Éloge de la paranoïa
Bonjour. Ah qu’il est bon, pour se sentir libre, de connaître ses ennemis, de les voir venir, d’anticiper leurs mouvements, de s’en défendre adroitement, et de déjouer leurs complots à la face d’un royaume d’aveugle dont on jouit d’être le borgne...

Le paranoïaque considère qu’un pouvoir lui veut du mal. Que ce pouvoir est véritable ou fantasmé importe peu, l’important, c’est qu’il lui veut du mal, et qu’alors il doit s’en défendre. Est ce qu’il existe en ce bas monde un seul pouvoir, une seule autorité, qui n’a pas à l’occasion engendré une victime, ou nuit à l’intérêt d’autres pour favoriser les siens ? Non. Alors la paranoïa est légitime tant qu’il existera des pouvoirs capables d’abus, non ?
Est-il lucide de considérer qu’un pouvoir est forcément innocent par nature, ou plutôt forcément faillible et en digne devoir de faire attention à son usage pour éviter ses excès. Si l’humain est faillible, le pouvoir qu’il exerce aussi, non ?
Ne pointe-t-on pas là le véritable dilemme de celui dont l’esprit bascule dans l’hérésie paranoïaque : il a d’abord cru en un pouvoir forcément innocent avant de trébucher et parfois tomber dans la certitude d’un pouvoir forcément coupable, non ?
Mais si l’hérésie paranoïaque, c’est ça, alors croire qu’un pouvoir est forcément coupable et finalement tendre vers la croyance qu’il est innocent, c’est redevenir sain d’esprit ?
Ou alors... c’est être devenu perdu pour sa cause, littéralement transformé en maillon faible corrompu qu’il est bon d’éliminer de la chaine des proches convaincus ? Et finalement, on n’est pas considéré comme sain d’esprit par ses amis, mais comme la personne qui bascule dans l’hérésie paranoïaque, celle qui voit le mal autour de soi plutôt que là où on le lui indique ? Non ?
Alors, puisque de toute façon il faut bien être le paranoïaque de quelqu’un, pourquoi perdre son temps a s’en défendre, autant choisir sa paranoïa la plus motivante du moment, non ?
Oh bien sûr, un pouvoir véritable, bon ou moins bon, ne fait pas d’autocritique, il se met ainsi à l’abri des forcement petits cerveaux contestataires et fait taire les quelques désagréments qu’il engendre plus facilement.
Et oui, être sourd c’est quand même la meilleure manière de laisser s’époumoner dans l’inutile celui à qui on vient de marcher sur le pied, l’orgueil ou l’intérêt, non ? Oh bien sûr si ce dernier court s’acheter des chaussures coquées, une indignation identitaire et les services d’un réseau d’intérêts plus important, c’est qu’il est visiblement devenu paranoïaque... ou prévoyant, c’est selon...non ?
Et puis, un véritable pouvoir, comme celui des lemuriens et des Atlantes qui veulent envahir la terre et dont nous ne sommes plus protégés par l’énergie cosmique du regretté cosmogourou Gilbert Bourdin, ne souffre d’aucune limite dans sa vilénie, son entrisme perfide, sa capacité à éloigner les vraies questions en manipulant les esprits pour mieux distiller ses intentions dominatrices, meurtrières, corruptrices, gluantes, miasmatiques... il est indéniablement mû par sa quête de jouissance et de pouvoirs sans limite au prix de l’annihilation des autres, de la planète, du système solaire, de la galaxie, de l’univers même s’il le faut...
Aussi n’est-il pas légitime pour chacun de se protéger, ou d’avoir autour de soi un bon paranoïaque qui lui va être dans la vigilance active ? Avoir un ami paranoïaque, même plusieurs s’ils n’ont pas la même, c’est utile, non ? Un peu comme avoir une grenouille dans un bocal pour voir arriver la pluie, ou avoir un parti anti nucléaire, anti ruine financière, anti ceci et cela, qu’importe si ça rassure au cas où, non ?
Quand on y réfléchit, on sous estime franchement le bonheur d’être paranoïaque. Quand enfin, au détour d’une info, d’une lecture, d’une vidéo forcément véritable, parfois apparemment anodine pour les non initiés du grand secret, on sent son cœur tout d’un coup bondir, une jonction d’esprit se faire, une cohérence apparaître dans un moment de lucidité suprême...
Et en un éclair, on SAIT, et maintenant c’est CERTAIN. Faire partie des gens qui savent, c’est une chose, mais faire partie des gens certains, c’est rentrer dans une autre dimension de l’extase paranoïde.
C’est un plaisir rare, que beaucoup envient tant le doute les opprime. Il faut se rendre compte comment, tout d’un coup, on devient un repère éclairé de certitudes, celui vers qui les mièvres, les douteux, les faibles et les mal vivants se tournent.
Ah la puissance de la certitude paranoïaque, qui en plus délivre une explication si forcément pleine de vrai et de logique solide que l’on s’est persuadé soi même, il faut savoir ce qu’elle aura d’importance et quel usage on peut en faire pour son bénéfice.
Bon, ensuite on se rend compte que tout le monde n’est pas prêt à entendre la vérité, mais il suffit de diaboliser ceux qui pensent autrement pour garder autour de soi les fidèles à sa vérité certaine, la sienne, celle qui arrange son soi, sa grandeur et ses ventes de produits dérivés... Non ?
Oh bien sûr il y a des rabats-joies de la preuve, de douteux professionnelles du doute, certains même prétendent avoir une méthode, sans compter ces autres qui se prétendent certains, imbus d’eux-même et de suffisance alors qu’ils prêchent le faux... Un bon paranoïaque sait bien qu’ils travaillent pour l’autre qui œuvre dans l’obscure, et qu’ils viennent essayer de corrompre le vrai, le sensé et le sensément juste. Non ?
L’inconvénient, car il y en a un quand même, c’est que même entre ami, un bon paranoïaque ne peut pas être tranquille, il est trop lucide et trop seul, et il y a trop de demande de vérité, c’est proportionnel à la baisse du niveau scolaire paraît-il, alors en ce moment il ne chôme pas...
Et si le gourou a par définition le pouvoir sexuel sur sa tribu, il y a forcément lutte et petits arrangement libidineux entre consentants... Bon la notion de consentement est notoirement floue, certes, et difficile à prouver ; finalement, en y regardant bien, le consentement véritable c’est quand cela reste loin d’une cour de justice pour statuer, d’où peut-être cette curieuse tendance à vouloir vivre hors ou en lutte contre le système, non ?
Et puis au nom de quelle vérité et de quelle justice on peut juger la paranoïa ? Il faut lutter contre la discrimination, l’école nous l’apprend bien. Comment faire confiance à ces aveugles qui ne peuvent contempler l’éclairante raison paranoïaque ? Et puis quelle est donc cette tout autant aveugle justice qui veut condamner les si éclatantes lumières de la certitude dès qu’elle lui brûle les yeux ?
Mais dans l’époque actuelle, du jouir sans entraves, n’est-il pas judicieux et préférable de gouter à l’extase d’une bonne certitude paranoïaque bien construite sur du délire que ne de pas jouir du tout ? La période est propice, en ce moment en France le doute est interdit et la soumission morale obligatoire...
Pourquoi donc se priver, on limite déjà ce qu’on met dans son caddie, ses pleins d’essence, son budget vacances, alors est-il raisonnable finalement de limiter sa paranoïa ? On va quand même pas se priver de tout, il faut bien se lâcher quelque part, non ?
Il est important de se rendre compte aussi que parfois... même un parano a des ennemis. Ceux qui prétendent le soigner ne le protègent pas forcément efficacement contre cette réalité. Sortir d’une séance de psy bourré aux calmants et autres psychotropes actifs, ce n’est quand même pas la meilleure lucidité pour les voir dans le dos venir, non ?
Et puis l’avantage de la paranoïa, c’est qu’avec elle on est toujours jeune et moderne. On ne compte plus les siècles ancrés dans la peur de l’apocalypse, et ça fait encore recette avec les effets spéciaux derniers cris, et on commence seulement celui de la peur d’avoir le cerveau contrôlé par un satellite via son téléphone. Que de jolies perspectives...
Même Ici, sur agoravox, parfois on voit se développer de l’agoraphobie virtuelle, trop de réactions, trop d’arguments contradictoires en même temps, et on craque, on se polymorphe en troll tel Bruce banner en Hulk...
Bon évidemment, finir sa carrière de paranoïaque en bavant sur sa camisole, ou dans l’opprobre générale, la fausseté de sa folie enfin révélée et les schizoïdes alentours à nouveau laissés à eux même, heu pardon libérés de l’emprise, cela n’est pas facile à envisager comme fin de carrière.
Mais... si on a bien vécu sa folie et su en tirer bénéfice et partie, entre ça et finir quand même à l’hospice l’alèse remplie en pestant contre le pharmaceutique lobby...
En hommage à Philippe K. Dick.« Le monde est un révolver braqué sur ma tempe ». et à
Sacha Guitry. « Passé pour un idiot aux yeux d’un imbécile est un plaisir de fin gourmet ».
Et pour un parano... ?
Amicalement, barbouse sous acide citrique...
N.B : Cet article est une parodie qui utilise ce qu’on appelle le sophisme, l’amalgame et vulgairement la plaidoirie du comptoir de la mauvaise foi , tout en exploitant la déformation du sens lié à l’usage extrêmement fréquent du champ lexical de la paranoïa dans quantité de domaines en dehors de sa définition et de sa réalité médicale.
Être réellement paranoïaque est sans conteste une souffrance mentale et comportementale, c’est une vérité établie et n’est pas le propos de cet article, qui traite au second degré de l’usage sociologique du champ lexical de la paranoïa en dehors de cette réalité médicale. KECK Mickaël.
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