Sherlock Holmes, Miss Thatcher et l’empire du mal
« On ne peut se réjouir de la mort d’un personne privée, mais il me semble que ce ne peut être le cas d’une personnalité publique ! » Voilà ce que j’ai entendu sur le parvis de la cathédrale, cet après midi. Que pensez-vous de ça Holmes » ?
Le grand homme ne répondit pas à mon indignation comme je l’espérais, et se contenta de tirer sur sa pipe, et de fermer les yeux, perdu dans ses pensées. J’en restais un peu désemparé. Parfois, cet homme m’étonne dans ses attitudes léthargiques, digne du pire opiomane.
Le crachin n’avait pas découragé les Britanniques de se rendre aux obsèques de notre bonne vieille Miss Thatcher. En tant qu’ancien soldat de sa majesté, je m’étais naturellement pressé parmi les badauds remontant les rues de la capitale vers saint Paul. De vieux souvenirs m’assaillaient en suivant ce cortège impressionnant : L’enterrement de la reine Victoria, celui de sir Winston Churchill. Je ne pus qu’écraser une larme en entendant la musique militaire, et me mit instinctivement au garde à vous. « God save the queen ! »
« Mais le comble, et c’était bien le plus choquant, ce sont ces gens qui non seulement ont tourné le dos au convoi, mais lui ont montré leurs fesses ! My god ! Moi qui était venu voir le vieux lion britannique rugir, comme aux temps anciens où l’union Jack flottait sur tous les horizons du globe ! J’en ai même entendu lâcher des bordées de pets, comme l’amiral Nelson ses boulets de canon à Trafalgar ! Il me semble après avoir vu ces cuistres, pantalon baissé, qu’il n’y a pas qu’au royaume du Danemark qu’on trouve quelque chose de pourri ! »
« C’est un fait, Watson. Les personnalités publiques partagent avec les toilettes du même nom le fait de ne pas toujours être très propres ! »
« Holmes ! Je sais que vous êtes un homme de bien. Je me tairai donc, my old fellow ! Mais sachez que de tels propos entendus dans un pub vaudrait au faquin un soufflet, si je puis me permettre. Mais sans doute avez vous vos raisons que j’ignore, d’être si sarcastique ! L’évêque de Londres en tout cas, lui, a été très comme il faut. « Le service religieux n'est pas conçu pour « passer des jugements, ce qui est le propre des politiciens » mais pour favoriser « la compassion et réconciliation », a-t-il ajouté. »
« Watson ! Vous êtes débordé par vos émotions. La science déductive ne s'accorde pas avec les mignardises et les petites fleurs, même disposées en couronne mortuaire. Votre intelligence court derrière vous pour vous rattraper ! Au train où vous allez, vous aurez vite fait de la semer ! Il y a aujourd’hui toute une partie de l’Angleterre qui s’est arrêtée comme vous de penser, la tête dans l’autre siècle !"
"Mais enfin, Holmes ! Il est des moments où il faut baisser la tête, et nous recueillir ensemble !".
"Cette guerre des Falkland que Thatcher a gagnée, c’était pour eux un peu la reconquête de l’empire des Indes. L’autre moitié de la population, qui est souvent au chômage, et tous ces anciens mineurs du pays de Galles n’ont pas eux oublié sa politique qui n’a bénéficié qu’aux lords et à ceux de la cité. Il faut remonter à la mort de Napoléon pour voir tant de monde se réjouir ainsi !…Mais je vous l’accorde, la cérémonie était très belle. Ces huit chevaux noirs tirant le cercueil avaient belle allure ! Et puis cette marche funèbre de Chopin, et ces vieux airs anglais, assurément c’était quelque chose ! Même si la note s’avère salée ! On m’a parlé de plusieurs millions de livres ! L’état a parfois du bon, et des largesses pour ceux qui lui font des croupières ! Mais là n’est pas la seule absurdité ! Comment expliquer la présence de ces 4000 policiers quand on nous dit que l’héritage est globalement positif ?
« Diable, comment savez vous tous ces détails ! Vous êtes resté ici toute la sainte après midi, allongé sur votre sofa !
« Elémentaire, mon cher Watson. Vous siffliez tout à l’heure cet air de Chopin dans l’escalier. Mais pour le reste, ce n’est pas très difficile ! J’ai tout simplement regardé la BBC. Tout ce faste avait quelque chose de choquant. Shakespeare n’a pas eu cette chance ! C’est peut être qu’il s’était moqué trop de la mort, pour que celle ci lui fasse des courbettes, et remonte ses jupons sur ses fémurs, au sons des flonflons !. ..Quant à cette dame, elle s’est trop moquée de la vie ! Mais faut il vraiment continuer à l’appeler ainsi ! »
« Jesus ! Que voulez vous dire ? Sa permanente ne m’a jamais laissé la moindre interrogation sur son sexe ! Maggie incarne au mieux dans notre pays les beautés de l’éternel féminin ! Je suis persuadé que sur le continent, tous ces français vaniteux, et amateurs du beau sexe nous l’ont enviée pendant des années sans le dire !…. Pour ma part, j'ai un portrait de Maggie au dessus de mon lit que je contemple toujours avec le plus grand respect ! Voyons, Holmes…..Aucun homme ne porterait les robes à fleurs avec cette élégance qu’avait notre dame de fer à repasser ! »
« Watson, cherchez dans vos souvenirs ! Vous m’avez toujours reconnu un talent dans le déguisement et l’art du grime. Mais je dois avouer qu’il existe au monde un autre individu qui m’a toujours surpassé dans ce domaine ! Faites donc preuve d’un peu d’imagination, que diable ! ….Retirez donc la perruque de miss Thatcher, mettez lui la même moustache que ce jour où le virent apparaître dans Le Dernier Problème, « ricanant de tout son génie malfaisant à la face du monde » ! Ce même homme qui tenta de me faire disparaître dans les chutes du ReichenbachBien des années ont passé depuis ce jour fatidique, mais je tremble encore à l’évocation de ce jour, où je réalisais subitement que la grande Bretagne avait été dirigé pendant plus d’une décennie par le génie du mal incarné : Le professeur Moriarty en personne ! Notre éternel ennemi :« The devil ! »
Je perdis connaissance sous le poids de cette révélation, et quand je m’éveillais, Holmes était à mes cotés, me glissant entre les lèvres un verre de cordial. Il n’y a rien de tel qu’un bon Brandy pour redonner des couleurs à un vieux soldat de la reine. Et justement, mes premières pensées allèrent pour notre souveraine.
« La reine est en danger, me mis-je à hurler, les yeux exorbités ! »
« Tranquillisez vous, Watson. La reine, sur les bons conseils de mon frère Mycroft, s’est toujours méfiée de cette prétendue miss Thatcher. Il existe des gens de bien dans ce pays qui avaient repéré le mal depuis longtemps, même si un autre clan de profiteurs et de courtisans habiles la soutenaient dans ces réformes. Voilà comment marche le monde, entre le yin et le yang, deux forces qui se contrarient sans cesse. Mais réjouissons-nous ! Le danger est écarté, le bien a pour un moment gagné. Car la comédie est finie. Il a fallu qu’elle lâche prise ! Ou du moins « il ». Car Moriarty encore une fois à réussi à tromper la vigilance des policemen postés à la porte. Certains l’ont vu s’échapper par les toits du 10 Downing street, agile comme un singe, une fois débarrassé de sa défroque et de sa perruque, qu’il a accroché en riant à une antenne de télé... »
Le foreign office est sur les dents. Aux dernières nouvelles, ce diable d’homme aurait passé the channel !
A vrai dire je plains ces pauvres froggys ! Il ne savent pas ce qui les attend ! Dieu sait en quel personne cette fois ce monstre va se réincarner de l’intérieur, à la façon des vampires ! Mais déjà on peut s’attendre au pire !. Watson, je compte sur vous ! Epluchez le Times ! Je m’attend à ce que Moriarty ressurgisse sous un autre déguisement, du coté de ces messieurs de Paris, et ne contamine au moins quelque ministre de « sa part d’ombre », pour ne pas perdre la main ! Moriarty attaque toujours les gens par leur faiblesse, avant de les dominer totalement,prenant l’esprit comme dans un filet ! »
« Damned ! J’ai été bien crédule !"
Il me fallait bien convenir humblement de mon infortune et de ma légèreté. Je me promis de me débarrasser au plus vite du portrait de Maggie, tout en me demandant aussitôt qui j'allais mettre à la place, au dessus de mon lit !
"A mon avis, Penelope Cruz ferait mieux l'affaire ! " me dit Holmes, en me faisant rougir comme un adolescent pubère. Cet homme est vraiment un diable, pour lire pareillement dans mes pensées les plus secrètes !
« Mon pauvre Watson. Vous vous êtes fait berné par cet hypnotiseur , au point de trouver des charmes à ces canines, aussi longues que celle du comte Dracula. C'est un cas médical que votre science ignore, mais caractéristique de ce que j'appellerais 'un aveuglement sincère".... La capacité que les gens ont de réfléchir s’arrête dès que vous les faites rêver, que vous leur promettez la lune.
Moriarty, voyez vous n’en était pas à son coût d’essai ! Voilà plus d’un siècle qu’il passe d’un pays à l’autre. Il tient toujours les premiers rôles. Quel homme croyez vous dirigeait l’Allemagne, dans les années trente ? »
« Hitler, Moriaty ? Le même homme ? »
« La même bande en tout cas ! Celle du mal ! Le mal....Cette chose dont on ne parle plus depuis que le dieu de l’argent fait briller les yeux des gens, mais qui n’a jamais été si à l’œuvre en ce monde. Le mal....Une secte dont nous ne sommes pas prêts de triompher…. N’avez vous jamais trouvé troublante l’admiration irrationnelle que notre prétendue dame de fer portait à Pol Pot, ce monstre sanguinaire, responsable de la mort de millions de pauvres gens ? Et pourquoi croyez vous qu’elle protégeait Pinochet, cette vieille baderne recherché pour crimes contre l’humanité ! »
« By jove ! C’est bien l’esprit du diable qu’on a enterré ce jour en Angleterre, mais j’ai bien peur que son cercueil ne contienne que des pierres ! »
« Mais c’est élémentaire, mon cher Watson ! C’est tout ce que cette prétendue dame avait à la place du cœur ! »
« Et voilà devant quoi une moitié des gens se mettait au garde à vous, pendant que l’autre tournait le dos ! »
« Watson, je vous en prie, me dit le grand Homme, ouvrant la fenêtre. Vous n’êtes pas obligé de mettre le geste au diapason de la parole. Gardez pour vous vos flatulences ! L’esprit de ce pays est assez empoisonné ! »
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