Le complexe militaro-industriel américain veille
Les RDV de l’Agora reçoivent Mathieu Verboud, auteur et réalisateur du documentaire "La Cabale", diffusé ce soir, mardi 28 octobre, sur France 5 à 21 h 40.
Dans son film La Cabale, diffusé ce soir sur France 5, le documentariste Mathieu Verboud revient sur la genèse de la guerre d’Irak et sur la philosophie politique des Etats-Unis, toujours prompts à guerroyer du moment que le business militaro-industriel a à y gagner. Rappelons-nous ce chiffre : durant le XXe siècle, les Etats-Unis ont dépêché des troupes dans près de trente Etats (sans compter les deux guerres mondiales).
C’est avec une image du mémorial du corps des Marines des Etats-Unis, à Washington, que commence ce documentaire. Sur le socle de ce célèbre monument représentant le prise d’Iwo Jiwa, sont inscrits les noms des grandes batailles américaines. Dernier nom gravé : l’Irak. Mais il y a encore de l’espace sur le socle. Beaucoup d’espace. Et les dirigeants de Lockheed, Halliburton, Blackwater peuvent se frotter les mains. Tant que l’on fera vibrer la corde patriotique, nationaliste et revancharde, tant que l’on dira au peuple américain qu’il doit combattre pour la liberté, ils accumuleront les dividendes. Pour comprendre la guerre d’Irak, il faut se rappeler les avertissements que lança en 1961 un certain Eisenhower et, bien avant lui, le général Smedley Butler. Le complexe militaro-industriel veille, les lobbies veillent pendant que tout le monde dort. Mais il y a lobby et lobby et Mathieu Verboud ne tombe pas dans les travers des complotistes.
Sur la guerre d’Irak, on croyait tout savoir. Mathieu Verboud ne nous apprendra rien de nouveau. Son intention est claire : "apprécier les symptômes liés à la guerre d’Irak, à la genèse de cette guerre, puis réfléchir plus largement à l’addiction américaine à la guerre depuis un demi-siècle." Mais il apporte un éclairage nécessaire. Il clarifie. Il dépouille volontairement son film. Choisissant de ne faire intervenir que deux protagonistes - Karen Kwiatkowski, ex-militaire de carrière, et Joe Trento, écrivain -, et utilisant à bon escient les images d’archives, il nous explique comment et pourquoi la guerre d’Irak a lieu. Pourquoi, quel que soit le nom du prochain locataire de la Maison-Blanche, elle a toutes les chances de continuer, et pourquoi elle peut s’étendre à l’Iran. Désespérant, mais salutaire.
Pour les RDV de l’Agora, Mathieu Verboud répond aux questions d’Olivier Bailly
Agoravox : Avez-vous rencontré des difficultés pour tourner ce documentaire ?
Mathieu Verboud : Si l’on entend par difficultés des blocages institutionnels divers et variés, aucune difficulté. La parole sur ces questions-là est assez libre en Amérique. C’est le paradoxe. Des choses extrêmement importantes sont dites. Aujourd’hui, il est admis par tout le monde, y compris par les gens qui étaient partisans de la guerre d’Irak, qu’il y a eu mensonge sur la genèse de cette guerre, mais rien n’embraye derrière. C’est un phénomène qu’on observe partout : des gens disent des choses, on sait que c’est là, mais on regardera plus tard car ce n’est pas encore prêt dans les esprits.
A : Avez-vous rencontré des difficultés pour le diffuser en France ?
MV : On l’avait proposé à une chaîne qui venait d’acheter un autre documentaire américain qui focalisait uniquement sur le Bureau des plans spéciaux et qui, ayant acheté ce film-là, ne pouvait plus acheter le mien. Il a fallu apparemment qu’on insiste auprès de France 5 pour qu’ils le prennent. Evidemment pour eux tout ça est extrêmement mélangé. Entre la guerre d’Irak qui a échoué, l’autoritarisme de Rumsfeld, la folie guerrière, la genèse de la guerre d’Irak... Quand vous arrivez avec une information qui pointe l’aspect très caractéristique et très inédit de la genèse de cette guerre - le film le dit : c’est la première guerre de toute l’histoire des Etats-Unis qui n’apporte rien de positif au pays. Du point de vue négatif au contraire, il n’y a que des recettes -, lorsque vous arrivez avec une information comme celle-là la chaîne dit « très bien on le prend » et comme ils vous sentent en position de force ils vous préviennent : « Attention, ne faites pas un film conspirationniste parce qu’avec ce que vous allez dire-là n’importe quel clampin peut s’autoriser tous les commentaires débiles... » On leur a donc dit qu’on faisait un film sur le complexe militaro-industriel.
A : Vous ne révélez rien, mais vous apportez un éclairage plus large sur la genèse de la guerre d’Irak. N’est-ce pas ce qui a manqué dans les analyses de ce conflit ? On s’est focalisé sur le 11-Septembre, y voyant une cause.
MV : Dès qu’on parle du 11-Septembre, on est forcément toujours amené à répondre à des questions sur les seuls qui sont connus pour travailler en permanence sur le 11-Septembre, c’est-à-dire « les théoriciens du complot ». Malheureusement, on n’entend personne d’autre réfléchir à la question, on ne sait pas ce que font les historiens, par exemple. Je ne me situe pas par rapport à ces gens-là ni par rapport à d’autres, ils posent des questions, comme tout le monde. Je ne révèle rien parce qu’on sait que la genèse de la guerre d’Irak, que l’analyse globale de ce conflit, sous-pondère l’aspect genèse.
Même s’il y avait eu un but de guerre « entendable », la guerre d’Irak aurait probablement été un fiasco, Abou Ghraïb aurait été là et ça aurait suffi à ce que cette guerre ait été une « guerre dégueulasse ». Il se trouve qu’en plus il y a une complication en amont qui explique beaucoup de choses et qui selon moi est très caractéristique, c’est Abou Ghraïb. Ils ont été jusque-là. Abou Ghraïb c’est un drame, un scandale, mais c’est la conclusion d’un état d’esprit et de pratique politique.
Et c’est autrement plus compromettant de créer une guerre à partir de rien que de faire une bavure dans une prison. C’est comme décrire la famille en occultant systématiquement le rôle de la grand-mère. Effectivement, dans ce film, je dis « la grand-mère existe », on me répondra « on le savait ». Eh bien alors pourquoi vous ne le dites pas ! Je ne vais pas reprocher aux autres de ne pas dire ce qu’ils ne disent pas, mais avec ce film j’ai observé deux symptômes : d’abord je pense que la genèse de la guerre d’Irak, à elle toute seule, est un symptôme infiniment plus grave parce que c’est un chaudron dans laquelle on fabrique les guerres.
On ne fabrique pas une nouvelle guerre avec Abou Ghraïb, tandis qu’avec les méthodes qui ont été employées dans toutes les guerres d’Irak on fabrique la matrice de toutes les guerres à venir. Je parle de la guerre qu’on crée sur un coin de table, la guerre sans but, sans intérêt pour le pays, et la guerre éternelle sans aucune définition claire de la victoire. Donc on crée la matrice de la guerre parfaite. Evidemment, on va prendre un moustachu pas sympathique et même particulièrement odieux qui s’appelle Saddam Hussein et, pour peu qu’il y ait eu un attentat quelques jours avant, ça fait l’affaire.
La deuxième chose, c’est qu’il faut toujours dézoomer. On me parle de la guerre d’Irak, moi je préfère parler de la genèse de la guerre que de son déroulement. Ensuite, on me parle de l’appétit des Américains. Là pareil, avant de prononcer un quelconque mot, je dézoome et je me rends compte qu’avant moi il y a une poignée de gens, des conspirationnistes, mais aussi le président Eisenhower qui l’a dit - mais le problème c’est qu’à l’époque d’Eisenhower il n’y avait pas de marketing, pas de Cheney qui était un gamin, c’étaient les années 60. Eisenhower vous dit que c’était déjà là. Puis vous allez voir le personnage principal de votre film qui vous dit que quelqu’un - Smedley Butler en l’occurrence - l’a dit encore vingt ans avant Eisenhower...
Aujourd’hui, des gens vous expliquent à la télévision que l’amiante est dangereux. Ceux qui travaillent sur l’amiante savent que les effets nocifs de l’amiante ont été documentés par la médecine dans les années 10. A la seconde où vous savez ça, cela change tout. Cela signifie que la médecine du travail était complice des entreprises, et maintenant c’est quelque chose qui est reconnu par tout le monde depuis soixante-dix ans.
Les responsabilités sont décuplées à l’instant où vous apprenez que la médecine du travail le savait. Après, il y a un autre problème. Si vous dites « prendre de l’héroïne ce n’est pas bon pour la santé », on va vous répondre « on le sait depuis longtemps, vous n’apportez rien de nouveau ». Effectivement, comme tout le monde le sait et que tout le monde sait qu’on le sait depuis très longtemps, il n’y a rien à dire à tout le monde.
Là, je remarque qu’il y a une chose que l’on sait lorsqu’on va chercher le bouquin sur l’étagère, à savoir que tout a commencé il y a déjà un siècle, mais que chaque jour où l’on en parle on fait semblant de croire que c’est arrivé hier. Non ! Les choses ont une histoire, voilà, et on peut voir dans tel ou tel aspect de la guerre d’Irak des choses nouvelles, comme par exemple la privatisation à outrance des services, ce qui n’existait pas à l’époque d’Eisenhower. En revanche, sortir le bâton dès qu’il y a un problème et taper, ça, ça ne date pas de Dick Cheney.
A : Les néo-conservateurs pêchent-ils par idéologie ou par affairisme ?
MV : Ils sont connus pour prêcher dans les deux domaines. Ils sont connus comme tels par les services secrets américains. C’est le sujet d’un autre film que je prépare. Plusieurs des personnes impliquées dans la guerre d’Irak sont là depuis trente ans et depuis trente ans trafiquent, donnent des coups de tampon illégaux sur les exportations d’armes, jouent de leur influence, la monnaye et parfois sont directement impliqués comme intermédiaires. Ils sont connus y compris pour transmettre des secrets d’Etat à des pays étrangers comme Israël, par exemple.
A : Quel que soit le nom de celui qui s’installera à la Maison-Blanche en novembre prochain, cela ne changera pas grand-chose par rapport au complexe militaro-industriel. Qu’est-ce qui pourrait faire changer la donne ?
MV : Entre le foudre de guerre Reagan et le foudre de guerre Georges W. Bush (je passe sur le père), on a eu Clinton pendant huit ans. Mais, si vous prenez Clinton et Georges Bush père, vous avez ce qu’on appelle des « modérés », des gens plus prudents, plus centristes, plus atlantistes, moins unilatéraux. Le business a prospéré quand même. Ajoutez à cela que les marchands de canons font des affaires y compris en temps de paix...
L’Amérique vend ses armes et, actuellement, ça marche du feu de Dieu, ils vendent de plus en plus. L’armement est également un outil d’entrisme économique. Le complexe militaro-industriel est vraiment au cœur de l’économie américaine. On sait d’ailleurs que globalement l’industrie de l’armement fait beaucoup tourner l’économie, c’est un lieu d’innovation, etc. Il se trouve que les Américains, pour donner un bonus aux accords de paix israélo-arabes des années 70, versent depuis cette époque-là, c’est tout à fait connu, plusieurs milliards de dollars par an en aide militaire gratuite qu’empochent les Israéliens et les Egyptiens.
Comme le disent beaucoup d’intervenants aux Etats-Unis, on peut se demander si cet argent que l’Amérique verse entre autres pays à Israël, en quoi cela a pu modérer Israël, la rassurer et est-ce que ça a pu générer une volonté, tant en Israël qu’aux Etats-Unis, d’aller vers des accords de paix avec les Palestiniens ? Apparemment non.
Il y a un gros aggiornamento qui a actuellement cours aux Etats-Unis à propos du lobby pro-israélien. Le seul problème, c’est que s’en distancier est extrêmement compliqué. La distanciation par rapport à ce lobby est aussi compliquée que de se distancier de la guerre d’Irak ou se distancier du pétrole.
A : Vous évoquez l’Aipac, un lobby pro-israélien très puissant auquel tous les politiques, démocrates comme républicains, font allégeance.
MV : Un jour un congressiste a dit : « imaginez la puissance du lobby du bois lorsque vous êtes à Seattle, dans l’Etat de Washington. Vous êtes dans un Etat où si vous êtes contre le lobby du bois vous êtes mort politiquement. L’Aipac, c’est l’équivalent du lobby du bois, mais à l’échelon du pays. Les ministres reculent devant l’Aipac. L’Aipac fait atteindre aux motions qui défendent Israël au Congrès des scores brejnéviens. L’Aipac est légendairement connu à Washington.
Son patron politique vient de se faire arrêter pour espionnage au profit d’Israël, c’est l’affaire Franklin, un ancien collaborateur de Doug Feith, qui a donné des documents sur le programme nucléaire iranien à l’Aipac qui les a immédiatement transmis au Mossad à Washington. Tous les protagonistes ont été arrêtés et le directeur exécutif de l’Aipac, connu comme le loup blanc à Washington, Steve Rosen est actuellement au trou pour avoir transmis des informations à Israël, le collaborateur de Douglas Feith est au trou également pour les mêmes raisons. Le procès qui devait commencer il y a un an, que je devais filmer il y a six mois en est à son neuvième ajournement. C’est le procès impossible. La défense veut faire citer à la barre Cheney, Condee Rice, etc.
Il se trouve que l’adjoint de Douglas Feith, Franklin, l’homme qui a fourni à l’Aipac les documents sur le programme nucléaire iranien qu’il avait dans son coffre au Pentagone, est parti pour douze ans en tôle. Certains m’ont dit qu’il était sorti alors que d’autres m’ont affirmé que non, il est bien en tôle ! Vous allez sur internet et vous ne savez pas si cet espion est en tôle ou pas ! Ce procès a terriblement gêné les grands médias parce qu’il exposait au grand jour la réalité de l’Aipac et c’est là où l’on voit ressortir un magnifique article de Seymour Hersch qui, un an avant son arrestation, avait rencontré le patron de l’Aipac et lui avait demandé comment fonctionnait l’Aipac, qu’est-ce qu’on y faisait, etc. Et le patron de l’Aipac lui avait répondu : « l’Aipac est comme une fleur vénéneuse : elle vit la nuit et se couche au petit matin ».
Des bouquins décrivent les membres de l’Aipac qui au moment d’une résolution se pointent juste dans les couloirs, ouvrent une porte où des gens sont en train de voter, passent leur tête à la porte. Dix, vingt personnes dans la salle savent ce qui se passe : le lobby est passé, il est temps de bien voter. Ils disent tous : si on se met contre ce lobby on se suicide politiquement.
L’Aipac est considéré par les congressistes américains comme le deuxième lobby le plus puissant des Etats-Unis après le lobby des personnes âgées. Et le troisième est le lobby des armes.
A : Eh bien justement, terminons sur une personne âgée, le sénateur Robert Byrd, seule voix discordante au Congrès à propos de la guerre d’Irak. A-t-il dit tout haut ce que tout le monde aux Etats-Unis pense tout bas ?
MV : Je vais vous raconter une anecdote tirée du film The Israël lobby de la réalisatrice néerlandaise Marije Meerman : dans ce film, un historien anglais, Juif, critique vis-à-vis d’Israël, témoigne. Un jour cet historien, Tony Judt est à Paris. Il est avec un congressiste américain qui tient des propos sur le conflit israélo-palestinien qui lui semblent assez sensés. Il lui dit « je suis d’accord avec ce que vous racontez, vous avez une position équilibrée, il me semble que c’est quelque chose que vous ne racontez nulle part en Amérique publiquement ». Le congressiste opine. Et Tony Judt qui n’est pas dupe lui demande « Est-ce que vous faites ça parce que vous avez peur de perdre votre vote juif ? »
Le type sourit et lui répond : « Je viens d’une circonscription du Middle-West, je n’ai quasiment aucun Juif dans ma circonscription et de toute façon ils votent tous pour moi, donc je n’ai aucun risque de perdre des électeurs Juifs en disant publiquement ce que je pense du conflit israélo-palestinien. En revanche, si je le dis, la rétorsion viendra plus tard, elle ne sera pas forcément orchestrée dans le lobby, mais mes collègues en ont tellement peur que tout autre projet, toute autre requête ou résolution que je mettrais aux voix au Congrès à l’avenir seront systématiquement bloqués. Ça serait un suicide politique ».
Robert Byrd est trop vieux. Au pire, il fait encore un mandat, mais il est hors d’atteinte. C’est par ailleurs un personnage paradoxal puisque c’est un ancien membre du Ku Klux Klan...
Robert Byrd dit-il tout haut ce que tout le monde pense tout bas ? Quand vous avez une terreur collective, il y a une peur collective des uns des autres, du côté maccarthyste de l’administration Bush. S’opposer à la guerre c’est passer pour un anti-patriote, s’opposer à la guerre après le 11-Septembre c’est passer en plus pour un con, et derrière si vous rajoutez que le lobby vous guette en disant manque de pot, sur cette équation-là il y a l’ingrédient Israël, si vous votez contre c’est que vous êtes des traîtres... Pourquoi Obama à l’époque dit qu’il est contre la guerre ? Parce qu’il est encore trop petit, il peut encore se permettre de le dire. Dès que vous passez l’échelon au-dessus jamais vous n’allez prendre la position du maverick comme dirait McCain, du franc-tireur.
A : Quels sont les rapports entre l’Aipac et Israël ? Car, après tout, l’Aipac n’est pas Israël...
MV : Ce n’est pas une courroie de transmission organique, c’est-à-dire qu’il n’est pas mandaté par l’Etat israélien. Imaginons que vous êtes un chanteur et que vous avez un club de fans. C’est pareil. Il n’est pas mandaté par vous, il peut même vous irriter. On sait qu’il y a des chanteurs qui ont douze clubs de fans et qui sont irrités par tel ou tel club de fans qui fait des trucs qui ne leur plaisent pas. Bon, voilà, c’est un club de fans auto-constitué qui rend malgré tout énormément de services au gouvernement israélien.
Sharon a sorti un jour une boutade : "Américains si vous voulez aider Israël, aidez l’Aipac !" Il se trouve que l’Aipac a fait une OPA. Il y a une chose très particulière en Amérique : il y a des milliers d’associations juives ou pro-israéliennes et l’Aipac n’est que l’une d’entre elles. Mais elle a pris un virage à droite et a mobilisé le débat sur un aspect très particulier qui est la politique étrangère américaine. Grosso modo vous pouvez être dans une association juive non politisée, qui n’affiche pas de position politique ni démocrate ni républicaine aux Etats-Unis, ni Likoud ni travailliste en Israël, mais à un moment donné, si par exemple il y a un pépin dans le monde avec Israël, vous allez vous en remettre à la ligne politique décidée par l’Aipac parce qu’il n’y a plus qu’elle qui se voit en Amérique...
Les deux questions qui suivent (ainsi que les réponses, bien sûr) ont été rédigées par Matthieu Verboud lui-même. Il les destinait au site web de France 5 qui a omis de les y faire figurer. Nous remercions Matthieu Verboud de nous autoriser à les reproduire.
Pourquoi ce film ?
Parce que l’heure est, une fois encore, à la guerre. Irak, Afghanistan, Georgie, demain peut-être l’Iran... Parce que les experts de ces questions évoquent aujourd’hui, non sans réelles inquiétudes, des perspectives tout simplement terrifiantes : Troisième Guerre mondiale, risque d’embrasement nucléaire, tout ça sur fond de reprise possible de la guerre froide. A chaque fois, les Etats-Unis sont au centre de l’équation. On ne le dit jamais parce qu’on l’ignore, mais ce pays représente aujourd’hui 75 % des dépenses militaires de la planète ! Ça fait beaucoup pour un seul pays, un pays qui ne représente que 5 % de la population mondiale. Bien sûr, l’Histoire témoigne que de tous les grands empires de l’Histoire, l’empire américain est sans conteste le plus démocratique, le moins barbare. Et pourtant, en un peu plus d’un siècle (guerres mondiales mises à part), les États-Unis ont fait peser le poids de leurs interventions militaires aux quatre coins du globe. Depuis cinquante ans, date de l’émergence du complexe militaro-industriel, le nombre d’interventions américaines dans le monde a tout simplement doublé par rapport au demi-siècle précédent ! Bien sûr, il ne s’agit-là que d’un chiffre grossier dans la mesure où le complexe militaro-industriel fait des affaires même en temps de paix, mais il témoigne néanmoins des perspectives colossales que les États-Unis offrent historiquement à leurs marchands de canons. Pour mémoire, le coût des opérations militaires américaines depuis le 11-Septembre avoisine désormais celui de la guerre de Corée.
En quoi la guerre d’Irak constitue un cas d’école ?
Parce que comme le disent nos personnages, elle incarne la guerre de l’avenir : la guerre sans fin, sans vainqueur, sans claire définition de la victoire, la guerre éternelle. Et aussi parce qu’en attaquant une seconde fois l’Irak en 2003, les Etats-Unis attaquaient un pays dont ils savaient eux-mêmes au-delà de tout doute possible qu’il ne constituait plus, et depuis longtemps, une quelconque menace militaire. L’un de nos deux personnages, le lieutenant colonel Karen Kwiatkowski, le raconte : dans les douze ans qui séparent les deux guerres d’Irak, les Américains et les Anglais ont lancé plus de bombes sur ce pays que sur le Vietnam ! Au fil des ans, la US Air Force en était à vider ses munitions sur des rochers. Il ne restait plus que ça à viser. Quelles que soient les raisons de se réjouir que l’on pouvait avoir à l’époque en voyant une démocratie chasser un dictateur sanguinaire du pouvoir, partir en guerre sur de telles prémices était un mensonge fait au monde, mais aussi un crime majeur contre la Constitution des Etats-Unis.
Crédit photo : Uppitynegronetwork (Dick Cheney)
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