Je suis surpris que tous parviennent ainsi à maintenir ce climat tandis qu'il faut envoyer les plats au rythme souhaité par les clients.
J'en ai assez vu ; je me fais client à mon tour, passant de l'autre côté du décor afin de profiter de cette belle ambiance. J'opte pour le menu du marché, un trait d'union avec le rendez-vous du lendemain matin. Il est minuit quand nous nous quittons ; les patrons ont laissé filer leur belle équipe, ils rangeront encore deux ou trois choses avant de regagner leurs pénates.
Tardivement leur
à suivre ...
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON