2001, l’odyssée de l’espace : retour sur un chef d’œuvre
Il est sans doute le plus grand chef d’œuvre de l’histoire de la science fiction, voire du cinéma. Avec 2001, l’odyssée de l’espace, Stanley Kubrick a vu grand, très grand. Un film exceptionnel qui laisse le spectateur libre de toute interprétation philosophique ou spéculation scientifique, et qui fait admirablement réfléchir sur le sens de la vie, de l’évolution, et sur la place de l’Homme dans l’espace et dans le temps. Retour sur un mythe.
L’aube de l’humanité
Car le scénario commence aux prémices de notre évolution, il y a 4 millions d’années. L’australopithecus est encore à l’état sauvage, se nourrit exclusivement d’herbe et ne dispose encore d’aucune faculté intellectuelle développée. Dans ce monde où il est difficile de survivre face à la Nature et aux prédateurs, il est également question de luttes entre clans. Luttes pour le moindre point d’eau, la moindre nourriture.
Endormis sous un rocher, épuisés, chassés d’un point d’eau par un groupe rival, ces singes primitifs semblent se diriger vers une disparition certaine. Quant vint le jour, un étrange objet se dresse devant eux. Un monolithe noir, d’une forme parfaite et d’un contraste intrigant.
D’origine extraterrestre (Dieu ou des êtres intelligents venus d’ailleurs ?), cette chose dressée comme un défi, va inciter l’Homme à se surpasser, à évoluer. Conscient de ses facultés, celui-ci va vite apprendre à se servir d’armes, d’outils, à commencer par le plus simple : un os. Avec cet os, il va chasser et donc se découvrir un régime carnivore salvateur dans ce climat aride. Il va aussi être en mesure de se défendre face à ses propres semblables, et de récupérer son point d’eau en tuant le chef du groupe rival.
Ainsi vint l’ellipse la plus célèbre du cinéma : l’os-outil, jeté dans les airs en signe de victoire, va soudain être remplacé par un imposant vaisseau spatial narguant la Terre depuis son orbite. Une ellipse temporelle de 4 millions d’années en un simple montage. De l’os au vaisseau spatial, l’Homme va moderniser ses outils. Les moderniser jusqu’à l’excès…
Des vaisseaux dans l’espace
Le film se poursuit donc en 1999. Après un balai cosmique magnifique, au son du Beau Danube Bleu, on suit le docteur Heywood Fyold, qui se rend sur la station lunaire pour une réunion secrète. Un monolithe (semblable a celui du début) a été découvert enfoui à 18 mètres sous le sol de la Lune. Personne encore ne connaît l’origine ni le but de cette étrange relique.
Dans l’espace on remarque, à travers la réalisation géniale, que l’Homme redevient une sorte d’enfant qui a tout à réapprendre. Il mange de la bouillie, il doit réapprendre à marcher, se déplacer (avec chaussons à scratchs), et aussi à aller au toilette seul (notice d’utilisation des toilettes en apesanteur).
Il fait également partie d’un monde immense où l’on entretient des contacts virtuels. On ne se regarde plus en face, on se regarde sur un écran. D’où la scène ou le docteur Fyold converse avec sa fille en appel visio. Une prophétie étonnante (parmi tant d'autres) de Kubrick qui prévoyait déjà l’apparition de ce genre de moyens de communication, sans pour autant se douter que, d’ici là, tout serait entièrement miniaturisé.
Déjà, dans ce chapitre, Kubrick démontre avec brio la progressive perte de contrôle de l’Homme sur ses propres outils. Dès la première scène à l’intérieur de la navette de transport, où le docteur est endormi, on observe son stylo flotter où bon lui semble sous l’effet de l’apesanteur.
Pour ce qui est du monolithe lunaire, il semble être une sorte d’éclaireur pour prévenir ceux qui l’ont placé ici que l’Homme est parvenu à quitter son berceau.
La mission Jupiter
18 mois plus tard, le spectateur se retrouve embarqué dans un voyage spatial à destination de Jupiter. L’équipage est composé de Dave Bowman et Frank Poole, ainsi que trois savants placés sous hibernation artificielle. Est-ce tout ? Non. Manque le membre le plus important de ce voyage : l’ordinateur central HAL 9000.
Ce dernier est la pointe de la technologie de l’époque. Le must de ce qu’a pu créer l’Homme en matière de technologie, d’intelligence artificielle. L’outil suprême. Ce dernier est réputé infaillible. Jamais un ordinateur de sa gamme n’a commis une seule erreur. Au cours de ce voyage, il dirige toutes les opérations, hormis la réparation, dont l’Homme reste chargé. Il dispose d’une voix humaine, bien qu’artificielle, ce qui le rend plutôt intrigant. Au quotidien, il participe à la vie du vaisseau comme n’importe quel membre d’équipage. Il discute, joue aux échecs, donne son avis…
Un jour, lors d’une discussion avec Dave - devenue embarrassante - sur la finalité de cette mission (toujours ignorée des membres de l’équipage), il signale une panne imminente sur l’antenne parabolique du vaisseau. Après vérification (au cours d’une sortie mythique dans l’espace où seule la respiration de Dave est audible), il s’avère que HAL ait, pour la première fois, commis une erreur.
Dave et Frank se concertent alors dans une capsule d’intervention spatiale, pensant ne pas pouvoir être entendu par l’ordinateur. Ils décident qu’il serait préférable de le débrancher si cette erreur venait à se confirmer. Ce qu’ils ignorent, c’est que HAL lit sur leurs lèvres.
Après tout, qui sont-ils, ces humains ? Ils sont faibles, ennuyeux, impuissants. Dans l’espace, ils sont comme un poisson hors de l’eau (respiration). Pour quitter la Terre, ils doivent être maintenus dans un état quasi végétatif (hibernation). Des réparateurs, voilà tout. Ils ne sont qu’une épine de le pied de HAL, programmé pour accomplir coûte que coûte sa mission, et sont même prêts à le débrancher. La décision est prise. Il faut les éliminer.
C’est chose faite, pour Frank – tué lors de sa sortie de remise en place de la pièce « défectueuse » - ainsi que pour les trois membres d’équipage en hibernation, débranchés de leur maintien artificiel des fonctions vitales. Pour Dave, sorti en capsule dans l’espoir de sauver son coéquipier, il sera question de laisser les portes du vaisseau fermées. Le dialogue qui s’en suit restera culte. « Nous n’avons plus rien à nous dire » en terminera HAL avant de se murer dans le silence.
C’était sans compter sur l’ingéniosité et le courage de l’Homme qui va parvenir à se propulser à l’intérieur. La scène où Dave débranche progressivement HAL - avec un tournevis, le plus simple de ses outils - est mémorable. Une lente agonie électronique, rythmée par les supplications, jusqu’à l’arrêt complet de l’hyper-ordinateur. L’Homme a gagné le combat contre ses propres outils.
Lors de l’arrêt, de la mort de HAL, une vidéo se déclenche et Dave apprend alors le but secret de la mission dont il fait partie. Le monolithe, découvert sur la Lune 18 mois plus tôt, émettait en direction de Jupiter.
Jupiter, et au-delà de l’infini
Seul dans l’espace, vainqueur de ses outils, l’Homme va se retrouver face à un dernier défi : son vieillissement, sa propre mort. Arrivé aux environs de Jupiter, Dave se retrouve face à un monolithe, similaire aux précédents, en orbite autour de la géante gazeuse. Intrigué, il va s’approcher et être soudainement emporté dans une sorte de 4ème dimension difficilement interprétable, un long tunnel spatio-temporel au bout duquel l’attend une mystérieuse pièce.
Il ne faut pas voir la pièce en tant que telle. Elle est simplement le décor que Kubrick a choisi pour la scène de fin. Dave, l’Homme, se voit confronté à son vieillissement progressif, suivi de sa mort. Un petit signe nous est laissé lors du repas du vieil Homme : le verre de vin se brise au sol. Comprendre : le verre est cassé mais il reste le vin / le corps est mort mais il reste l’âme.
Sur son lit de mort, toujours présenté entre les murs blancs de cette pièce étrange, l’Homme mourant observe le fameux monolithe, dressé au pied de son lit. Au moment de sa mort, l’Homme apparait soudain sous une forme nouvelle, une sorte de bébé cosmique. Ce fœtus, pour le tout dernier plan du film, prendra le chemin de la Terre.
Que signifie exactement cette fin ? Parmi les cercles d’amateurs, les débats sont passionnés, exactement ce que désirait Kubrick qui n’a jamais souhaité révéler la signification de son film. Cet enfant cosmique est-il le stade ultime de l’Homme, du vivant ? Est-ce un retour aux origines de l’humanité, cet embryon de vie venant féconder à nouveau la Terre ? Est-ce là notre prochain défi, l’éternité ?
2001 pour l’éternité ?
A l’image de ce mystère qui plane et planera encore sur 2001, Kubrick, bien aidé par Clarke, est vraiment parvenu à son but : créer un mythe, et non un simple film. Ainsi l'odyssée de l'espace est-il le père de tous nos films de science-fiction d’aujourd’hui. Jamais tels effets spéciaux ne furent réalisés auparavant, ce qui lui valut d’ailleurs un Oscar. Je ne m’épancherai pas sur l’aspect technique du film, il y aurait tant de chose à dire sur ce bijou de technologie, de réalisme et de beauté.
C’est véritablement sur la signification de l’histoire que les débats sont les plus passionnés, et les spéculations les plus poussées. L’année 2001 a beau être derrière nous, la crédibilité du film n’en reste pas moins intacte. Contrairement à tous ses successeurs (Star Wars, Stargate…), 2001 se démarque par son incroyable réalisme, à quelques exceptions près.
Le film à voir et à revoir, qui a encore de beaux jours devant lui, et restera dans les mémoires cinéphiles encore bien longtemps. Il est un bijou de réflexion, un mythe à lui seul. Un chef d’œuvre matériel et spirituel, universel et intemporel.
Car si la recherche de l’éternel semble être au cœur du film, il est certain qu’en le réalisant, Kubrick l’ait bel et bien trouvée. Chapeau l’artiste !
« Vous êtes libre de spéculer sur le sens allégorique et philosophique de 2001 », Stanley Kubrick
Chris Lefebvre (blog)
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Lien utile : http://www.kubrick2001.com/
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