Ivan Lendl, Andre Agassi, Andy Murray : le syndrome de la poule mouillée
16 janvier 1981, New York City, Madison Square Garden. Dans le troisième match du groupe 2 de la Masters Cup de l’ATP, Jimmy Connors et Ivan Lendl s’affrontent pour la première place, celle qui fera affronter à son futur titulaire un certain épouvantail venu de Suède, Bjorn Borg. Vaincu en deux sets par Jimbo (7-6, 6-1), Lendl se fait traiter de poule mouillée par l’Américain, viscéralement attaché à l’idée que le Tchécoslovaque a balancé le match pour éviter l’ogre scandinave en demi-finale … Jusqu’au dimanche 10 juin 1984 et sa première victoire en Grand Chelem sur l’ocre parisien de Roland-Garros, ce maudit surnom lui collera à la peau tel le sparadrap du capitaine Haddock ...
En janvier 1981, le tournoi des maîtres de la saison 1980 (alias Volvo Masters à l’époque) commence par la double défaite inattendue des deux favoris Björn Borg et John McEnroe, laminés comme de vulgaires fétus de paille, respectivement par Gene Mayer (6-0, 6-3) et José Luis Clerc (6-3, 6-0). C'est à cette occasion que Jimmy Connors traite Ivan Lendl de poule mouillée, l'accusant d'avoir balancé leur rencontre lors du dernier match de poule, dans le but de finir deuxième et ne pas affronter Björn Borg en demi-finale. Aux yeux de l’Américain, Lendl avait franchi le Rubicon, et Connors lui jette publiquement l’opprobre, lui qui avait dans son ADN, comme Hewitt ou Nadal bien plus tard, le refus viscéral de la défaite pour seule tactique. La tactique s'avéra payante puisque Lendl alla en finale tandis que Connors échoua en demi contre Borg. Ce surnom resta affublé à Ivan Lendl jusqu'à sa première victoire en Grand Chelem en 1984, à Roland-Garros.
Car si l’on excepte une victoire en Masters Cup 1982 (en janvier 1983 respectivement), le Tchécoslovaque va enchaîner les finales perdues en Grand Chelem, pérennisant un statut de loser à effet boomerang, puisqu’on lui rabâchera les oreilles avec le cruel surnom de poule mouillée donné par Jimbo¸ avec qui la détestation est réciproque. Au concours Lépine de la petite phrase assassine, Connors avait le talent d’un homme politique, et l’effet fera mal au joueur d’Ostrava, qui enchaîne donc les quinzaines où il rentre bredouille, profil bas et mine renfrognée, avec le trophée du vaincu lors du dernier dimanche :
- Finale perdue à Roland-Garros en 1981 contre Bjorn Borg (en 5 sets)
- Finale perdue à l’US Open 1982 contre Jimmy Connors (en 4 sets)
- Finale perdue à l’US Open 1983 contre Jimmy Connors (en 4 sets)
- Finale perdue à l’Open d’Australie 1983 contre Mats Wilander (en 3 sets)
C’est le dimanche 10 juin 1984 qu’Ivan Lendl devient enfin un champion, à presque 24 ans en finale de Roland-Garros : le papillon sort enfin de sa chrysalide. En face, John McEnroe, virtuose du tennis offensif, marche sur l’eau en cette saison 1984, à la façon du bulldozer Djokovic en 2015 : un véritable OVNI que personne ne peut arrêter. Mais comme le Serbe, bien qu’intouchable sur la saison entière et plébiscité meilleur joueur du monde sans aucune contestation possible, Big Mac voit la belle mécanique s’enrayer à une marche du sacre Porte d’Auteuil. Il continue de tutoyer la perfection pendant deux sets, 6-3, 6-2. Mais McEnroe rate l’occasion d’inscrire son nom au palmarès du French Open : il se déconcentre durant le troisième set par la faute d’un caméraman de la chaîne américain NBC.
Big Mac laisse Lendl revenir dans le match (6-4 pour le natif d’Ostrava). On pense que McEnroe va remettre le bleu de chauffe au quatrième set mais Lendl l’emporte 7-5. A deux sets partout, tout est possible, il va falloir aux deux joueurs puiser dans leurs ressources mentales et physiques. L’Américain, sans s’effondrer, ne propose plus cette incroyable virtuosité qui reste encore aujourd’hui la madeleine de Proust des amoureux du jeu offensif sur la brique pilée. Le public a les yeux de Chimène pour cet alchimiste de la raquette capable de coups sublimes ... Après une quinzaine de fulgurances et d’exploits majuscules, chacun s’attendait à voir le capricieux Américain cannibaliser la finale face à Ivan le Terrible. Il n’en est rien, malgré ce début de match stratosphérique ... Au lieu du Capitole, Big Mac finit dans la Roche Tarpéienne, le Tchécoslovaque s’accroche, gagnant le cinquième set 7-5 et donc le match : sa quête du Graal est achevée, Lendl vit son soleil d’Austerlitz en ce 10 juin 1984. Désormais, il peut regarder ses rivaux McEnroe et Connors dans le blanc des yeux, désormais les deux Américains vont arrêter de le toiser avec ce mépris et cette condescendance pas du tout dissimulée, les sorties de vestiaire de Jimbo et Big Mac face à Lendl ressemblant à un western-spaghetti sans l’harmonica d’Ennio Morricone : silence pesant, regards en chiens de faïence ... Et l’aréopage des journalistes va arrêter de lui chercher des poux dans la tête avec ce surnom de chicken donné par Jimbo.
En ce dimanche de juin 1984, Lendl porte l’estocade au syndrome de la poule mouillée en même temps qu’il soulève la Coupe des Mousquetaires devant le public de la Porte d’Auteuil, sur un court qui deviendra avec celui de Flushing-Meadows et du Madison Square Garden (Masters Cup) l’un de ses bastions jusque fin 1987.
Grâce à cette finale du French Open 1984 qui brise le totem de la malédiction, Lendl comprend qu’il doit améliorer son endurance et sa résistance physique face à un McEnroe qui dégouline de talent pur. Le Tchécoslovaque va ensuite tirer la quintessence de son potentiel physique par le biais d’un entraînement stakhanoviste, et ainsi pérenniser les exploits au sommet du classement ATP, laminant la concurrence au milieu des années 80, malgré McEnroe, Becker, Edberg ou encore Wilander.
Entre Paris et New York, cet Ivan Lendl 2.0 métamorphosé devient par la suite un Terminator hégémonique et impitoyable, tandis que McEnroe est rattrapé par l’usure du pouvoir dans cet univers darwinien du tennis mondial. Mais le futur épouvantail Lendl avait connu deux rechutes avant de tout écraser sur son passage, façon bulldozer, à partir de l’US Open 1985 : finale de l’US Open 1984 (expédié en trois sets par un McEnroe stellaire) et finale de Roland-Garros 1985 (piégé tactiquement par un Wilander qui avait compris qu’il serait kamikaze de lutter en fond de court, le Suédois multipliant alors – avec bonheur- les montées au filet).
Le syndrome de la poule mouillée pose deux questions :
La première est celle des calculs d’apothicaires et autres épiciers dans le cadre d’une compétition sportive. Si le calcul est relativement acceptable en Formule 1 dans le cadre d’un championnat récompensant la régularité (stratégie adoptée par Jackie Stewart en 1973, Alain Prost en 1986, Ayrton Senna en 1991 ou encore Fernando Alonso en 2005, faute de disposer de la meilleure voiture du plateau), il ne l’est plus quand la conséquence directe est de fausser l’adrénaline de la compétition, en choisissant son prochain adversaire dans un tournoi de tennis ou de football. Dans les deux cas, le problème du respect du public, qui a payé sa place dans les gradins d’un stade, d’un court ou d’un autodrome, et du postulat sur lequel repose le sport tout entier (que le meilleur gagne) se pose également …
La logique économique et le diktat des télévisions et autres sponsors a conduit les sports les plus médiatiques à augmenter le nombre de matches dans les tournois. Pour cela, on limite les matches couperets à élimination directe pour commencer par des phases de groupes.
En 1974, la FIFA propose un nouveau système pour la neuvième Coupe du Monde en Allemagne, avec la suppression des quarts de finale et demi-finales (en vigueur depuis 1934). A la place, l’instance de Zurich propose un deuxième tour sans saveur qui restera la norme jusqu’en 1982, avec le fabuleux Italie – Brésil (3-2) de Sarria.
1982 est aussi l’année où Joao Havelange, soumis à la férule d’Horst Dassler (Adidas), fait passer le nombre de d’équipes qualifiées de 16 à 24 pour la phase finale, soit de 4 à 6 groupes de 4 équipes chacunes au premier tour (soit 36 matches au lieu de 24), et donc de 2 groupes de 4 équipes à 4 groupes de 3 équipes au deuxième tour (soit 12 matches à chaque fois), avec le retour des demi-finales.
Le retour à un tableau complet avec huitièmes et quarts se fera en 1986. A Gijon en 1982, la Coupe du Monde vivra le match de la honte, avec un affreux arrangement entre RFA et Autriche. Déjà qualifiés, les Autrichiens laissent les Allemands gagner, la RFA ayant perdu quelques jours plus tôt contre l’Algérie. Après ce scandale, la FIFA, contrainte de descendre de sa tour d’ivoire, fera jouer en même temps les derniers matches de chaque groupe.
Le tennis a lui aussi cédé à la tentation et aux sirènes de la logique économique, instaurant des groupes pour sa Masters Cup, qui réunit chaque année les 8 meilleurs joueurs de la saison écoulée. C’est ainsi que Jimmy Connors accusa Ivan Lendl de jouer gagne-petit pour éviter Borg en demi-finale du Masters 1980.
En ce mois de janvier 1981 à New York, le destin se chargea de punir Connors pour ses accusations non avérées, et Lendl pour son potentiel calcul de gagne-petit, puisque Borg les battit tous les deux au Masters 1981, Jimbo en demi-finale puis Ivan le Terrible en finale !
Alors, pourquoi ne pas envisager une Masters Cup sans phase de poules ? Le suspense d’une compétition sportive est la clé de voûte qui permet au public d’avoir envie de payer sa place ou son abonnement télévisuel. On pourrait imaginer les 8 figures de proue du classement ATP s’affrontant dès les quarts de finale (voire même un top 16 dès les huitièmes pour compenser la baisse du nombre de matches, mais la compétition serait moins élitiste), avec un statut de tête de série pour les 4 premiers mondiaux et un tableau comme suit
Quarts de Finale :
- Match A : 1er contre 8e
- Match B : 4e contre 5e
- Match C : 3e contre 6e
- Match D : 2e contre 7e
Demi-Finales :
- Match E : vainqueur A contre vainqueur B
- Match F : vainqueur C contre vainqueur D
Finale :
- Vainqueur E contre vainqueur F
Bien entendu, le risque de matches truqués dans les groupes de l’actuelle formule de la Masters Cup (alias ATP World Tour Finals) est plus que réduit, quand on connaît le prize money cumulé sur une saison des membres du top 8. Difficile d’imaginer un des seigneurs du circuit se laisser corrompre par un des autres pensionnaires de l’élite ATP …
La deuxième question est celle du déclic mental, si importante en tennis. Il faut être un loup-garou sans pitié capable d’accomplir la métamorphose décisive par le biais du processus de lycanthropie, un gladiateur de la Rome Antique qui se fiche que le pouce de l’Empereur soit baissé ou levé vers le ciel, un matador portant l’estocade au taureau sans banderilles intermédiaires, bref un sniper au killer instinct dès la sortie du vestiaire, quand les deux tennismen qualifiés pour la finale se regardent en chiens de faïence. Il ne faut pas être pris par la peur de gagner. La plupart des multiples vainqueurs en Grand Chelem qui ont précédé ou suivi l’éclosion d’Ivan Lendl ont gagné dès leur première finale majeure, évènement qui peut en paralyser certains, tel un acteur pris de trac avant la première d’une pièce de théâtre ou un chanteur avant un concert lançant une tournée :
- Ken Rosewall en 1953 à l’Open d’Australie contre Mervyn Rose
- Lew Hoad en 1956 à l’Open d’Australie contre Ken Rosewall
- Roy Emerson en 1961 à l’Open d’Australie contre Rod Laver
- Manuel Santana en 1961 à l’Open d’Australie contre Nicola Pietrangeli
- Jimmy Connors en 1974 à l’Open d’Australie contre Phil Dent
- Bjorn Borg en 1974 à Roland-Garros contre Manuel Orantes
- John McEnroe en 1979 à l’US Open contre Vitas Gerulaitis
- Mats Wilander en 1982 à Roland-Garros contre Guillermo Vilas
- Boris Becker en 1985 à Wimbledon contre Kevin Curren (également rookie en finale)
- Stefan Edberg en 1985 à l’Open d’Australie contre Pat Cash
- Pete Sampras en 1990 à l’US Open contre Andre Agassi
- Jim Courier en 1991 à Roland-Garros contre Andre Agassi
- Sergi Bruguera en 1993 à Roland-Garros contre Jim Courier
- Evgueni Kafelnikov en 1996 à Roland-Garros contre Michael Stich
- Gustavo Kuerten en 1997 à Roland-Garros contre Sergi Bruguera
- Patrick Rafter en 1997 à l’US Open contre Greg Rusedski (également rookie en finale)
- Marat Safin en 2000 à l’US Open contre Pete Sampras
- Lleyton Hewitt en 2001 à l’US Open contre Pete Sampras
- Roger Federer en 2003 à Wimbledon contre Mark Philippoussis
- Rafael Nadal en 2005 à Roland-Garros contre Mariano Puerta (également rookie en finale)
- Novak Djokovic en 2008 à l’Open d’Australie contre Jo-Wilfried Tsonga
- Stanislas Wawrinka en 2014 à l’Open d’Australie contre Rafael Nadal
Rod Laver, Tony Roche, Guillermo Vilas, John Newcombe ou encore Arthur Ashe ont chacun perdu leur première grande finale en Grand Chelem, mais tous ont su rectifier assez rapidement le tir. Mais deux exceptions méritent qu’on s’y attarde, sans parler du Croate Goran Ivanisevic qui a dû attendre 2001 et sa quatrième finale à Wimbledon pour conquérir son Graal.
Longtemps considéré comme un cancre surdoué bien que nourri au nectar et à l’ambroisie par les fées du destin, sorte de gourmet en contrepoint à la boulimie de son rival Pete Sampras, Andre Agassi a longtemps cru que la victoire resterait utopique en Grand Chelem, lui qui gagna cependant la Masters Cup fin 1990 à Francfort contre Stefan Edberg, puis le saladier d’argent de la Coupe Davis dans la foulée. Battu en 1990 en finale de Roland-Garros par l’Equatorien Andres Gomez, Agassi perd au même stade de la compétition contre Pete Sampras trois mois plus tard à New York, en finale de l’US Open. Le Kid de Las Vegas avait pourtant détruit le natif de Washington DC en printemps 1989 au tournoi de Rome. Mais le jour J, ce fut Pistol Pete qui fut prêt à franchir l’ultime palier vers le statut de champion. En 1991 à Roland-Garros, Agassi échoue une troisième fois en finale majeure, contre son compatriote Jim Courier, qui sonne le glas des espoirs du natif du Nevada en cinq sets. Il sera le dernier des quatre mousquetaires d’outre Atlantique, après Michael Chang, Pete Sampras et Jim Courier, à inscrire son nom au panthéon du Grand Chelem, en 1992 à Wimbledon, réalisant l’exploit de battre coup sur coup trois spécialistes du gazon, Boris Becker, John McEnroe et Goran Ivanisevic. Pourtant, Agassi était le plus vieux des quatre Américains susceptibles de redonner son lustre au tennis américain nostalgique des exploits de Jimmy Connors et John McEnroe : Agassi est né en avril 1970, Courier en septembre 1970, Sampras en août 1971, Chang en février 1972.
Même après son triomphe à Wimbledon 1992, bien que débarrassé de cette terrible épée de Damoclès, Agassi montrera encore de la fragilité mentale dans les grandes finales :
- En 1995 à l’US Open malgré 26 matches sans défaite, mais le 26e succès sur Boris Becker fut une victoire à la Pyrrhus sur le plan mental à l’heure de défier Pete Sampras sur le ciment de Flushing Meadows.
- En 1999 à Roland-Garros, Andre Agassi étant rapidement mené 6-2, 6-1 par Andreï Medvedev en finale, en moins d’une heure de jeu. L’Américain finira par vaincre l’Ukrainien après une joute d’anthologie, étant passé fort près du précipice. Agassi atteint la quadrature du cercle et réalise ainsi le Grand Chelem en carrière, comme Don Budge, Fred Perry, Rod Laver et Roy Emerson. Dix ans plus tard en 2009, Roger Federer complète son puzzle en gagnant le prestigieux tournoi parisien contre Robin Söderling. Battu pour la dixième fois de suite par Fed Ex ce jour là sur l’ocre du court Philippe-Chatrier, le Scandinave déclare Nobody beats me 11 times in a row reprenant à son compte une citation de Vitas Gerulaitis (à propos de ses duels avec Connors, et non avec Borg comme souvent répandu par une idée reçue !), longtemps écrasé par son compatriote Jimmy Connors avant de vaincre sa bête noire à la 17e tentative, en janvier 1980 pour la Masters Cup 1979 : And let that be a lesson to you all. Nobody beats Vitas Gerulaitis 17 times in a row ! Après deux autres défaites à Wimbledon et à l’US Open toujours en 2009, le Suédois aux yeux de husky finira par vaincre Federer aussi, au treizième essai, en quarts de finale de l’édition 2010 de Roland-Garros, interrompant à cette occasion la vertigineuse série de 23 demi-finales consécutives en Grand Chelem du Bâlois, qui avait commencé en 2004 à Wimbledon ! Par la suite, Rafael Nadal (US Open 2010) et Novak Djokovic (Roland-Garros 2016) viendront compléter ce cénacle des joueurs ayant gagné les quatre tournois du Grand Chelem (Mats Wilander ayant lui gagné sur quatre surfaces, avec gazon e,n 1983-1984, puis rebound ace en 1988 à l’Open d’Australie)
- En 1999 à Wimbledon, en 1999 en Masters Cup et enfin en 2002 à l’US Open pour le chant du cygne de Sampras, où Pistol Pete sera à chaque fois son bourreau, fort certes d’un niveau de jeu stellaire mais également bénéficiaire d’un contexte psychologique favorable contre Agassi, sans parler cependant de bête noire.
Andy Murray, lui, a encore plus souffert du spectre d’un compteur qui resterait éternellement bloqué à zéro. Membre du Big Four depuis 2008, l’Ecossais a subi la loi implacable de trois Goliaths redoutables, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic.
En 2008 à l’US Open, le Britannique coupe la première tête de l’hydre en sortant Nadal en demi-finale. Mais sur le ciment new-yorkais, le Suisse Roger Federer reste despotique pour s’offrir un cinquième titre consécutif (record absolu aux Etats-Unis). Un an et demi plus tard, Murray retrouve le virtuose de Bâle en finale à Melbourne. Mais Federer se montre à nouveau intraitable et gagne son 16e titre du Grand Chelem, le 4e à l’Open d’Australie. Un an plus tard en finale de l’Open d’Australie 2011, l’Ecossais a une troisième occasion, face à Novak Djokovic. A l’exception de la finale 2008 à Melbourne (Djokovic / Tsonga), c’est la première finale de Grand Chelem sans Federer ni Nadal depuis Safin / Hewitt en 2005, déjà en Australie ! Le Serbe l’emporte et lance sa saison de rêve où, fort d’une forme stratosphérique tout au long de 2011, il va cannibaliser le circuit ATP. En 2012 à Wimbledon, la pression est à son paroxysme pour Andy Murray. La Grande-Bretagne attend un successeur à Fred Perry, dernier Britannique à avoir dompté le gazon londonien, en 1936. 76 ans d’attente, telle une révolution de la comète de Halley … A domicile, Murray ne peut se libérer mentalement, d’autant qu’il retrouve Roger Federer, sextuple vainqueur à Londres, et le court central de Wimbledon est le jardin du Suisse, sa chasse gardée depuis 2003. Vainqueur du premier set, l’Ecossais concède les trois suivants à Federer, qui atteint (pensait-on à l’époque, avant le formidable come-back du Suisse en 2017) un climax émotionnel en ce dimanche de juillet 2012, sorte d’apothéose de sa monumentale carrière de Pantagruel du tennis : 17e titre du Grand Chelem, 7e titre à Wimbledon (record de Pete Sampras égalé) et retour au pinacle du classement ATP, détrônant le n°1 mondial Novak Djokovic.
Trois semaines après cette quatrième défaite majeure, sur le même court de Wimbledon, Andy Murray retrouve son bourreau suisse en finale du tournoi individuel des Jeux Olympiques de Londres. Orphelin de Nadal, le tournoi voit Murray sortir le dauphin Novak Djokovic tandis que le roi Federer s’offre le scalp de l’Argentin Del Potro. En finale, Federer n’existe pas ce jour là, l’enjeu étant de taille pour lui, conquérir cette médaille d’or, seul titre d’importance qui manque à son colossal palmarès … En trois sets, Murray chasse ses doutes et ses démons, refermant la boîte de Pandore. Un an plus tard, l’Ecossais compte deux titres du Grand Chelem, ayant vaincu deux fois Novak Djokovic, en finale de l’US Open 2012 et en finale de Wimbledon 2013.
Comme Agassi, Murray a connu des rechutes après ses victoires, en 2013, 2015 et 2016 en finale de l’Open d’Australie ainsi qu’en 2016 en finale de Roland-Garros, les quatre fois contre Novak Djokovic. Mais il saura rebondir pour finir 2016 en trombe alors que le Serbe est pris dans l’engrenage du toboggan du déclin. Au faîte de sa gloire, l’ogre de Belgrade est rassasié par trop de couronnes sur sa seule tête : l’usure du pouvoir a raison de ce Pantagruel qu’on pensait pourtant insatiable. La jauge de la motivation bascule de façon dramatique dans le rouge. De presque invincible, le Djoker devient un joueur branché sur courant alternatif, qui fait moins peur … Andy Murray va exploiter cette brèche durant le deuxième semestre 2016 : victoire à Wimbledon, médaille d’or aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro (tournoi cependant boycotté par Tomas Berdych ou Milos Raonic du fait du virus Zika), conquête de la place de n°1 mondial, qu’il légitimera en battant Nole en finale de la Masters Cup de Londres.
Le mental est fondamental dans tous les sports, la qualité primordiale étant de gérer une crise et de savoir laisser passer l'orage, que l’on soit un cycliste en perdition dans un col à fort pourcentage, un champion d’échecs qui vient de rater le meilleur coup d’attaque, un footballeur qui vient de rater un penalty, un pilote qui vient de se faire dépasser après une erreur de pilotage, ou un tennisman qui a raté la balle de match.
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