Une sortie sans histoire …
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Le fond du problème !
Ce matin-là, nous devions effectuer notre troisième sortie en centre ville dans le cadre de l'opération « Collège au cinéma ». Chaque déplacement des deux classes de quatrième avait toujours posé une cascade de problèmes : des petits incidents sur le trajet, des propos insupportables beuglés à tue-tête, des algarades et des manifestations diverses. Que ce fût avec nous ou bien leurs professeurs d'atelier, il n'y eut pas d'exception jusqu'à ce jour ….
J'étais donc décidé à noter scrupuleusement ces petits riens qui jalonnement notre quotidien et qui sont forcément exacerbés lorsque nous nous retrouvons dans la rue. Des hurlements indécents, des fous rires déplacés, des bousculades de passants, des bagarres en pleine rue, des injures envoyés aux représentants de l'ordre qui passent au loin … la liste habituelle de ces désagréments qui provoquent chez les accompagnateurs honte et énervement.
Me voilà bien puni. Mon stylo est resté dans ma poche. Nulle remarque n'a été nécessaire, nul incident ne fut à déplorer. Pendant les quatre kilomètres de ce trajet urbain (aller retour), c'est un groupe paisible de dix-huit collégiens sages et civilisés qui s'est déplacé sous un soleil radieux. Derrière leur passage, cette fois, nulle réprobation, pas trace d'indignation ou d'incompréhension. Mais quelle était donc la raison de cette métamorphose miraculeuse ?
Des élèves calmes et sereins avançaient en discutant tranquillement. Ils faisaient même une petite place aux personnes qu'ils croisaient sur le trottoir. Mieux encore, ils discutèrent avec une vieille dame de cent deux ans qui allait d'un pas alerte. Certains ont même souhaité qu'elle vienne en classe évoquer la vie quotidienne au temps de sa jeunesse … Pire même, ils s'arrêtaient sans qu'on n'ait besoin de hurler aux intersections et aux feux rouges.
Tout cela peut vous sembler normal. J'avoue que c'est une situation parfaitement incongrue, d'une exceptionnelle rareté. La normalité est toute autre, le dysfonctionnement et le tumulte sont la règle. Que s'est-il donc passé ? Rien d'extraordinaire, il faut l'avouer, l'absence conjointe et heureusement concomitante de quatre fous furieux, quatre garçons ingérables, mal éduqués et incontrôlables.
Ils ne sont pas venus de leur plein gré, parce que le film proposé était en version originale sous-titrée, qu'il était trop vieux pour eux qui sont d'une modernité si frappante. Ils ont boudé la séance des Vikings, ils ont offert ainsi à tous leurs camarades un vrai espace de liberté et de paix. Nous n'avons pas boudé ce cadeau du ciel !
Eux absents, nous avons découvert d'autres élèves plus civilisés qu'à l'habitude, nous avons pu offrir aux calmes et aux gentils (il y en a encore) un moment ordinaire comme ceux que nous vivions autrefois dans nos écoles. Nous mettions ainsi en évidence le drame de notre système qui se laisse déborder par une minorité agissante et omnipotente, par quelques chenapans sans foi ni loi, sans valeur ni repère, sans autorité ni limite. Ils ont pris le pouvoir grâce à la lâcheté de tous, de toute une société qui se refuse à sanctionner quand c'est nécessaire.
Ces quatre vauriens (je n'hésite pas à les qualifier ainsi même si parfois, ils ont des moments agréables, si parfois encore on peut être touché par leur problématique douloureuse et inquiétante), ces quatre garçons pourrissent la scolarité d'autres qui n'ont rien demandé et connaissent pour certains des difficultés analogues.
Nous subissons le joug de petits tyrans sans envergure, de vulgaires morveux auxquels une société et un système pleutres ont abandonné les clefs du camion. Nous sommes pieds et poings liés face à ces maudits trublions. Nous leur avons laissé tout loisir de pervertir notre école. Nous sommes les premiers responsables et il serait grand temps de taper du poing sur la table et refuser une bonne foi pour toute cette dictature de la délinquance ordinaire sous le regard bienveillant de familles tout autant complices.
Oui, je sais ces mots durs. Je sais plus encore qu'ils vont choquer les derniers rêveurs, les doux idéalistes de l'éducation sans contrainte. Mais la vérité est maintenant telle que ne rien faire c'est sacrifier des millions d'enfants pour ne pas entraver la liberté de nuire de quelques milliers. Quand allons nous refaire de nos écoles un espace de calme et de travail ?
Vieuxchnoquement vôtre
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