Le petit père du peuple
Tactile et câlin
« Tout s'efface, tout passe, pour celui qui enlace ! »
Le petit père du peuple avait inauguré sa prise de fonction en prenant à bras le corps de jeunes éphèbes aux torses dénudés. Chacun avait compris alors que la nation était dans de bonnes mains un peu à la manière d'un maréchal qui avait fait don de son corps à la France. Cette séquence serait placée sous le signe du câlin pour les uns et des coups pour les autres puisque manier la caresse et la détresse a toujours été de bonne politique.
Puis notre Monarque se fit la main sur une idole détrônée. Consolant celui qui avait mordu le gazon au cœur du désert, l'image, touchante de tendresse, avait fait le tour d'une planète émue par tant de bienveillance. Plus tard, le consolé put à son tour venir au secours de celui qui lui avait tendu la main un soir de défaite en lui épargnant à son tour une déroute sans doute.
De cette séquence, notre potentat fin tactile pour les siens en conclut que lorsqu'on est dans l'embarras, il convient de prendre dans ses bras ceux que le peuple adore, espérant ainsi voir ressurgir sur sa si immodeste personne, les lauriers récoltés par d'autres. Le salaire de la sueur en somme tout autant qu'une belle occasion de redorer un blason singulièrement terni. Il s'en saisit, elle aussi, de manière magistrale.
Tandis que le pays ne disposait plus que d'un gouvernement démissionnaire expédiant les affaires courantes – le désastre annoncé de l'athlétisme tricolore démontra à l'évidence que courir n'est pas le fort de la nation – celui qui tient les rênes du pays se prit d'affections pour les rois et les reines des jeux olympiques.
Avec un formidable don d’ubiquité, il se trouvait là où une médaille tombait dans l'escarcelle pour enlacer le héros ou l'héroïne devant les caméras complices. Avant qu'une breloque pende au cou du sportif, le président en personne vérifiait la solidité de celui-ci. C'est tout juste s'il ne les eut pas accompagnés sur le podium s'il n'avait craint qu'il ne se transforme un jour en échafaud.
La presse internationale de se gausser alors en prétendant fort ironiquement qu'ici toute médaille française avait son revers pendu à son cou. Quand le pouls de l'opinion ne bat pas la breloque, l'indélicat personnage caressait le futur récipiendaire dans le sens du poil par une chaleur étouffante.
Chemise blanche, cravate et sourire aux lèvres, il a ainsi serré contre son cœur ceux dont il entendait profiter de la gloire pour redorer son blason ce qui explique son penchant pour les médaillés d'or. Il se montrait alors bien plus enthousiaste que devant la victoire des équipes politiques qui ne sont pas de son bord. Se montrer beau joueur en toute circonstance, n'est pas chose aisée dans son cas.
Le petit père du peuple est la plus parfaite illustration de ce que peut être l'exploitation outrancière du sport en dépit de ses dénégations de façade. Il entend profiter de la vague d'euphorie d'un peuple hypnotisé par la chose pour fomenter son déni de démocratie. Du bel ouvrage, car le moment venu, il nommera un premier ministre issu du camp des vaincus.
L'homme aime les vainqueurs à la seule condition qu'ils fussent de son camp. L'essentiel est bien de caresser, de flatter, d'enlacer, de bercer pour mieux endormir les moutons qui au lieu de compter sur eux-mêmes s'extasient en dénombrant les médailles. Le calcul est bon puisque le bilan escompté fut atteint de manière ronflante.
« Pour mieux nous voiler la face, nous leurre celui qui enlace ! »
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