Les Bleus, toute honte pas encore bue

Un putsch d’opérette, des dirigeants fantoches, un traître démasqué, puis blanchi, les Bleus s’entêtent dans la nullité en Afrique du Sud, lamentables en tout point, méprisants envers leur sélectionneur, insultants envers leur public. Hallucinant, mais en même temps, relativement passionnant.

Nouvel épisode chez les Bleus, la sitcom aux acteurs les mieux payés du monde. Dimanche matin, sur TF1, Domenech tente de justifier l’injustifiable, en minimisant l’insulte que lui avait porté Anelka. Domenech s’écrase, excuse presque son joueur et répète comme Evra la veille que tout cela fait partie de la vie du groupe et que ça n’aurait pas dû sortir. Et puis, soudain, Ribéry s’invite à l’improviste sur le plateau, et se lance dans un grand numéro chialant, assurant qu’il est touché, comme ses coéquipiers, qu’il n’est pas un caïd, qu’il ne s’est jamais battu avec Gourcuff, que c’est scandaleux de raconter tout cela et que les joueurs veulent dans l’immédiat se concentrer sur le dernier match. Quelques heures plus tard pourtant, sur le terrain d’entraînement, appelé « champ des rêves », Ribéry est désavoué dans les faits : Evra s’engueule avec Duverne, il lui apprend que les joueurs ne vont pas s’entraîner pour protester contre l’éviction de Nicolas Anelka. Duverne s’énerve, sur le coup on ne sait pas pourquoi, et les télés interprètent le clash en laissant penser que Duverne serait le traître recherché par Evra. Dans la foulée les joueurs, après avoir vu quelques supporters, se dirigent vers le bus, y montent, donnent une lettre à l’attaché de presse, lettre lue par un Domenech plus pathétique, perdu, isolé et inutile que jamais, lettre très écrite, à la Villepin, dans laquelle ils expriment leur soutien à Anelka et leur défiance par rapport à la Fédération. Escalettes, sur place, ne pipe mot, Valentin pique sa crise, le directeur délégué de la FFF tente de s’échapper en escaladant un talus et en hurlant qu’il n’en peut plus, que c’est terminé, avant d’être rattrapé par les journalistes et d’expliquer qu’il quittait son poste, écoeuré et dégoûté. Les joueurs regagnent ensuite l’hôtel en bus, sans Domenech, laissé sur place. Plus tard dans l’après midi, Duverne affirme ne pas être le traître, et Evra confirme. Les médias s’enflamment, entre moquerie et indignation, on apprendra dans la soirée que les Bleus se sont quand même un peu entraînés. Ce qui nous fait une belle jambe.

Et maintenant ? Quelques constats : Raymond Domenech n’existe plus, il a ravalé sa fierté, son honneur, n’a plus aucune autorité, et on se demande bien à quoi il va servir sur son banc de touche mardi après midi. Jean Pierre Escalettes n’existe plus non plus. Lui qui avait salué la « dignité » d’Anelka quand il avait appris sa sanction ne savait manifestement pas que l’attaquant de Chelsea n’avait pas quitté l’Afrique du Sud au moment de la « mutinerie » des Bleus. Escalettes incompétent et dépassé doit partir. Idem pour ses soutiens indéfectibles, Gérard Houiller, Noël Le Graet qui portent une part énorme du fiasco sur leurs épaules. Il faudra aussi, mais c’est prévu, faire le ménage sur le banc de touche : Duverne ne survivra pas à ce mondial, Boghossian, Martini non plus. De toute façon, à quoi servaient ils ? Mais le ménage n’évitera pas les joueurs, qui semblent solidaires dans la fronde, tous responsables, tous coupables. Certains peut-être moins que d’autres, mais pas beaucoup. Evra s’est grillé, Ribéry aussi, on imagine mal Blanc les sélectionner à nouveau pour les matchs de l’été ou le début des éliminatoires de l’Euro 2012 à l’automne. On serait curieux, en revanche, de savoir comment les Valbuena, Gourcuff, Lloris et Gignac vivent ce cirque. Ca risque de laisser des traces chez eux aussi.

En tout cas, on n’a jamais vu ça. Des éliminations au premier tour, on connaît, merci. Elles passent en général comme une lettre à la poste, avec quelques critiques et puis plus rien, mais là, c’est pire. Et tout est parti de la volonté d’un quotidien sportif de faire de gros tirages. Opération réussie pour l’Equipe, qui par sa Une déplacée a torpillé les Bleus comme jamais. Des Bleus déjà fragiles, qui n’ont pas survécu à cette étincelle là. Ils ne méritaient sans doute pas cela, ni Raymond Domenech d’ailleurs, mais à force d’approximations, de gestion bananière (comme les républiques) et d’absence d’exigence, on aboutit à ce type de fiasco, dantesque et excessif. Le football est évidemment très loin de tout ce cirque, enfin, loin, pas tant que ça : s’expriment là tous les excès d’un sport roi, sans limites, qui ignore les crises économiques ou financières, qui s’affranchit souvent de toute morale, dont la fuite en avant vers toujours plus de profit, sans contrôle, est quand même depuis longtemps pointée du doigt. Ceci dit, ne nous y trompons pas : RIEN de tout cela ne serait arrivé si nous avions battu le Mexique, voire même arraché un nul. L’injure d’Anelka ne serait alors pas sortie, parce qu’une bonne ambiance n’est pas gage de bons résultats. Aux naïfs de croire le contraire.

Aujourd’hui en tout cas les Bleus n’existent presque plus, mais un peu quand même : ils n’ont toujours pas mis la main sur le traître. A suivre.