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#37 des Tendances

Le capitaine et le vagabond

 

La partie de dés.

 

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Il advint en ce temps-là, quelque part dans un port lointain qu'un capitaine au long court tuait le temps que lui imposait une quarantaine en jouant aux dés avec ses compagnons de mer. Les matelots prenaient bien garde du reste de ne jamais trop gagner pour ne pas se mettre à dos un homme aussi mauvais joueur qu'il était excellent marin. Nul n'est parfait de par ce bas monde et des deux spécificités de ce personnage, la seconde était de fort loin la plus utile.

Comme pour le capitaine c'était jour de déveine, pour ne pas le contrarier, les hommes d'équipage un à un avaient quitté le pont, prétextant un travail à faire. Notre homme, fâché de ces défections tout autant que fier de la conscience professionnelle de ses matelots, héla un vagabond qui passait sur le quai. En dépit des mesures d'isolement qui astreignaient ce navire à ne recevoir personne, le capitaine fit monter à son bord, celui qui semblait désœuvré.

Archimède le vagabond céleste s'approcha tout sourire de cet homme important qui le sollicitait ainsi. Le contraste entre leurs allures respectives poussait le clochard à la méfiance. Naturellement, jamais un tel personnage n'avait commerce avec lui. Il fallait se montrer prudent et ne pas se laisser mener en bateau, notre ami ayant toujours eu le sens de la formule.

Le vagabond s'approcha du capitaine en le saluant respectueusement puis en lui demandant ce qu'un pauvre hère comme lui pouvait faire pour lui être agréable. Le capitaine que nous nommerons Archibald pour plus de commodité, lui expliqua alors qu'il entendait avoir un partenaire pour jouer aux dés ce qui après tout n'est pas une occupation désagréable pourvu qu'il ne soit pas question d'argent.

Le vagabond avait du reste mis deux conditions à sa participation. Que la partie ne fût pas intéressée car il n'avait pas un liard sur lui et d'autre part, qu'on jouât avec ses dés pour éviter toute suspicion. Archibald trop heureux de trouver un partenaire, consentit à la requête de cet homme à l'allure misérable. Il lui offrit du reste à boire, car notre marin ne dédaignait pas les alcools forts.

Archimède sortit alors de sa besace deux dés aux formes irrégulières et curieusement vierges de toute inscription. Le capitaine crut à une plaisanterie sans pour autant se démonter. Il exigea cependant que ce fut son compagnon d'occasion qui jeta le premier les dés, ce qui du reste était l'intention du vagabond.

Archimède de lancer solennellement les dés qui roulèrent longtemps sur la dunette. Quand ils eurent arrêté leur course folle, deux gros rats en sortirent qui se mirent à galoper sur le pont. Ramassant les dés, il enjoignit au capitaine de trouver parade à son premier coup. L'homme, sans qu'il fût besoin de lui expliquer comment faire, se concentra avant de répondre à cette première attaque.

Il joua à son tour. Quand les dés s'arrêtèrent, un énorme matou sauta sur les deux rongeurs et les porta de vie à trépas sans autre forme de procès. Le vagabond applaudit à cette parade somme toute assez facile avant que de reprendre les dés pour une seconde partie. Il avait un sourire narquois qui intrigua le marin, se demandant déjà dans quelle galère, il s'était fourré.

Du second jet sortit alors un lapin blanc, animal qui porte malheur sur tous les bateaux du monde. Le capitaine se signa pour conjurer le sort et riposta de fort belle manière. Après avoir roulé longtemps, ces deux dés s'arrêtèrent juste à côté de l'animal aux grandes oreilles. Un chapeau à haut de forme surgit alors de nulle part tandis que le lapin blanc sauta immédiatement dedans pour y disparaître à jamais. Le coup était adroit, Archimède tira sa casquette pour saluer le marin.

Il se concentra un peu plus, jugeant qu'il avait un adversaire coriace. Le vagabond jeta les dés après les avoir longuement regardés. Ils s'arrêtèrent presque aussitôt pour faire apparaître un calamar géant, un monstre marin issu des abysses dont les tentacules envahirent tout le pont, menaçant de tout détruire. Archibald prestement lança les dés pour une réplique cinglante. Un petit sous-marin : le Nautilus sortit de sa manche et plongea dans les profondeurs, aussitôt suivi par le monstre qui entendait en découdre avec lui. L'alerte avait été chaude et heureusement sans dégâts.

Archimède prévint alors que ce serait la dernière partie. Il laissa passer un long moment sans doute pour semer l'inquiétude dans l'esprit de celui qui l'avait sollicité. Le Capitaine pour ne pas montrer son inquiétude, sifflotait un chant de marin, démontrant qu'il était parfaitement dans son élément. Le vagabond ria sous cape avant de donner le coup décisif.

Les dés roulèrent jusqu'au pied du mat d'où sortirent dix-huit nœuds et quatre cents tonneaux de whisky. Archibald devant ce don des dieux, du moins c'est ce qu'il pensa, refusa de jouer à son tour. Il trouvait qu'une telle cargaison ferait son bonheur et celui de son équipage car chacun sur ce navire avait le même penchant pour l'eau de vie maltée.

Archimède reprit ses dés magiques, salua la compagnie car tout l'équipage avait été curieusement attiré par la livraison miraculeuse. Un tonneau fut immédiatement mis en perce tandis que le vagabond regagnait prudemment le quai. La suite fut d'un tout autre tonneau, personne n'ayant pris la peine de se préoccuper des nœuds qui se défirent quand la première barrique fut vidée.

Des serpents roses, immenses et menaçants reprirent leur apparence initiale, celle de reptiles aussi venimeux que dangereux. Chaque serpent se mit en quête de son marin ce qui ne fut qu'un simple problème de correspondance terme à terme, l'équipage étant justement constitué de dix-huit ivrognes, capitaine en tête.

Devant le danger terrible qui les menaçait, tous prirent la résolution de sauter par-dessus bord. Leur état d'ébriété fut telle que pas un ne réchappa à la mort par noyade ou hydrocution. Les autorités portuaires ne surent jamais faire la part des choses et du reste ne cherchèrent pas à la faire. Le tonneau vide à côté duquel traînait une malheureuse corde à dix-huit nœuds, totalement inoffensive les laissa perplexes quant au rôle de cette dernière mais loin d'être circonspects quant aux raisons de ce coup de folie collectif.

Pour les matelots les dés avaient été jetés. Après vérification plus poussée, on se rendit compte que le whisky cause de cette catastrophe humaine ne titrait que quarante degrés et que c'est sans doute pour cette raison que l'équipage de ce navire prétendait être en quarantaine. À force de pousser le bouchon trop loin, la punition finit par advenir.

Sur le quai, Archimède poursuivait son chemin. Il entendait bien s'occuper désormais d'un porte-conteneurs. Une nouvelle entreprise de salubrité publique pour lui. Laissons-le donc mener à bien son entreprise de purification.

 


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2 réactions à cet article    


  • juluch juluch 27 novembre 20:41

    Ou est Tintin , Hugues AuFray et Nemo ??

    Milles sabord !!

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