La France à poil
« Petite finale » pathétique pour le XV du coq, bousculé, charrié, renversé par l’Argentine, vendredi soir. Les hommes du futur secrétaire d’Etat aux sports ont démontré qu’ils étaient manifestement plus à l’aise pour se dévêtir que pour s’investir, pour palabrer que pour jouer. Le rugby était ailleurs.
Augustin Pichot, le demi de mêlée argentin, mérite peut-être de devenir président de son pays. Car si par chez nous on peut faire d’un Bernard Laporte, sélectionneur loser du XV de France, un secrétaire d’Etat au Sport, alors, on peut aisément penser à Augustin Pichot, « petit Napoléon », fabuleux aboyeur, tacticien hors pair et provocateur de métier, pour tenir les rênes de tout un pays, au moins. Il est exceptionnel, ce Pichot, il faut le voir ne jamais s’arrêter de défendre son bout de gras auprès de l’arbitre, ne jamais quitter des yeux les joueurs ni le ballon, pour toujours ou presque prendre les bonnes décisions, il faut le voir, et l’entendre, employer toute la rouerie sud-américaine pour tenter tant bien que mal d’infléchir le cours d’un match. Un demi de mêlée parfait, malin et roublard, comme les plus grands à ce poste. Mais il n’y a pas que lui, bien sûr, dans ce quinze du tango qui a mis une valse aux Français, vendredi soir, il n’y a pas que lui qui fut sublime. Tout le collectif, aussi, notamment Hernandez, simple, efficace, et brillant quant il le fallait, et puis cet Agulla, joueur énorme, grosse révélation de cette épreuve. Sans oublier Contepomi, évidemment. L’Argentine, quinze gaillards, et un peu plus, concernés à 200 % dès l’hymne, chanté, braillé ou pleuré, c’est selon, quinze gaillards portant fièrement, si fièrement, les couleurs de leur pays fragile qui produit déjà les plus beaux des footballeurs.
Au début du match, les Français, très présents, tentèrent bien de jouer, beaucoup. Du jeu au pied, mais pas trop, écarté jusqu’aux ailes, pas très perforant, mais suffisamment pour entrevoir la ligne. Seulement voilà, à vouloir aller trop vite ou à ne pas suffisamment bosser à l’entraînement, on finit par lâcher le ballon, en avant, au plus mauvais moment. Ou à mal jouer les coups, à trop anticiper, bref à voir ses essais refusés, logiquement. En face, en revanche, d’abord très attentifs en défense, d’abord à l’aise à la course, au repli, et apparemment pas trop marqués par les efforts jusqu’ici consentis, les Argentins patientèrent, patientèrent, et saisirent leur première opportunité, leur première incursion dans le camp français pour ouvrir leur compteur. Efficaces, réalistes. Ils allaient l’être tout au long du match, froidement, méticuleusement. Des Argentins rugueux dans les plaquages, tortueux dans les regroupements et magnifiques dans le jeu au large. Prêts au combat, prêts à l’attaque, une valse, donc, à 34 temps qui devait laisser les Bleus hagards, lointains cousins des tombeurs des Blacks, quelques semaines et une éternité auparavant. Des Bleus aussi très énervés, tombaient bêtement dans le panneau de la provocation, et par ses plus expérimentés grognards, dont Ibanez, totalement hors du sujet sur ce match. On entendra après le coup de sifflet certains imbéciles évoquer l’arbitrage « complaisant » qui aurait faussé le match, alors que la question n’était bien sûr pas là. C’est dans le jeu que la différence s’est faite, nettement.
Ce jeu que les Bleus avaient oublié, déjà, contre l’Angleterre. Une grossière erreur, selon Michalak, qui, comme d’autres, crut bon de s’exprimer longuement avant la rencontre, dans la presse dite spécialisée. Un Michalak, très décevant dans cette Coupe du monde, qui, en vrac, mettaient les raisons de l’échec tricolore sur le dos du sélectionneur, coupable d’avoir fauté dans la mise en place tactique, fauté dans le management du groupe, rien que ça. Michalak épaulé dans sa dénonciation du système Laporte par Dominici, très déçu, très aigri d’avoir si peu joué. Des prises de position, des rancoeurs qui témoignent de l’ambiance plus que douteuse qui régna dans l’équipe tout au long de cette longue épreuve. Désarçonné par la « surprenante » défaite contre l’Argentine (déjà) en match d’ouverture, Laporte semble avoir opté à partir de ce moment pour une tactique plus proche du « sauve qui peut » que d’une gestion rationnelle de l’événement. Il n’aurait pas dû, si l’on en croit ses joueurs, instaurer alors un turn-over permanent, changer d’équipe à chaque match, et fragiliser ainsi, au moins moralement, certains de ses éléments. Il n’aurait peut-être pas dû, non plus, reprendre en intégralité l’équipe victorieuse des Blacks, trop fatiguée pour affronter les Anglais. Laporte a failli, ce ne sont pas les journalistes qui le disent, mais ses joueurs, en tout cas ceux qui n’ont que peu ou pas du tout joué. Bref, la préparation de la « petite finale » contre l’Argentine s’est passée de la plus mauvaises des manières possible, entre esprit de vengeance et rancune tenace, entre dégoût exprimé et colère tout juste rentrée.
Cette équipe-là, ce groupe-là, manifestement au bord de l’implosion, aurait alors eu besoin d’une entame parfaite, d’un score vite ouvert, et d’un avantage net pris le plus rapidement possible pour ne pas éclater et espérer une « petite fin » heureuse. Mais ce ne fut pas le cas. En face, les Argentins ne l’entendaient pas de cette oreille, bien au contraire, ils allaient tout mettre en oeuvre pour créer la petite étincelle qui allait faire dégoupiller les Bleus. Et le plan fonctionna à merveille. Frustrés de ne pas voir leurs premiers efforts récompensés, puis les jambes coupés par le premier essai argentin, les Français sombrèrent alors dans l’approximation, l’énervement et finalement le délitement le plus complet pour encaisser une défaite proche de l’humiliation, ou l’honneur a été sauvé de très peu. A certains moment, en deuxième mi-temps, réduits pourtant à 14, les Argentins semblaient presque s’amuser des largesses françaises, et le match tournait doucement, mais certainement à la correction, ce type de correction que seules les nations du Sud paraissaient capables de nous en infliger. Les Argentins qui poussèrent le vice à renvoyer, d’un seul coup d’épaule, Sébastien Chabal à ces chères études, Chabal pulvérisé, laissé à trois mètres, sur les fesses et hagard, soudain loin de son irréductible image publicitaire. Ce fut une des grandes images de la soirée, le symbole de coqs qui se sont vus trop gros après leur miraculeuse victoire face aux Blacks, et qui, depuis, n’ont fait que plier, sombrer, dégringoler.
Le France ne
méritait pas autre chose que cette 4e place, anecdotique,
quelconque et fade. A l’image de leur jeu. Quelques-uns ont surnagé, surtout
Dusautoir, mais l’ensemble, brouillon et léger, ne pouvait suffire pour espérer
mieux. La force collective n’y était pas, le talent individuel non plus.
L’arrogance et l’improvisation permanente du sélectionneur Laporte ne pouvaient
arranger les choses. Le rugby français sort de « sa » Coupe du monde
à poil, sans certitudes et sans patron, ouvert à tous les vents, tous les
caprices. Les Dieux du Stade sont morts. Ou sud-africains.
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