Laporte par la petite porte
Sarkozy comptait beaucoup sur une victoire française en Coupe du monde de rugby pour doper le moral des Français. Son nouveau secrétaire d’Etat aux Sports, Bernard Laporte, l’a laissé tomber en demi-finale, son équipe de France battue sans jouer par des Anglais sans génie. L’automne s’annonce morose.
L’événement politique du week-end se déroulait bien évidemment sur la pelouse du Stade de France, samedi soir, et certainement pas au concert des droits de l’hommistes show-biz au Zénith hier soir. A Saint-Denis, de fiers coqs musculeux, voir chevelus, surmoulés dans leurs habits de nuit bleue, affrontaient de blancs anglais, miraculés et arrogants, accrocheurs et attentifs, pour une place en finale de la Coupe du monde de rugby. « La » Coupe du monde de la France, qui s’était juré de la remporter. Le sélectionneur partant, Bernard Laporte, attendu comme le ballon sous une mêlée au ministère des Sports par Roselyne Bachelot, avait pour mission de gagner le trophée. Et ça passait par les Anglais, après les Blacks le week-end dernier.
Souvenez-vous : la semaine dernière, Cardiff, Pays de Galles, drôle d’endroit pour un quart de finale de Coupe du monde française de rugby. Les Français ne partent pas favoris du tout contre l’armada black, considérée comme la meilleure équipe du monde, depuis quelques lustres déjà. Au terme d’un match fermé, mais intense, crispant et puissant, les bleus emportent le morceau, au bout de leurs forces, et embrasent tout un pays, soudain revenu au temps des grands succès fédérateurs de l’équipe nationale de football, en 1998 et 2000. Sarkozy est aux anges, lui qui avait beaucoup misé sur un succès du XV de France. Beaucoup misé, et surtout une certaine « paix » que les Français pourraient lui foutre, au moins « deux mois » en cas de triomphe de la bande à Laporte. Et de triomphe il n’en était que question, de rien d’autre, depuis la peau des Blacks obtenue. La Nouvelle-Zélande abattue, plus rien ne semblait pouvoir arrêter ces gaillards vertueux, virils, mais corrects, aux femmes attachantes, aux supporters pas voyous pour deux sous, aux chants si peu guerriers, plus rien ne paraissait en mesure de se mettre ne travers de cette marche devenue soudain évidente vers l’éternité et la gloire, excusez du peu. C’était pas les Anglais, revenus de nulle part, abandonnés sur la route, fanny, à moins 36 par les Springboks en phase de poule, c’était quand même pas ces anglais-là, leur rose, leur reine et leur Dieu qui sauve le tout qui allaient nous piquer la breloque.
Et puis, le sacre prévu des bleus, c’était surtout le triomphe de Bernard Laporte, spécialiste du jambon en tranches, des casinos en tranches et de la communication en tranches. En passant par le cirage de pompes en tranche de douze, surtout quand lesdites pompes sont à talonnettes, sinon à gland, et qu’elles s’agitent entre Sylvie Vartan et Christian Clavier. Bernard Laporte aime Nicolas Sarkozy, qui avait prévu de bien lui rendre, en annonçant son entrée au gouvernement avant même le début de la Coupe du monde de rugby. Si c’est pas de la confiance aveugle, ça ! Bernard Laporte aime Nicolas Sarkozy au point de faire lire à ses joueurs la lettre de Guy Môquet, dans un grand exercice de communication mal maîtrisée, oscillant entre ridicule et veulerie, et qui aboutira en plus à un échec pathétique contre l’Argentine dès le match d’ouverture. Bernard Laporte aime Sarkozy au point de déclarer que ses joueurs ont été « aussi grands que le président » un soir de victoire. Bernard Laporte aime Sarkozy au point de croire, intimement, que cet amour seul lui permettrait d’atteindre son but et de soulever la Coupe.
Seulement voilà, ceux que la presse appelle à juste titre, nos « meilleurs ennemis », passaient par là. Les Anglais. Et samedi dernier, dans un Stade de France prêt à s’enflammer, au bout d’une rencontre morne et triste comme une plaine un soir de retraite, les Français ont du ravaler leur rêve de gloire, retourner à leurs calendriers sado-gay, se chercher quelques excuses et tenter tant bien que mal de se remotiver pour un match à venir pour la troisième place (seulement) contre l’Argentine. La France a perdu sans jouer, l’Angleterre a gagné de la même façon. Un non-rugby, un rugby de secrétaire d’Etat, caricatural et défensif, sans imagination et sans élan, joué par des joueurs essorés, malaxés par les Blacks une semaine plus tôt, mais que Laporte avait choisi de ne pas laissé souffler. En dépit du bon sens. Ce même dépit qui incita Laporte à sortir Beauxis pour le remplacer par Michalak, avant l’heure de jeu, ce qui eut pour conséquence de nous priver définitivement de jeu au pied performant et utile. Wilkinson et ses hommes n’en demandaient pas tant, stupéfaits de voir les Français tomber dans un aussi gros panneau, pétrifiés dans une tactique suicidaire, qui ne pouvait conduire qu’aux larmes, au moins, et aux regrets, surtout. Il n’aura pas fallu beaucoup d’efforts aux hommes de la rose pour aller en finale défendre leur titre, juste un peu de patience et de sérieux, d’application et de malice, pour en finir avec le rêve des bleus, trahis par leur sélectionneur. Un rugby de secrétaire d’Etat, oui, sans ambition et sans importance, inutile et inaudible. Un rugby jetable, ennuyeux et inefficace, le contraire de ce qu’on a un jour baptisé « french flair », mélange de feu et d’effroi, mais de feu surtout, et de jambes, d’audace et de lumière. Laporte a réussi à nous faire oublier ce style là, typiquement français, qui a fait notre légende en ovalie. Il a préféré ce que Daniel Herrero a un jour appelé un rugby « de tranchée », un rugby « du temps des cavernes ».
Sélectionneur battu, et peu convaincant dans cette compétition (deux défaites évitables, deux victoires sans valeur et un seul exploit), Bernard Laporte s’est donc soudain transformé en poids mort pour son ami Sarkozy, qui n’avait pas besoin de cela, entre la mêlée ouverte sur les teste ADN et la partie de manivelles promise par les cheminots, les conducteurs de bus et tous leurs amis jeudi prochain. Sans oublier l’absence remarquée, même en tribune, de Cécilia, future-ex, sauf rebondissement.
Samedi soir, c’était la fin de la fin de l’état de grâce pour un président ballotté, ne gouvernant que par symboles, et le début des ennuis pour un ex-entraîneur désavoué, à la vision aussi primaire et limitée que le jeu de Sébastien Chabal. La rose n’aura laissé que des épines.
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