27 mars 2007, Gare du Nord (1) : avait-on assisté à une journée de cristal ?
Ce que je vais vous raconter maintenant, cela fait cinq ans que je l'ai découvert. Cinq années pendant lesquelles j'ai largement eu le temps d'analyser tous les documents collectés le lendemain de l'événement et dont beaucoup ont disparu depuis, le net ayant été nettoyé au Karchër de ces vidéos ou de ces photos compromettantes. D'aucuns ont veillé à les sauvegarder (*), malgré les vigilants qui ont régulièrement déplacé les fichiers. La Gare du Nord, présentée en mars 2007 comme ayant été saccagée par une horde de jeunes de banlleue l'a été en fait en en un temps record, en moins d'une demi-heure par deux, voire trois au maximum duos de trentenaires extrêmement bien organisés, "travaillant" toujours par deux, sans que des policiers pris en photos à leurs côtés ne bronchent pour les arrêter ! A regarder attentivement ces documents sidérants, on s'aperçoit que la Gare du Nord a été dévastée par tout autre chose que ce qu'on nous avait décrit le soir-même à la télévision. Cette casse organisée n'a jamais été l'expression d'une émeute spontanée, mais belle et bien une expédition savamment programmée et très bien organisée. Qui avait bien pu fomenter une telle expédition, voilà bien tout le problème...
Je venais juste de rentrer chez moi, après une journée éprouvante de travail, et venais juste d'allumer mon poste de télévision, il était alors passé 20 heures. Les images se bousculaient, ce 27 mars 2007. On y parlait d'émeute, une émeute de grande proportion que je prenais donc en cours, qui durait depuis plusieurs heures, d'après ce qu'on disait, car elle avait débuté dans l'après midi à la Gare du Nord, à Paris, vers 16H30. L'atmosphère décrite alors était véritablement très étrange : les premières images sur lesquelles j'étais tombé (de France2) montaient des hordes de CRS chargeant... dans des couloirs vides. D'instinct, je m'étais dit,"tiens une "répétition" , ou plutôt une séquence filmée à la demande : le cameraman était arrivé trop tard et avait demandé à la troupe de bouger un peu pour ne pas revenir à vide devant son rédac-chef", sans doute. Des petits arrangements, plus fréquents qu'on ne pense... L'impression d'assister à un tournage, plus que d'un direct. Peu de temps après revenait sur d'autres chaînes les images des dégâts, assez conséquents, semblait-il... en réalité énormément de bris de verre, qui sont toujours très impressionnants, visuellement, à vrai dire, et qui au final s'avèrent toujours moins graves qu'on ne l'imagine. On y parlait aussi en vrac de saccages de magasins, dont un de téléphonie et un de vente de chaussures de sport (un FootLocker avait été entrevu, vidé d'une partie de ses cartons). A 20 heures, en prime, l'émeute n'était toujours pas terminée apprenait-on. Plus tard, j'apprendrais qu'elle aura duré huit heures selon certains témoignages, ne se terminant pas avant une heure du matin. Étrange événement qui semblait ne pas avoir de fin.
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais cette histoire d'émeute de gare, là, je l'avais trouvée tout de suite disons, euh... très bizarre. Par l'étendue médiatique disproportionnée qu'elle a pu prendre aussi rapidement, au regard de ce qui était au départ une simple interpellation de voyageur n'ayant pas payé son ticket. Là-dessus, au moins, tout le monde était d'accord, y compris le principal intéressé, d'après ses propres déclarations, recueillies plus tard dans le journal Le Monde (dans un texte aujourd'hui disparu) ou celles de son avocat, ou encore celles de la police : là, au moins, sur le sujet il y avait bien eu unanimité : un passager du métro (un noir) avait bel et bien resquillé au passage d'un tourniquet de la RATP, à la Gare du Nord, à Paris, aux environs de 16h30, ce 27 mars, et s'était ensuite rebellé, une fois arrêté par des agents du Métro (et non des policiers). Des agents que l'on retrouvera un peu plus tard photographiés arborant d'étranges tatouages, parfois. Que l'arrestation ait ensuite mal tourné en raison du personnage, qui n'était pas un ange, d'après son dossier judiciaire, très vite fourni par le parquet (il avait eu 22 condamnations préalables avait-on appris !), ou de l'attitude de la police, le débat peut continuer aujourd'hui encore encore pendant des années. C'est surtout ce qui s'est produit après, qui m'a posé question. Et par là, je veux parler des proportions médiatiques que cette simple arrestation unique au départ avait prise (il n'y a qu'un seul délinquant à l'origine et non une bande de resquilleurs, autant le rappeler). Tout s'était enchaîné paraît-il : les passagers ayant pris fait et cause pour ce fameux resquilleur, une échaufourrée était vite apparue, "200", puis "400" personnes s'étaient regroupées progressivement dans la gare, en même temps envahie par une compagnie complète de CRS (le CdS** en fait) qui avait surgi dont ne sait où et qui s'était très lentement déployée dans toute la gare (ce que des jeunes présents filmeront longuement, ce que nous verrons plus tard). Intrigué, je le serais plus tard encore par d'autres photos, comme celle de "casseurs" impassibles, plus âgés, ne cassant pas et portant anorak visible de très loin... Pour avoir connu pas mal de manifestations, en qualité de syndicaliste, ce genre de présence par trop visible, mon instinct me disait ce que ça pouvait représenter. Une infiltration policière bien classique, sans hésiter. D'où le doute immédiat, sur ce qu'on me racontait la veille dans mon téléviseur. Un doute qui irait se renforçant dans les jours qui suivront à la lecture de nouveaux documents sur l'événement.
Une description assez précise avait été faite une fois l'émeute passée, par un site de gauche extrême, au langage plutôt fleuri ("flic", "keuf", "condé", "pompes", etc) : « Pour ce que l'on pouvait en voir vers 22h, on pouvait se douter que ça n'avait pas été de tout repos... L'odeur persistante de gaz lacrymos n'a pas réussi à disperser les petits groupes. On apprend qu'un magasin de pompes "Foot Locker" a été défoncé et pillé un peu plus tôt. D'autres magasins et du mobilier ont également été attaqués. Des commentaires au marqueur inscrits sur les murs. Des caméras de vidéosurveillance unidirectionnelles ont été débranchées, et des caméras type "360° boule noire" tout simplement défoncées (ici en photo en haut à gauche). Des gros pots de fleurs (50 cm de diamètre) ont été balancés, du rez-de-chaussée au 2ème sous-sol, a priori sur les "flics" (la séquence, filmée, montrera qu'on avait échappé en effet de très peu à un meurtre de policier !)... En fait, il n'y aura-heureusement- qu'un seul pot de jeté (du deuxième étage). Un local d'accueil et d'information" de la SNCF est défoncé, ses ordinateurs et autres machines sont extraits et éclatés au sol par de joyeuses jeunes filles. Charges sporadiques, recul, puis reformation des petits groupes d'insurgés... Ainsi, face-à-face tendu pendant près de 5 heures" nous avait raconté le site Indymedia.. qui avait tout de suite perçu le côté systématique des dégâts produits, notamment les casses de caméras de surveillance, toutes "pointées" consciencieusement par les émeutiers. Phénomène plutôt rare dans les manifestations.
Un site qu'avait intrigué tout de suite le nombre effarant de policiers présents et l'inquiétante absence de blocage du flux du RER qui remplissait régulièrement la gare de badauds : « La police malgré un très fort dispositif (une estimation à 300 "keufs" tout compris semble vraisemblable) à plus que du mal à repacifier la gare. Elle se retrouve coincée entre y aller avec la manière forte et l'impératif de ne pas couper le trafic totalement [les lignes 4 et 5 du métro ont été stoppées ou sommées de ne pas s'arrêter en gare du Nord, ainsi que les lignes B et D du RER, mais pas celles des trains SNCF de banlieue]. Elle laisse donc passer plein de voyageurs toutes les 5 minutes, ce qui remélange la foule à chaque fois : des nouveaux voyageurs s'arrêtent eux-aussi indignés, stagnent, insultent les flics, à l'image de ce "père de famille" black en costard qui leur lance un truc à la gueule en les injuriant... L'environnement n'est pas facile à maîtriser pour les "condés". Mais pour les révoltés non plus : sensation d'être pris dans un bloc de béton avec des "keufs" partout, des "journaleux" avec leurs putains de caméras partout, de la vidéosurveillance à tous les étages... Tiens, un "keuf" passe avec une de ses collègues - en piteux état - sur le dos ! Tiens, un (micro-)départ d'incendie nécessite l'intervention des pompiers ! Les "keufs" semblent plus avoir pour consigne de reprendre le terrain que de faire des prisonniers : pour preuve, lors d'une charge, ils chopent une petite dizaine de personnes avec passage de menottes et coups de lattes dans les côtes, puis ils les relâchent sur ordre d'un sergent (ou je ne sais quoi) qui explique qu'ils sont là pour charger, pas pour faire des arrestations". Bref, l'atmosphère surréaliste suintait de partout, ce jour-là, dans cette gare doublement bondée de passagers... et de policiers. Dont un " sergent" cité par Indymedia, qui, on va le voir, est... une femme, en fait un commissaire de police (au demeurant fort télégénique, on reparlera d'elle plus loin). Chez Indymediia, on avait relevé tout de suite un comportement bizarre de la police pourtant présente en masse. Elle n'arrêtait pas beaucoup de casseurs. Et prenait plutôt la pause, devant les objectifs (avec la fameuse commissaire à droite, Rachel Costard) :
Chez Indymedia toujours, on trouvera un compte rendu assez précis de ce qui s'était passé à la fin des hostilités, qui s'étaient terminées... dans les rues avoisinantes , malgré la forte présence de la police : « Petit à petit, les "flics" parviennent à reprendre l'ensemble des sous-sols pour enfin réussir à sortir tout le monde hors de la gare sur la grande place devant. Charge. Une petite cinquantaine de personnes décident de bloquer le croisement de la rue du Faubourg Saint-Denis et de la rue Lafayette. Un bus est bloqué. Il est question ou non de le défoncer, et il repartira quelques minutes plus tard. Entre temps, une "pétroleuse" trouve un vieux canapé défoncé, le pousse au milieu du carrefour et y met le feu. Petite barricade enflammée rapidement alimentée par des portes et autres planches de bois trouvées à proximité. Une voiture de "keufs"passe seule à proximité. Elle échappe de peu (quelques secondes près) à la haine d'une vingtaine qui la poursuive un peu en retard. Des renforts de "bleus" arrivent : dix camionnettes arrivent en trombe. Le petit groupe des derniers révoltés se barrent dans une petite rue, montent une petite barricade faite de matériel de chantier. Une caisse de civils arrive par une autre rue en trombe en gazant par la fenêtre. Fuite vers gare de l'Est. Fin des festivités... À priori". Le mystère continuait avec ces "petits" incendies de rue laissés entretenus ou ces "petites " barricades laissées se mettre en place, malgré un dispositif policier considérable déployé. Drôle d'émeute !
Etrange émeute, donc, qui avait perduré jusqu'au dehors de la gare, donc, malgré le nombre important de policiers qui chargaient sans charger, ou n'effectuaient pas d'arrestations, ou fort peu (on verra en vidéo que si, mais elles étaient très ciblées). Ce qui "n'allait" pas davantage, en plus, c'était l'interprétation rapide qui avait été faite de l'événement par des hommes politiques, dont un surtout, dont on connaissait déjà le penchant pour l'état d'esprit sécuritaire. Nicolas Sarkozy, bien entendu. En résumé, ayant démissionné la veille de son ministère pour devenir candidat à la présidentielle, l'histoire tombait bien, pour lui, comme l'avouait candidement d'ailleurs le jour même le futur ministre Devedjian, qui savait lui aussi ce qu'est une manifestation, comment elle se déroule et comment... on peu la fabriquer, ou comment on peut y introduire certaines personnes pour attiser les tensions, ce qu'on appelle aussi plus simplement une provocation. Cet ancien membre du groupe Occident (d'extrême droite) à une époque, avait fait avec ses amis de l'époque, dans la manifestation musclée (et même le sac d'une Faculté (***), et d'autres faits condamnables, selon son cursus judiciaire chargé). Or l'analyse après coup des images de cette prétendue émeute urbaine posait bien de nombreuses questions, comme nous allons le voir juste après.
Tout d'abord, faisons un petit retour en arrière et reprenons le cours des choses qui avaient précédé cet événement. Ce jour-là, nous avions eu la veille même la déclaration de candidature à la présidence, d'un ex-ministre de l'intérieur, qui, on le sait, était déjà à l'époque un gros consommateur de sondages. C'est un peu d'ailleurs son programme, aujourd'hui encore : il n'en a pas véritablement, ou n'en a jamais eu de précis, c'est d'ailleurs pour ça qu'il est le dernier à l'imprimer noir sur blanc, et qu'il fonctionne depuis le début de chaque campagne avec une seule méthode, celle de remplir les écrans de télévision à coup de déclarations péremptoires, sans que ses déclarations ne soient suivies obligatoirement de faits ou de vérifications par le monde journalistique. Ça donnait en 2007 "j'ai fait 212 voyages en banlieue", puis 209, et une autre fois c'est "57 seulement" : aucun des chiffres donnés n'étant le bon, lui seul sachant le nombre de fois exact. Les voyages en banlieue d'un candidat à l'élection présidentielle ne se notant pas sur un calepin de journaliste comme le nombre de sous marins nucléaires dont dispose la marine nationale. L'idée, en fait, qui prévalait chez ce candidat, à cette époque comme maintenant, c'était dejà de marteler quelque chose, car à force, se disait-il, cela devrait bien rentrer dans le crâne des gens. Une technique connue, inventée par un autre. En résumé, avec lui, tous les mensonges devenaient possibles, pour paraphraser son slogan de campagne ! En 2012 il fera la même chose encore avec le taux variable chez lui de l'inflation espagnole, au chiffre changeant à chaque interview différent. Le must étant la fameuse "baisse de l'augmentation du chômage" (sans oublier ses "phrases du siècle" relevées par Canal + !) Voilà pour ses propos. En revanche, ses communiqués d'alors étaient le plus souvent repris à la lettre, sans être remis en cause la plupart du temps par une presse qui n'avait pas encore compris à qui elle avait affaire réellement.
L'unité de propos des médias le lendemain du saccage de la gare (ils racontaient tous la même version, à l'exception des sites d'extrême gauche comme Indymedia) évoquaient en effet une possible manipulation de ces mêmes médias ; par envois de communiqués de "mises au point" en forme "d'éléments de langage" de staff politique." L"idéal, c'est que la presse soit organisée avec une telle finesse qu'elle soit en quelque sorte un piano sur lequel puisse jouer le gouvernement " avait l'habitude de dire un des rois de la propagande. Il semblait que l'on avait pris 'le même chemin. Au lendemain des événements, la liaison directe entre un sondage flatteur pour Nicolas Sarkozy et ces événements survenus peu de temps auparavant, sur lesquels il s'appuyait avec force et insistance, m'intriguait fortement, donc. Le problème, surtout, c'est qu'historiquement, le même maître de la propagande allemande pour parvenir à ses fins, avait mis en place en son temps une technique qui consistait à casser beaucoup de vitres... pour en accuser d'autres. Voilà une coïncidence plutôt fâcheuse et dérangeante, en effet. Je ne vous rappelle pas ce jour, celui du 9 novembre 1938. On l'a appelé historiquement "la Nuit de Cristal". Aurait-on succombé en 2007 en France à la même tentation manipulatrice, mais en plein jour cette fois ? La question avait le mérite d'être posée. Je ne serais pas le seul à le faire. Un an plus tard, Emmanuel Todd avouera se l'être posée au même moment (****) : "l'agent provocateur, après tout, est une figure familière dans l'Histoire" nous dira-t-il. Laissant entendre que la Gare du Nord avait bien été l'objet d'une fabrication événementielle voulue et souhaitée par... le dévoreur de sondages. Todd nous ne nous avait pas rappelé les exploits de Goebbels pour rien, semble-t-il.
Personnellement, je n'osais y songer, mais c'était l'impression sur l'ensemble qui m'avait personnellement alerté : non seulement l'événement en lui-même, qui était très inquiétant, mais surtout l'attitude de la droite juste après m'avait choqué. Car qu'entendait-on et que voyait-on dès le lendemain à propos des événements : finalement assez peu de photos ou de reportages poussés sur ce qui s'était passé, mais surtout les résultats d'un sondage... qui n'avait pu être fait que difficilement, logiquement, dans un délai aussi court. Le même personnage célèbre déjà cité avait précisé que la propagande devait "s'appuyer sur des médias uniformes dans les principes, polyformes dans les nuances". Or, ici, c'était exactement le cas, et c'est bien ça qui m'avait inquiété : les divers reportages vus ou lus donnaient à première vue une impression de variété assez grande, et non d'une unité entre eux. Mais à partir de ce corpus médiatique, tous les journalistes disaient et répètaient la même chose... à quelques (petites) nuances près justement. Et ce qu'ils répètaient tous sans exception, c'est que c'étaient bien des jeunes, plutôt venus de banlieue, qui étaient les seuls à l'origine des dégâts au sein de la Gare du Nord.
Or, à l'évidence, ce n'était pas vrai, comme on peut aujourd'hui le démontrer sans difficultés grâce aux preuves depuis réunies. "Plus le mensonge est énorme, plus les gens y croient.", affirmait en écho notre responsable de la propagande allemande... et ici aussi, il s'agîssait bien de mensonges, car nous en avons les éléments photographiques contraires et vidéos opposées, enfin rappellées ici cinq ans après les faits (Todd ayant regretté que les jounrnalistes, sur le sujet, n'avaient pas selon lui assez enquêté). Ce crime de lèse-démocratie à donc bien un auteur, ou des auteurs, et des organisateurs, car, c'est bien connu, lorsqu'il y a crime, il s'agit avant tout de savoir à qui il profite. Qui donc a saccagé la Gare du Nord en 2007 prend aujourd'hui, la veille de second tour d'élection présidentielle, une importance majeure. Il y a cinq ans, on avait effectivement cherché à tromper les gens, par une véritable expédition provocatrice téléguidée. Et ça avait plutôt bien marché, politiquement, comme résultat, nous avait dit le même Emmanuel Todd : "au soir du premier tour de l'élection présidentielle, le sondage TNS Sofres dit de "sortie des urnes" indiquait que ce qui avait le plus influencé le vote des électeurs de Sarkozy était, mentionné par 43% d'entre eux, le choc de la gare du Nord". Une image résumait à elle seule l'utilisation de ce saccage par la vie politique : celle d'un casseur, soigneusement encapuchonné, s'apprêtant à fracasser une vitrine publicitaire contenant une affiche avec les trois principaux candidats, qui se demandait "qui est le meilleur". A ce moment-là, rien n'était encore joué pour Nicolas Sarkozy.
Dans ce cas de figure, ça avait été en effet rondement mené, en tout cas. En fait, question interprétation des événements, la propagande venue "d'en haut" avait été mise en marche très vite, à peine les faits révélés. L'objectif étant de tâcler au plus vite le PS sur ses propositions sécuritaires, une nouveauté chez lui avec sa candidate, et ses déclarations sur le redressement des jeunes délinquants.. Le surlendemain même donc, un surprenant sondage nous apprenait, je cite, que l'homme le plus a même de résoudre les problèmes d'insécurité n'était autre que.... Nicolas Sarkozy, pébliscité par 43% des sondés ! Un score énorme, donc, comme l'avait aussi noté Todd. La veille, déjà, notre homme avait vilipendé sa concurrente (Ségolène Royal) sur le même thème, l'accusant même directement d'être "du côté de ceux qui ne paient pas leur ticket" : c'était nettement le PS qui était visé, présenté par tous les intervenants de l'UMP comme bien "trop laxiste avec la délinquance". Un véritable bombardement médiatique venu de l'UMP avait suivi. Ségolène Royal n'obtenant qu'à peine 15% à la question posée dans ce fameux sondage, et son résultat était martelé partout par tout le staff de l'UMP. Chez les "jeunes pop" (les jeunes sarkozystes) c'était Royal qui en prenait pour son grade, encore et toujours : un objectif avait clairement été fixé par son adversaire, et les événements de la Gare du Nord y jouaient un rôle.
Mais il n'y aura pas qu'à l'UMP : à l'extrême droite, toujours à l'affût du moindre accroc, c'était du pain béni pour le FN ou les identitaires qui commençaient juste à pointer leur museau. Chez Reddeker, le prétendu "philosophe", on aura le droit à un texte épique, stigmatisant comme à l'habitude chez lui... les musulmans. Un des chapitres de cet interview imaginaire confondant s'intitule par exemple "Rencontre avec Hubert P., 17 ans, casseur musulman amateur issu des « quartiers ». Comment a-t-il déterminé la religion des casseurs en capuche, c'est tout l'art de la désinnformation à la sauce Reddeker. En fait son texte provenait de Ring, un site d'extrême droite fondé par David Kersan qui sera invité en 2011 à la table de Nicolas Sarkozy pour un dîner privé (l'illustration est empruntée au Nouvel Obs). Ce texte ahurissant imaginera aussi un CRS au poignet cassé, ce qui ne s'est pas produit ce jour-là, clamant un propos infect : "Huit points de suture au niveau de l'arcade sourcilière et un poignet cassé. Nous avons été pris en tenaille par des groupes de jeunes ultra-violents, issus de l'immi... euh... par des groupes de jeunes issus des quartiers « défavorisés », qui nous ont lancé des projectiles, dans le but de nous tuer... de nous tuer tous, en masse, du genre génocide quoi... - Ring : Avez-vous entendu des cris racistes du côté des manifestants ? - Jean R : Nous avons entendu « Sales blancs, on va tous vous niquer ! » et des propos du même genre... ça a surtout brisé le coeur de bon nombre de mes collègues issus des territoires d'outre-mer". Depuis les années 30, on n'avait pas lu en France pareille propagande éhontée : présenté comme des témoignages réels, ce torchon véritable avait en exergue "ce texte est une fiction, certes,mais dans ce monde l'imagination est parfois plus garante que la vérité elle-même..." On était bien dans le domaine de la propagande, celle de l'extrême droite raciste et xénophobe qui cherchait à manipuler l'opinion. Une offensive était clairement en marche : la photo du blog de Reddeker était la même (mais symétriquement retournée) que celle qu'utliserait pour sa propagande Nissa Rebella, groupe identitaire niçois xénophobe dirigé par Philippe Vardon, présent en 2008 à la librairie du Paillon, à Nice, à une dédicace d'ouvrages de la Waffen SS, soi-disant opposé en 2010 à JM LePen pour soutenir en 2012 sa fille. En 2007, la collusion Nicolas Sarkozy-groupes extrémistes de droite existait donc déjà. Et le responsable du bloc identiaire condamné aussi depuis longtemps à Aix en Provence pour négationnisme (des "faurissonniens en culotte courte à la bibliothéque bourrée de littérature pro-nazie" avait écrit Nice-Matin lors de son arrestation !).
Sachant qu'un sondage sérieux pouvait difficilement se faire et s'organiser dans un délai aussi bref, on pouvait facilement en conclure que ses conclusions étaient connues avant le jour de l'émeute de la Gare du Nord. Et qu'en connaissance de cause, il suffisait de raviver dans le débat la question, avec les moyens les plus classiques de la propagande, à savoir... la manipulation des faits, pour aboutir au même résultat.
Le problème, on l'a vu, en effet, c'est que cela rappelait inévitablement une manipulation historique dans laquelle également beaucoup de verre avait été cassé. Etrange et inquiétante reminiscence en effet. Lors de la célèbre Nuit de Cristal, en 1938, en Allemagne, on avait vu détruire des magasins et des maisons appartenant à des juifs pour mieux... les taxer ensuite d'une amende d'un milliard de marks "pour les désordres causés" et jeter l'opprobe sur eux, le début de l'enchaînement qui conduira à ce qu'on sait en histoire. Pour mémoire, ce furent des SA (Sturmabteilung ou SA (mot allemand pour « Division d'assaut", organisation paramilitaire du NSDAP, le parti nazi) déguisés en civils, qui avaient cassé les carreaux. Aurait-on assisté à la même méthode, envisagé par l'homme clairvoyant qu'est Emmanuel Todd, voilà bien tout l'enjeu, gravissime, je l'entends bien, cinq ans après les faits. Mais on n'en avait en pas la preuve, à ce moment là de l'affaire, et donc ce n'était encore qu'une suspicion, sans plus. En fait, il ne faudra pas attendre beaucoup pour la dénicher. Cette fameuse preuve.. Dans un endroit inattendu, ce qui était la grande surprise de cette enquête, débutée, je vous le rappelle, dès le lendemain de l'affaire.
Casser des carreaux, donc, une méthode historique pour obtenir l'assentiment d'une nation quand celle-ci hésite encore à suivre, ou résiste encore un tant soit peu à la propagande officielle. La tentation était très grande d'agir ainsi dans une élection qui s'annonçait comme serrée. Les faits s'étaient déjà produits, historiquement, et l'on pouvait avoir de sérieux doute cette fois-ci sur la "spontanéité" à réunir aussi rapidement plus de 300 policiers (nous verrons demain d'où ils sortaient) pour les voir aussi peu efficaces. Pour réitérer "l'expérience" de 1938, il suffisadonné effet de trouver un emplacement propice, ou l'on pouvait facilement réunir les personnes sur qui on aurait pu rejeter la faute. On pensait immédiatement à la banlieue, puisque ce sont ses habitants sur lesquels le pouvoir en place voulait à l'époque mettre la pression médiatique en vue de la prochaine élection (depuis 2005 il en était ainsi). Interdit de séjour sur la dalle d'Argenteuil, où il avait sorti le mot "racaille", ultime humiliation ( il n'y reviendra plus pendant la campagne alors qu'il avait promis et fanfaronné de le faire) le candidat Sarkozy n'avait pas oublié son Karchër de service, et semblait avoir une rancœur tenace sur le sujet, qui aurait pu suffire comme motif à décider une telle opération. Mais on se heurtait là à un phénomène particulier : des émeutes avaient déjà eu lieu deux ans auparavant, et selon la propagande officielle, tout est désormais maîtrisé. En reproduire à nouveau aux mêmes endroits aurait été se dédire. Nicolas Sarkozy, présenté comme le "dompteur" des émeutiers de 2005, ne pouvait recommencer au même endroit. Comment donc réunir en peu de temps le maximum de "banlieusards", puisque tel est leur nom également ? Mais pardi, dans une gare ; où il étaient bien obligés de se rendre tous les jours (pour aller gagner plus !) ! Restait plus qu'à effectuer une mise en scéne adéquate, avec force fourgons de policiers sur-armés positionnés pas très loin (venus on va le voir pour... tourner un reportage prévu de longue date pour une chaîne TV !) et le tour était joué. Mais surtout également de lancer ou de laisser passer quelques casseurs, similaires à ceux que l'on a retrouvés récemment encore), qui se chargeront de faire le plus de dégâts, le plus rapidement possible et à l'insu des caméras de télévision (en veillant à supprimer aussi celles de surveillance), des objectifs qui ne seront elles rameutés qu'après que la mayonnaise aît pu prendre, à savoir celle fournie par nos fameux banlieusards débarqués par trains entiers pour venir défendre un des leurs, sévèrement secoué par de vrais surveillants de sécurité de la RATP.
Impensable scénario ? Historiquement la probabilité existait, en tout cas. De faux casseurs, depuis mai 1968, ce n'aurait pas été la première fois qu'on en aurait utilisé, en France. En octobre 2010, on en retrouvera d'autres, filmés en pleine action, boulevard Diderot à Paris, Le témoignage impressionnant d'un passant avait montré que cela semblait autant exister en 2010 qu'en 2007 : "Nous étions dans un café avec ma femme et ma fille après la manifestation. Quand j'ai entendu du bruit, je suis sorti et vu le cortège qui approchait avec des pétards et des fumigènes. J'ai vu un homme cagoulé commencer à détruire la vitrine. Je croyais qu'il était jeune et je n'ai pas réfléchi, je suis intervenu. Un lycéen ou un étudiant, même avec une barre de fer, ça ne me fait pas peur. Mais c'était un homme, dans la trentaine, et il a été sidéré de mon intervention."
Après coup, plusieurs points lui "semblent bizarres" à ce citoyen-intervenant, venu empêcher le casseur de faire son œuvre : "Le "ninja" qui m'a frappé dans le dos ne m'a pas fait mal du tout, le coup n'était pas du tout fort. Après, plusieurs personnes se sont mises autour de moi et m'ont donné des coups pas violents du tout, quasiment des faux coups, jusqu'à qu'une voix autoritaire dise "Lâchez-le". C'était l'homme au visage découvert, qui a ensuite parlé à ma femme et ma fille, qui avait la main en sang pour s'être pris une bouteille de bière lancée par un casseur. J'ai eu l'impression que les gens qui m'ont entouré m'ont en fait protégé pendant le moment violent. Mon hypothèse ? C'était des policiers qui avaient des consignes pour laisser faire des dégâts matériels, mais surtout pas de blessés." Des policiers, infiltrés depuis un bon bout de temps au sein même de la manifestation qui avait dégénéré : "Pour un des "riverains" du site, les choses sont en effet claires. Il s'agit d'un homme ayant participé au "cortège sauvage". Dans les commentaires, il répond à Sophie de Quatrebarbes (la fille citée au début), en lui rappelant qu'ils se sont parlé samedi."Sur le passage avec ton père, les 3/4 au moins des gens qui se sont mêlés à l'embrouille étaient des flics, affirme-t-il. C'est triste à dire mais dans le cortège il y avait un bon tiers de civils infiltrés, ils ont d'ailleurs tous sortis leur brassards au moment de l'entrée de la manif dans l'opéra, c'était impressionnant, on pensait être entourés de camarades et en fait on était limite en minorité..." sur les images, très questionnantes, l'intervention à la "Ninja" d'un des prétendus casseurs, qui, juste auparavant avait écarté la foule d'un maniement de bâton démonstratif, révélait que ce fameux bâton ressemblait comme deux gouttes d'eau à un "Tonfa" , l'appellation contrôlée du matériel de la police.
Même chose encore le 19 octobre 2010 à Lyon, où des policiers de la BAC, munis de leur matraque à peine dissimulée le long de leur manche, ont retenu des manifestants cégétistes derrière une porte. Eux-même s'étaient affublés d'auto-collantds syndicaux pour passer inaperçus parmi les manifestants : des provocateurs, des briseurs de manifestation. On a toujours su que le nouvel homme fort du pays avait une dent contre le syndicalisme (il l'a redit récemment avec son premier mai "vrai"), cette-fois là, la dent était visible de loin, une caméra ayant réussi à saisir la manœuvre. Aurait-on eu droit aux mêmes, où à leurs collègues, trois ans auparavant, Gare du Nord, ? Terrible scénario qui m'avait alors effeuré l'esprit, tant j'avais de doutes sur ce que j'avais pu découvrir.
Nicolas Sarkozy avait-il succombé à la tentation d'organiser "sa" propre journée de cristal ? Tout le laissait croire, en effet. Mais pour l'affirmer, il fallait des preuves, me direz-vous.... c'est ce que je vous propose de découvrir en détail demain, car des preuves, il y en avait. Plein. Et pas néssairement non plus là ou vous et moi les auriez attendues... Emmanuel Todd pouvait bien déplorer il y a quatre ans que les médias n'avaient pas suffisamment fait d'investigations sur cet événemet majeur de la campagne électorale de 2007, déjà bien entâchée de malversations qui se font jour un peu plus davantage. C'est exactement ce que je vous propose de faire en détails dès demain : les faits sont en effet accablants.
(*) notamment ici :
http://berthoalain.wordpress.com/2008/03/16/gare-du-nord-27-mars-2007/
(**) la CdS ou Compagnie de Sécurisation est assez particulière : il devait y en avoir 23, il y en a que dans 7 départements. Mieux : la première, celle que l'on voit dans le reportage sur les émeutes, n'avait pas été installée officiellement à la date de l'émeute ! "Le projet initial de développer 23 compagnies en appui des UTeQ a toutefois rapidement marqué le pas. Certes, une compagnie de sécurisation, composée de 150 policiers, a été installée à Paris le 8 décembre 2008 par le ministre de l'intérieur, au sein de la direction de la police urbaine de proximité, sous la responsabilité du préfet de police. Une compagnie de sécurisation comprenant 113 personnels a également été installée à Bobigny le 30 septembre 2008, dans le cadre du plan de cohésion pour la Seine-Saint-Denis, susceptible d'intervenir également à Rancy, Saint-Ouen, Villetaneuse et Noisy-le-Sec, mais les compagnies de sécurisation n'ont finalement été créées que dans sept départements (Seine-Saint-Denis, Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Essonne, Bas-Rhin, Yvelines, Val d'Oise). La création de plusieurs autres compagnies, pourtant annoncée, a été annulée. En outre, les effectifs ont souvent été très inférieurs aux 100 personnels initialement prévus."
(***) "Selon le journaliste Frédéric Charpier, repris par le quotidien Libération, Devedjian est membre de ce mouvement au moins jusqu'en janvier 1967, son éloignement d'Occident étant dû au climat délétère qui règne en son sein à cette époque. Il est accusé d'avoir participé en janvier 1967 à un commando d'Occident qui avait attaqué des étudiants d'extrême gauche à Rouen, et est condamné comme « auteur moral » le 12 juillet 1967 avec douze autres militants d'extrême droite pour « violence et voies de fait avec armes et préméditation ». Soupçonné à tort d'être la taupe ayant dénoncé les membres arrêtés, il subit le supplice de la baignoire et le groupe prononce son exclusion en novembre 1967."
(****) Emmanuel Todd, Après la démocratie (2008, p. 151-152 en poche) :
« [...] le 26 mars [2007], Nicolas Sarkozy quittait le ministère de l'Intérieur. Le lendemain, à la gare du Nord, des affontements spectaculaires opposaient bandes de casseurs et forces de police. Au soir du premier tour de l'élection présidentielle, le sondage TNS Sofres dit de "sortie des urnes" indiquait que ce qui avait le plus influencé le vote des électeurs de Sarkozy était, mentionné par 43% d'entre eux, le choc de la gare du Nord.
L'enchaînement des faits, leur importance obligent à s'interroger (ce que la presse n'a pas fait) sur la spontanéité de ces affrontements. L'agent provocateur, après tout, est une figure familière dans l'Histoire. [...] l'épisode de la gare du Nord a joué un rôle central dans la campagne présidentielle. Jamais Nicolas Sarkozy n'aurait atteint 31% des suffrages au premier tour sans le climat de fièvre qu'engendra cet évènement, pas seulement en lui-même mais aussi et surtout parce qu'il rappelait la grande flambée des banlieues survenue 17 mois auparavant. »
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