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Le choc des regards

Femmes Pumé (état Apure, Venezuela)

Femmes Pumé de la communauté d’Alcornocal (état Apure)

Mes pérégrinations professionnelles m’amènent à entrer en contact avec des communautés indiennes (amérindiennes, autochtones, appelez-les comme vous voulez) vivant au Venezuela.

À chaque fois, c’est la même question qui surgit : que pensent-ils de moi, de nous ? Pourquoi me regardent-ils « comme ça » ? Qu’y a-t-il donc au fond de ces regards ? De ces regards qui semblent à la fois vides (d’expression ?) et pleins (de ressentiments ?).

On a beau dire, on a beau faire, c’est la gêne qui dans ces circonstances prédomine toujours chez moi. Serait-ce la fameuse culpabilité de l’homme blanc qui me taraude ? Serait-ce l’effet du poids incommensurable de 500 ans de drames infligés par mes supposés ancêtres aux habitants du lieu ? Je n’en suis pas certain. Après tout, je sais -et ils savent aussi- que je n’y suis pour rien. Les regards, pourtant, restent de marbre, continuent à peser lourdement sur l’atmosphère.

Je ne crois pas à l’accusation qu’ils pourraient me faire, je ne crois pas à la culpabilité que je pourrais ressentir. Ces regards-là (et le mien aussi sans doute), s’ils expriment quelque chose, c’est bien l’incompréhension. L’incompréhension entre deux mondes qui se côtoient et ne se sont pas choisis. Deux mondes qui se partagent maintenant, forcément, les mêmes terres. Mais deux mondes qui se trouvent aussi aux antipodes l’un de l’autre : l’un est profondément matériel, matérialiste, tandis que l’autre est spirituel ; l’un est entreprenant, conquérant, tandis que l’autre est contemplatif ; l’un est pressé, stressé, tandis que l’autre laisse courir le temps.

Nous sommes en présence de deux Weltanschauung (conceptions du monde, pour parler français) qui ont le plus grand mal à coexister. C’est le choc des cultures le plus radical qui soit. Comme s’il y avait deux mondes, le leur et le mien. Et comme si ces deux mondes étaient faits pour ne jamais se comprendre. Ni se rencontrer vraiment.


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5 réactions à cet article    


  • Bobby Bobby 26 avril 2010 16:33

    Bonjour,

    Si, au lieu d’arriver avec notre bagage culturel et notre mode de vie que nous finissons presqu’ inévitablement par présenter comme un modèle, nous arrivions en ignares que nous sommes (tous) et étions attentifs à apprendre de ces peuples... la dynamique serait certainement différente !

    bien cordialement


    • Arunah Arunah 26 avril 2010 16:53

      Bonjour !

      Ce qui est frappant, c’est que, à dénuement égal, les populations de l’Himalaya vivant en altitude ( en cela comparables aux populations andines ) n’ont pas ce regard ou vide ou désespéré ou hostile que peuvent avoir les Indiens sud-américains... Il est vrai que les dieux des montagnards himalayens n’ont pas été vaincus, eux...


      • la_gata la_gata 12 mai 2010 18:22

        ça n’ a rien a voir avec des dieux ..
        sinon avec l’attitude des étrangers qui arrivent dans ces contrées ..
        c’est une question d’amalgame .. malheureusement a chaque fois qu’ un blanc arrive c’est pour tirer un profit , pour abimer quelque chose ,( pas le cas du tibet il n y a pas de pétrole là-bas ni d ’autres richesses , tant mieux pour eux ) rares sont ceux qui viennent seulement s’installer et vivre tranquilles en respectant les voisins .
        donc c’est comme ici pour les arabes .. les gens font l’amalgame .. un est pourri = tous sont pourris .. donc vous voyez la bêtise n’est pas apanage des français ..
        déjà sans aller plus loin comme vous sentiriez vous de vous faire prendre en photo comme un singe de foire sans avoir accordé votre permission ?
        les gens ne sont pas dupes .. vénézueliens , tibetains ou des iles comores .. à present à l’heure de l’internet .. tout le monde est au courant même au fin fond des montagnes des inegalités selon vous soyez né ici ou là-bas .. eux savent que vous arrivez chez eux sans aucune contrainte .. par contre si eux veulent venir en France .. c’est quasi impossible ..


      • Tony Pirard 26 avril 2010 23:34

        Le titre de l’ article est assez pértinent...Le choc des regards.Ils doivent être étonant... ! Leur expression...« Que monde est celui-lá... ! ».

         Ils vivent dans un monde réel....où la societé n’est pas consumiste et l’argent n’est motif de querelles,comme fait la societé dite...Civilisation.

         Je ne comprends pourquoi Arunah voit...Un regard vide ou désespére dans les Indiens sud-américains... ! Dirait-t-il effect de l’altitude...je doute.. !


        • @distance @distance 27 avril 2010 12:22

          que pensent-ils de moi, de nous ? Pourquoi me regardent-ils « comme ça » ? Qu’y a-t-il donc au fond de ces regards ? De ces regards qui semblent à la fois vides (d’expression ?) et pleins (de ressentiments ?). dans l’article

          et vous que pensez-vous d’eux ? pourquoi les regardez-vous comme ça ? qu’y a t-il donc au fond de VOTRE regard ?


          ILS aimeraient peut-être qu’on leur foute la paix
          bien avant l’arrivée des colons, ces personnes vivaient en parfaite harmonie avec la nature ; discriminés et exploités durant des décennies, depuis la conquête, subissant des transformations dans leur mode de vie et de pensée par les missions et le soi-disant progrès offert par les Etats : pas étonnant donc leur méfiance vis à vis des étrangers.


          à lire :

          « Nous avions marché toute la journée sans nourriture et même sans eau, car nous n’en avions pas emporté avec nous de l’endroit où nous avions campé. Voyant que, de gré ou de force, nous ne pouvions rien tirer des guides, j’en fis couper deux en morceaux pour effrayer les autres  ; mais cela ne servit à rien car ils aimaient mieux périr que d’être nos prisonniers… » (Nikolaus Federmann)

          1528 : les marchands allemands de Augsbourg, les Welser, signent avec l’Empereur Charles Quint un contrat les autorisant à explorer, pacifier et exploiter le Vénézuéla. Durant 28 ans, leurs gouverneurs parcourent plus de 20 000 km à la recherche d’un passage vers l’océan Pacifique, puis de l’El Dorado, dont ils sont les premiers à avoir entendu parler. Lorsqu’en 1530 Nikolaus Federmann arrive à Coro pour le compte des Welser, en tant que capitaine-général et vice-gouverneur, il entreprend aussitôt une expédition dans les terres encore inconnues. Le récit qu’il nous livre raconte la vie quotidienne d’un conquistador et nous fait découvrir un monde qu’il va contribuer à détruire.
          Le jeune homme de 25 ans, à la tête de 126 soldats et de nombreux porteurs indiens, parcourt pendant 6 mois plus de 600 km. Il rencontre une dizaine de populations indiennes inconnues ; doit lutter contre la faim, la fatigue, les maladies et les Indiens de plus en plus rétifs devant l’encombrante présence et la violence des chrétiens.
          Ce récit vivant et cruel, riche en action et en péripéties est le premier des rares témoignages directs de l’occupation allemande du Vénézuéla. Cette édition présentée et annotée est une nouvelle traduction du texte original publié en 1557.

          Histoire indienne, l’expédition de Nikolaus Federmann au coeur du Vénézuela 1530-1531
          paru en octobre 2009
          Traduit, présenté et annoté par Marc Delpech

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