2012, l’année de tous les dangers

C’est un euphémisme de dire que les prévisions pour 2012 sont pessimistes. Moins de ressources, plus d’emprunts, explosion de la résistance citoyenne, paralysie des Etats et des institutions internationales, gesticulations de plus en plus irrationnelles du marché, pris en tenaille entre les intérêts des bailleurs - spéculateurs et les créditeurs. Tandis que les USA et l’UE se mêlent les pédales dans leurs propres écritures comptables destinés à amuser leur dette (refusant encore et toujours de chambouler un système qui les met à genoux) les quatre vaches laitières dites pays émergeants (Chine, Brésil, Russie, Inde) donnent des signes de grosse fatigue : les prévision de croissance se situent entre 4 et 5 %, loin des 9 -10 % auxquels on était habitués.
Cette croissance n’était pas autre chose que le résultat des libertés que prennent ces pays avec le coût réel du Travail et des règles élémentaires du commerce international (libertés desquels jusque là le reste du monde s’accommodait très bien, et pour cause). Or, les choses se corsent : la contestation interne enfle et la demande externe s’essouffle. Sans oublier que Washington, mais aussi Londres, Paris, Berlin et par conséquent Bruxelles, cherchent à juguler ces pays considérés à nouveau à cause de la crise comme un péril et que les règles protectionnistes sont, discrètement, mises en place. On se rappelle enfin que la Chine et l’Inde ne jouent pas le jeu, et caracolent au sommet du championnat de la contrefaçon. Leurs pratiques néocoloniales et anticoncurrentielles envers les pays tiers, en Afrique et en Amérique Latine sont ouvertement condamnées… Voilà qu’à Washington réapparaissent les théories de confinement-encerclement de l’ogre chinois.
Pour pimenter encore plus le tableau, les prévisionnistes affirment que la crise de l’euro, de l’UE et l’impasse budgétaire US ne sont rien comparés à la crise japonaise qui pointe son nez : Si la dette en Europe tourne autour de 80-90 % du PIB, au Japon elle se situe à 200 % (près de 11.000 milliards) et surtout, Tokyo doit honorer en 2012 près de quatre mille milliards, mission impossible pour les mécanismes internes de recherche de crédits.
A la périphérie, qu’elle soit asiatique (Thaïlande) aux portes de l’Europe (Turquie) ou en Europe même (Tchéquie, Pologne), la demande (ou plutôt le manque de demande) sape le peu de croissance, et le sud européen se dirige allégrement vers une récession sans précédent (Espagne, Italie, Grèce, Portugal), victime des plans d’austérité imposés par le duo infernal (France - Allemagne) aux ordres du « marché ». Ils oublient entre temps que la dette de ces pays a été une génératrice de monnaie importante de la décennie précédente et le destinataire de la production européenne (et pas seulement). Au point que certains acteurs de l’économie réelle, en Allemagne en particulier, s’en vont demander à leur Première ossie à qui donc vont-ils fourguer leurs Golfs, leurs Mercedes et autres scanners Siemens.
Les prédateurs institutionnels, qu’ils logent à la City, à Wall Street ou à Austin (Texas), les flibustiers du capitalisme du désastre chers à Friedmann, avaient misé sur l’Iraq, l’Afghanistan ou la Nouvelle Orléans pour se refaire une santé, tout en imposant leur vision néolibérale du monde. Aujourd’hui, ils déchantent : moins de 5% de ce qu’ils considéraient comme leur terrain de chasse, la « reconstruction » de l’Iraq (représentant près de deux cent milliards de dollars), leur incombe. Et ce pourcentage diminuera encore plus avec le départ du dernier marine américain. Les milliards dépensés pour la corruption des « nouvelles élites » iraquiennes auront été de l’argent jette par la fenêtre : selon l’ONU près de dix milliards « investis » à Bagdad sont désormais « introuvables ». Comme quoi, il existe toujours plus malin que soi. Il en est de même en Afghanistan, et rien n’indique qu’il en sera autrement en Libye. L’administration Karzaï (si l’on peut appeler « administration » ce club de féodaux producteurs d’opium qui « dirige » le pays), devient de plus en plus pressante : exiger plus pour avoir plus à une coalition sur le départ après avoir « magistralement réussi » tous ces objectifs et dont le plus impératif, couper la voie du pétrole de l’Asie centrale à la Chine, tourne au fiasco absolu. Dix ans après l’intervention, on se dirige, tous feux éteints, vers un pouvoir taliban – ISI (services « secrets » pakistanais) et un oléoduc du côté de Gwadar alimentant le Pakistan.
Cependant, il n’y a rien de mieux que de continuer une politique qui échoue. On fait semblant de croire que les grecs, les portugais ou les espagnols sont des chiliens, que 2012 c’est 1973 ; que l’Iran c’est l’Iraq, que les détroits d’Ormuz c’est Grenade…
Vous avez aimé les conflits pétroliers, la guerre de cent ans indo-pakistanaise (à laquelle nous avons allégrement participé), vous allez adorer celles qui se préparent en 2012 entre l’Egypte, le Soudan, et les pays africains du Nil ; celui qui se trame pour les eaux de l’Euphrate (Otez-moi ce barrage anatolien qui m’affame) ; le Mékong, Amour, Amou Daria et Syr-Daria (et tant d’autres), autant de mèches allumées déjà et que la crise, l’essoufflement des empires et le renouveau nationaliste ne pourront (ou ne voudront) éteindre.
I Phone, les avancées sur le génome, jeux vidéo, médias, images formatées et discours qui le sont autant, veulent toujours faire illusion sur un monde « Under control » uniforme. Les vieux routiers de la politique, les malins de la finance, croient toujours pouvoir faire comme si rien n’était. Ils préparent des nouveaux traités croyant toujours qu’ils traitent et gèrent la réalité : moins de démocratie, plus de contrôles et de sanctions, pour imposer leurs choix budgétaires. Ils ouvrent inlassablement des nouveaux fronts, pour faire oublier ceux qu’ils abandonnent. Ils créent ainsi, chaque jour un peu plus, un monde centrifuge et entropique, allument des feux partout se croyant pourtant les pompiers du monde. L’anarchie environnementale s’installe tandis que le déficit américain - mère de tous les maux -, génère, ici et partout ailleurs, des cohortes de chômeurs et le spectre de la fin du citoyen – consommateur. Il y a quelques jours, Naomi Klein déclarait que le mouvement de Occupy Wall Street était en 2011 « la chose la plus importante au monde ». Elle n’avait pas tort, à condition de voir ce mouvement comme une force globale qui, certes consciente d’une injustice économique, en voit surtout un système hors de contrôle, générant une année 2012 de tous les dangers. Nietzsche l’avait dit autrement : « Le préjugé fondamental est de croire que l’ordre, la clarté, la méthode doivent tenir à être le vrai des choses, alors qu’au contraire le désordre, le chaos, l’imprévu n’apparaissent que dans un monde faux. Il ne s’agit là d’un préjugé moral ». Tandis que le physicien Ilia Prigogine ajoutait - et c’est là l’essentiel que devraient assumer les Merkel, Sarkozy et autres Poutine - : « les promoteurs de l’ordre ne sont que des créateurs de désordre ».
Le grand corps malade global est certes infecté d’une contradiction quotidienne entre un désir d’ordre et une pratique généralisée du désordre. Alzheimer ayant rejoint le Cancer, l’instant ayant remplacé l’Histoire, les dirigeants modernes oublient désormais que c’est la connaissance du passé et l’espoir d’un futur meilleur qui sont les moteurs essentiels de l’humanité. En occultant l’un et l’autre ils créent un mode sordide, une dystopie inhabitable, un non sens, qu’il faudra bien affronter en 2012.
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