La tentation d’une lecture socio-ethnique des performances sportives en France
Les 18 médailles remportées par l’équipe de France d’athlétisme et la victoire de l’équipe de France de football des moins de 19 ans vont peut-être donner du fil à retordre à tous ceux qui à l’occasion de la coupe du monde de football ont cru trouver dans les origines sociales et ethniques des joueurs les causes du mal-être de cette équipe et de ses contre-performances.
Les déboires de l’équipe de France forcément à l’image de la société française
Aussi désarçonnante que puisse être l’image de footballeurs multimillionnaires faisant grève par solidarité envers un des leurs injustement exclus à leurs yeux, il est difficile de comprendre les excès dans les commentaires de ces évènements qui ont émané du monde politique, des journalistes et des sportifs de haut niveau. Pour les politiques et les intellectuels dont l’habileté à s’exprimer sur tous les sujets n’étonnent plus personne, les causes de la débâcle de cette équipe de France-là ne pouvaient que relever de l’extra sportif. D’augustes personnages nous expliquaient alors que l’esprit des cités s’était emparé de la cité ou qu’on avait à affaire à une génération de racailles forcément représentative d’une France décadente. La ministre des sports, après avoir « pleuré » avec les joueurs en Afrique du Sud nous décrivit des caïds immatures se comportant en chefs de bandes. Du côté de l’extrême droite on parla tout simplement de l’apartheid dont étaient victimes certains joueurs de l’équipe en Afrique du Sud. Cela pourrait prêter à sourire si les journalistes sevrés d’informations par une équipe de France bunkérisée par son sélectionneur ne s’étaient mis en tête de fabriquer eux-mêmes de l’information et d’alimenter en fantasmes tous ceux qui rêvaient d’en découdre avec une certaine France. Les journalistes dans cette cabale allaient trouver dans la réserve naturelle et l’humilité de Yohan Gourcuff un allier de poids. On en fit très vite le symbole d’une France menacée dans son identité. Gourcuff souffre-douleur de Ribery et Anelka les caïds convertis à l’islam, Gourcuff jalousé pour sa maîtrise de la langue française, Gourcuff mis à l’écart pour sa beauté et son côté « gendre idéal », pour ses origines bretonnes, pour le milieu sociale dont il est issu. Gourcuff évincé de l’équipe-type sur ordre de Zidane, Gourcuff éseulé dans le groupe et à qui ne daignent parler que d’autres Français de souche comme Toulalan et Lloris etc. Ce modeste joueur cristallisait à lui seul les délires de ceux qui voulaient voir en cette équipe le symbole des dangers du communautarisme et de l’islamisation de la société française. On aurait pu attendre des consultants et anciens sportifs aux côtés desquels travaillent les journalistes qu’ils ramènent tous ces discours au plan strictement sportif. Or c’est d’eux que sont venus les pires inepties les plus moralisantes. Pire encore certains comme Vikash Dorasoo ont sciemment alimenté cette déferlante xénophobe en parlant de buffets halal de rigueur en équipe de France. En cela tous ces sportifs donnaient l’impression que leurs titres leur conféraient la légitimité de critiquer à outrance en s’exemptant de toute réflexion préalable sur le poids et la portée de leurs propos. Le plus sévère d’entre eux est sans doute LilianThuram qui depuis qu’il a pris sa retraite sportive ne parle plus que droits de l’homme, morale ou politique exige à présent l’exclusion à vie de Patrice Evra le capitaine de cette équipe-là. Thuram membre du conseil fédéral de la fédération française de football propose, pour se laver de tout soupçon communautaire une sanction que même les pires détracteurs de ces joueurs n’ont osé réclamer : c’est une espèce de racisme à l’envers. De l’ancien judoka devenu député UMP David Douillet au champion de France de cyclisme Thomas Voeckler en passant par le rugbyman Sebastien Chabal tous rivalisèrent d’indignation et y allèrent de leur petit couplet sur l’amour et la fierté du maillot bleu-blanc-rouge sali par d’indignes footballeurs.
Les centres de formations redorent le blason du football français à Caen
La victoire de l’équipe de France de football des moins de 19 ans la semaine dernière à Caen a remis à l’honneur le travail des centres de formations de football. On y redécouvrait alors que de jeunes de diverses origines ethniques, sociales, géographiques parvenaient encore à jouer ensemble et à ramener des trophées à la fédération française de football. On y a revu des garçons pratiquant tout comme leurs aînés à leurs places il y a quelques années, ce jeu collectif typique des centres de formation français. On y a revu des jeunes hommes disciplinés avec un encadrement compétents contrairement à ce que laissaient entendre les pseudos experts qui il y a peu expliquaient que la formation du football français était à revoir. On se demande donc où est passé cet esprit de racaille qui aurait envahi le pays il y a quelques semaines. On nous expliquait pourtant il y a quelques jours qu’il fallait d’urgence réformer le système des centres de formations français, qu’il fallait revoir l’éducation de ces joueurs et intégrer la formation à la citoyenneté dans leur cursus de footballeurs tant l’honneur au maillot semblait à des années lumières de l’esprit de leurs aînés. On avait l’impression que rien de bons n’avait jusqu’alors été fait pour former des joueurs capables d’avoir une tenue décente dans une compétition internationale et de mouiller le maillot comme on le dit si bien dans le milieu du football. Que le football français traversait une crise existentielle dont il ne se remettrait que difficilement. Les instances dirigeantes du football français semblaient par de ténébreux calculs accréditer ces thèses comme si elles y trouvaient un moyen de s’exonérer de leurs responsabilités quant au maintien d’un sélectionneur décrié pour son incompétence notoire. La performance de cette équipe de football nous montre à quel point ceux qui se targuent d’une expertise dans le football et saturent les médias de leurs analyses hasardeuses s’égarent dès lors qu’ils laissent le contexte politique influencer le jugement qu’ils portent des prestations sportives.
Une pluie de médailles aux championnats d’Europe d’athlétisme fait ressurgir le fantôme d’une France Black-Blanc-Beur
Sous l’impulsion du directeur technique national Ghani Yalouz, l’équipe de France d’athlétisme a remporté 18 médailles battant ainsi un record de 60 ans. Cette prouesse est à la fois individuelle et collective bien que les médias ne veuillent retenir qu’un nom celui de Christophe Lemaître. La performance extraordinaire de Christophe Lemaître qui est devenu le premier athlète non descendant du continent africain à descendre sous la barre de 10s au 100m ainsi que ses 3 médailles pendant ces championnats d’Europe en ont fait la coqueluche des médias en quelques jours. Le jeune âge de l’athlète à peine sorti de l’adolescence (20 ans) et la nature de ses victoires laissent entrevoir une énorme marge de progression. L’humilité dont il fait preuve actuellement et sa lucidité sur ses performances comparées à la concurrence caribéenne et américaine lui seront sans doute d’un grand secours face à tous ceux qui dans les médias veulent lui coller l’étiquette de sprinteur blanc qu’il refuse. Car certains n’en ont pas fini d’apposer une grille de lecture ethnique et sociale aux performances sportives et c’est même devenu ces derniers temps un sport national auxquels on s’adonne sans mal. Christophe Lemaître fait déjà preuve d’une grande maturité en se limitant strictement à ses exploits sportifs et évitant le terrain dangereux sur lequel certains ont hâte de l’y entraîner en faisant de lui le symbole d’inavouables fantasmes. Cette maturité-là il en aura besoin pour déjouer les pièges de ceux qui oublient que le sprint est aussi une discipline collective à travers ses épreuves de relais et voudraient dans cette équipe de France d’athlétisme opposer le sprinteur blanc aux autres athlètes d’origines ethniques non identifiées. Alors bien avant que les médias recommencent à nous parler de France qui gagne et de France Black-Blanc-Beur, ce concept fumeux qu’on ressort aussitôt qu’une équipe de France gagne et qui se transforme en Black-Beur voire Black-Black-Black quand arrive la défaite, profitons-en pour simplement rendre hommage à l’ensemble des athlètes qui ont réalisé cet exploit historique.
Christophe Lemaitre : champion d’Europe du 100m, du 200m et du relais 4x100m
Martial Mbandjock : champion d’Europe du relais 4x100 m, médaille de bronze du 100m et d’argent au 200m.
Myriam Soumaré : championne d’Europe du 200m, médaille de bronze au 100m et d’argent au relais 4x100m,
Christophe Lemaitre Jimmy Vicaut, Pierre-Alexis Pessonneaux et Martial Mbandjock : Champion d’Europe du relais 4x100m
Renaud Lavillenie : champion d’Europe de la perche.
Yoann Diniz : champion d’Europe du
Romain Barras : champion d’Europe du décathlon.
Mahiédine Mekhissi : champion d’Europe du 3000m steeple
Bob Tahri : médaille d’argent au 3000m steeple
Garfield Darien : médaille d’argent au 110m
Kafétien Gomis médaille d’argent au saut en longueur
Hind Dehiba : médaille d’argent au 1.500m
Véronique Mang : médaille d’argent au 100m
Myriam Soumaré, Véronique Mang, Lina Jacques-Sébastien, Christine Arron : médaille d’argent au relais 4x100m.
Teddy Tamgho : médaille de bronze au triple saut
source photo : AFP( AFP LLUIS GENE)
NomeFam
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON