27 mars 2007, Gare du Nord (2) la bourde du Figaro
Le doute s'est installé très vite, comme j'ai pu vous le dire hier, sur les événements de la gare du Nord de 2007. Le décalage entre les images copieusement montrées dans les téléviseurs et les faits réels était trop grand : très vite le doute s'était installé sur la personnalité réelle de ceux qui avaient ravagé une gare... en aussi peu de temps. Car l'autre décalage perceptible était aussi une question de timing : sur les huit heures et demie qu'auraient duré les émeutes, qui ne se s'étaient terminées selon la préfecture qu'à une heure du matin, seule une demi-heure en fin d'après midi avait suffit à un véritable commando organisé pour provoquer le maximum de dégâts visibles, à savoir des bris de verre et le sac d'un seul magasin. Etonnante découverte ! Un saccage où, très vite, est apparu un personnage saisissant : un grand blond au crâne rasé, abondamment filmé en train de casser une vitrine ou des cadres d'affichages publicitaires... sous le regard impassible de forces de police ou de sécurité de la RATP. Etonnant personnage, qui sera l'objet de la "une" étonnante d'un journal entièrement dédié à la campagne de Nicolas Sarkozy : le Figaro, qui, en le mettant en évidence, venait de commettre l'une des plus grandes bourdes de sa carrière. Ce n'est pas le moindre des découvertes étonnantes de cette étude....
A vrai dire, à ce moment-là ; j'étais encore loin d'être arrivé à cette effrayante conclusion de l'organisation d'une "journée de cristal" : le sujet m'effrayait, en qualité de démocrate : "On n'a quand même pas osé" me disais-je encore à ce moment-là. Tout ceci ne pouvait être qu'élucubration, pensais-je encore... car je n'étais pas encore entré en possession, à ce moment précis, d'une preuve flagrante (et imprimée, et d'autres après, en vidéo) de l'hypothèse avancée hier, que je trouverai quelques jours plus tard, par pur hasard. Automatiquement, vous vous dites déjà qu'il ne fallait pas, effectivement, aller la chercher dans les montages télévisuels officiels relatant les faits, les caméras étant apparues après le début des rixes, semble-t-il. Non, ces preuves, c'était du côté des photographies qu'il fallait aller les rechercher. Les photographes professionnels présents dans le quartier avaient vite accouru, attiré par les téléphones portables des banlieusards ou par l'écoute des fréquences des policiers, voir des appels de policiers eux-mêmes, et le désir de faire un scoop (un cameraman, Olivier Rotrou, de l'agence MoasPress, témoignera chez Daniel Schneidermann d'avoir ainsi été averti par une source-certainement policière- qu'il n'avait pas voulu nommer). Et cette preuve formelle (et pas celles qui vont suivre), je la trouverai par hasard chez mon kiosquier habituel, et non pas nécessairement dans les magazines d'extrême gauche, ni dans les sites alter-miondialistes. Non, chose sidérante, la preuve, flagrante, indubitable ; avait été imprimée (en couleurs) le 1er avril qui suivait, dans un journal qui ne passait pas habituellement jusqu'ici pour faire dans le canular. C'était en effet en grand au beau mileu du Figaro (pourtant soutien déclaré de Nicolas Sarkozy), dans un dossier central, que s'affichait cet étrange document. On y voyait au premier plan un de ces "vilains casseurs" en plein fracassage de vitrine. Mais il n'était pas seul, pour tout avouer. Et il n'avait pas l'air non plus d'un jeune de banlieue !
Car l'on pouvait remarquer tout de suite deux choses totalement ahurissantes sur ce cliché : notre homme n'était pas un banlieusard maghrébin ou d'un noir d'une vingtaine d'années, mais un solide gaillard... blond, plus proche de la trentaine, le poil plutôt ras, le blouson marron, muni d'un objet ressemblant comme deux gouttes d'eau ... à une matraque réglementaire de la police ! Autour de lui, pas un seul manifestant : que des policiers, ou des agents de sécurité armés, en tout cas trois facilement reconnaissables... à leur uniforme et à leur équipement (on distinguait nettement un pistolet dans son étui sur deux d'entre eux, et un autre en civil passant aux côtés du casseur). Ce dernier était étrangement muni d'une matraque de type télescopique, tenue le long de sa jambe, d'un sac à dos gris et rouge, et semblait pas plus avoir la tête d'un adolescent mais bel et bien celle d'un homme d'un âge mûr, au pas assuré, qui ne se souciait en rien du casseur près de lui. Dans cette photo très réaliste, le surréalisme de la scène explosait à la figure : comment se pouvait-il qu'un homme muni d'une telle arme, suivi à deux pas d'un autre possédant un équipement de même nature (mais de taille moins conséquente) puisse tranquillement détruire une vitrine sous le regard d'au moins trois policiers ou d'hommes armés dans un rayon de cinq mètres... à moins de faire partie du même groupe d'individus, ou de bénéficier d'une impunité pour tout briser ? La position figée du personnage, qui n'est nullement en train de courir, qui n'assure rien de ses arrières, alors que derrière lui, justement, il y en a un autre en train de passe tranquillement et qu'autour de lui n'évoluaient que des policiers, avait de quoi intriguer.
Il se pensait protégé, ce casseur, à coup sûr, durant son méfait. Pour le moins, en effet : on le verra déambuler longuement et tranquillement dans les couloirs de la gare, dans des vidéos faites par les jeunes de passage et même y tenir une conférence entre casseurs, entre deux bris de vitre sur les escaliers roulants ou des incitations à fracasser des équipements, les pieds en avant ! Sur le cliché, on distinguait également le sens du mouvement des personnages : tous se dirigaient vers le fond et la droite de l'endroit où il était, mais lui s'attardait à contre sens, en arrière, à détruire une vitrine, caché par le mur qui la soutenait. Dans le genre "ni vu ni connu", on pouvait parler là de flagrant... délit. Le Figaro avait-il imprimé la boulette du siècle ? Je n'étais pas loin de le penser : mon article proposé ici sur Agoravox titrant "Le Figaro, le meilleur ennemi de Sarkozy" avec cette photo en grand sera tout bonnement... retiré du site, après parution de quelques semaines, pourtant, sans bien sûr mon approbation. Mais après une plainte, pour sûr venu de quelque part... d'indéterminé, preuve que j'avais bien mis là le doigt sur le nœud du problème ! Le Figaro s'était-il rendu-compte que sa mise en page, au lieu de glorifier un sondage flatteur pour Nicolas Sarkozy, ruinait complètement l'opération en révélant des détails trop compromettants ? Pour moi, cinq ans après, ça ne fait plus aucun doute.
Un cliché plus net du même individu confimait encore davantage la présence d'au moins trois policiers dans un rayon de cinq mètres autour de lui : celui qui est adossé au pilier, à droite et dont une vidéo montre l'arme de ceinture, celui en avant qui révèle clairement un pistolet, toujours à la ceinture, et celui avec sac à dos et matraque, un de ceux qui seront vus, munis du même type de sac à dos en train de courir au milieu des policiers appelés en renfort. Plus untriguant encore, le cliché montre une barre bleue déposée négligemment devant la vitrine a casser, pour en signaler la présence. C'est une des barres horizontales de fer dont disposent les guichets de la SNCF pour fabriquer des files d'attente, elles se glissent sur des piliers verticaux. On s'apercevra (demain en détail) que lors de l'expédition punitive de casse de la gare, ces barres seront "scientifiquement" ramassées et disposées par un seul individu, semblant plus âgé, et portant un blouson au logo hautement visible de loin :
c'est celui qui décrira durant tout le parcours des casseurs les cibles à fracasser, ou donnera le "timing" pour le faire, empêchant parfois un des casseurs de rester trop longtemps sur "zone" : c'est à lui que revenait le minutage serré de l'intervention. Et encore une fois, il n'avait rien d'un jeune de banlieue, et davantage celle d'un trentenaire portant blouson et casquette. Dans une autre prise de vue, plus nette encore, on le verra mettre fin à un bris de vitre qui s'éternisait un peu trop, à son goût, toujours avec l'une des fameuses barres bleues dont il gérait la localisation, pendant que le troisième larron applaudissait (l'homme au sac, à gauche). Ce qui était le plus notable c'est qu'il n'y avait aucun look de banlieusard chez ses trentenaires organisés de la fracasse ! Des blonds, crânes rasés, comme on en trouve à foison chez les "gudistes", les groupuscules d'extrême droite si adroits au maniement de la barre de fer leur "arme" préférée avec la batte de base-ball qu'ils n'oublient jamais d'emporter dans leurs expéditions punitives (demandez à Serge Ayoub !). À noter également que la mise en page du Figaro avait "effacé" promptement l'image de la barre de fer bleue, élément vital de l'organisation préalable de cette casse organisée. A noter encore que la photo du fracassage de vitrine illustrait... le résultat du sondage décrit plus haut : les deux événement étaient bien liés depuis le début, comme j'avais pu en avoir l'intuition dès le départ !
Une fois les vitrines savamment brisées, et pas exactement par ceux qu'on avait abondamment décrit dans les téléviseurs, il était donc de bon ton chez certains (de droite) de s'écrier, dès le lendemain même si possible et au même endroit, que les "voyous", les "sans-papiers" et "ceux qui ne payent pas leur ticket" seraient dûment châtiés, et pourquoi pas surenchérir un peu plus tard avec une phrase qui ne manquait pas de sel si la théorie émise se vérifiait : "la gare sera reconstruite avec l'argent de qui ?" (dixit Sarkozy, en visite le lendemain même sur les lieux) ... Une histoire qui tombait donc à pic, en fait, pour lui, comme l'avait remarqué notre ancien casqué frappé de la croix celtique : "cette affaire, c'est bon pour Nicolas : ça met l'insécurité au coeur de la campagne", estimait en effet le soir même son conseiller politique Patrick Devedjian. Une Journée de Cristal, ça aide en effet à convaincre les masses. Revoilà le côté historique de l'affaire qui pointait à nouveau. Casseur de carreaux, un vrai tremplin pour devenir président à poigne ? La question méritait bien d'être posée, à lire un tel empressement à accuser... la gauche jugée trop molle sur le sujet !
Si les candidats du moment (Royal, mais aussi Bayrou) s'étaient tous pleins du "climat" de "violence" du moment, un seul était venu défendre les policiers et leur attitude ce jour-là : Nicolas Sarkozy, ex ministre de l'intérieur, qui avait déballé le grand jeu dès le lendemain matin en visitant les lieux avec le tout nouveau ministre nommé la veille, pour raison de candidature présidentielle.
Un Sarkozy en partance pour Lille en TGV, chose rare chez lui, qui avait tendance à prendre plutôt les Falcon du Glam, le lendemain matin... Gare du Nord, l'occasion inratable pour lui d'enfoncer le clou : "face à ces mises en cause plus ou moins directes sur les conséquences de sa politique sécuritaire et d’immigration en tant que ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a contre-attaqué mercredi. Il a affirmé que les affrontements en question n’étaient pas dû à l’existence d’un « climat » en France mais au fait que « depuis des années, une idéologie post-soixante-huitarde a conduit à tolérer l’intolérable ». A en croire le candidat de l’UMP, « c’est la pensée unique, pensée convenue, pensée qui ne représente en rien les Français, qui essaye de trouver des excuses à un comportement qui est particulièrement inacceptable ». Et pour reprendre la main face à sa principale adversaire, il a même précisé : « Si Madame Royal veut régulariser tous les sans-papiers et si la gauche veut être du côté de ceux qui ne payent pas leur billet dans le train, c’est son droit. Ce n’est pas mon choix. Je suis du côté des victimes ». Ministre ou candidat, Nicolas Sarkozy persiste et signe".
On ne pouvait être plus clair. Le coup de se positionner du côté des victimes, il n'allait cesser de nous le faire une fois devenu président ! C'était déjà une posture chez lui, en 2007 ! Et le coup de Mai 68 (en photo Nicolas Sarkozy à la même époque) comme origine de tous les maux de la terre, il l'utilisera en long et en large dans un meeting sur deux au moins ! Mai 68, où avaient aussi fleuri les barres de fer du GUD... comme quoi l'histoire a toujours quelque chose à nous rapppeler.
Le lendemain du saccage, on appuyait donc fermement sur le champignon victimaire, à l'UMP notamment sur, le blog du jeune chargé de mission en charge de l’inclusion sociale et du numérique, et des questions européennes, le jeune Jeremy Kreins (ici à droite en photo), membre du conseil national de L'UMP, qui décrivait benoîtement ce que Nicolas Sarkozy espérait de cette journée-là semblait-il. Son avis "éclairé" expliquait le but visé par l'opération : "Pour sa deuxième nuit en tant que ministre de l'Intérieur, François Baroin aura eu de quoi faire ! En effet une meute de jeunes délinquants a mis la Gare du Nord a feu et à sang jusqu'à une heure du matin. Le point de départ est en fait un jeune qui n'a pas payé son ticket de RER et qui est arrêté par des agents de la RATP. Sur ce une centaines de racailles ont surgi de partout s'attaquant aux vitrines des magasins puis aux CRS venus en renfort. La petite aventure a duré de 15H à 1H du matin avant que les CRS ne chargent. Instrumentalisation disiez vous ? Je reste persuadé que tout cela a été organisé par la gauche et surtout l'extrême gauche pour "fêter" le départ de Sarkozy et surtout faire un coup médiatique. En tous cas bienvenue François !". Tout mettre au plus vite sur le dos de la gauche, le message était particulièrement bien relayé à l'UMP, qui lorgnait déjà en 2007, sur les lanternes sécuritaires agitées par le FN. Manifestement, l'attaque en flèche sur le débat sécuritaire était bien huilée. Et le mot magique si cher au vocabulaire de l'extrême droite que Nicolas Sarkozy voulait tant séduire (déjà) était ressorti : le mot "racaille". La fameuse "racaille de banlieue", celle qui avait osé défié en 2005 Nicolas Sarkozy.
La machine à broyer l'état d'esprit de l'électeur était en marche. La peur s'invitait une nouvelle fois dans la campagne électorale, sur les pas de "papy Voise" en 2002. Le pauvre homme avait provoqué une telle compassion que les observateurs avaient affimé qu'il avait fortement pesé sur le choix de LePen, qui avait fait toute sa campagne sur le sujet ! Or là aussi, il y avait eu mise en avant d'une affaire qui ne méritait pas une telle notoriété en la période délicate. Etonnamment, le 21 novembre 2011 (soit pas loin de 10 ans après les faits !), Robert Namias, alors directeur de l'information de TF1, avait pourtant fait son mea culpa à ce sujet. Il avait parlé sans hésiter de "faute", ce jour-là, dans un superbe retournement d'idée reçue : TF1, par sa voix, avouait être allé trop loin, un événement suffisamment pour être noté (*). Malheureusement, à propos de cet aveu gravissime, les médias ne feront pas leur travail, encore une fois, en ne répercutant pas cet aveu tardif qui signifiait qu'on avait appuyé fortement sur l'insécurité en fin de campagne de 2002. Que l'on avait donc manipulé l'opinion !!! Il fallait titrer en grandes manchette cet aveu ! Mettre en quatre colonnes : "on avait fabriqué la peur en 2002" !
La machine à broyer l'électorat était donc repartie de même en 2007, avec un Baroin fraîchement nommé pas en reste non plus pour enfoncer le clou, pris en photo avec la si télégénique commissaire :
"François accouru le lendemain pour rajouter une couche avec un [Après un] contrôle normal par les forces de l’ordre, (…) ça dégénère, ensuite ça se transforme en guérilla urbaine, en violence inacceptable, intolérable ». Le porte-parole de Sarkozy alignant une nouvelle fois au mur les amis de sa future adversaire d'une dernière salve vengeresse : "L’ordre juste socialiste, c’est justifier le désordre (…). Alors que ces événements ont suscité un vif et légitime émoi dans la population française, le porte-parole de la candidate socialiste et la responsable des questions de sécurité au PS ont une fois encore cherché à justifier les actes de violences et de pillages inacceptables qui ont été perpétrés". Tout le monde aura noté l'opposition "ordre" et "désordre" : cela visait directement l'expression de Royal sur un "ordre juste". C'était donc bien elle que le pouvoir visait. Avec l'émeute de la Gare du Nord, Nicolas Sarkozy avait parfaitement réussi son entrée en campagne ! Et trouvé LE moyen d'embarrasser Ségolène Royal, qui avait déjà émis des idées trainant sur le même territoire sécuritaire que Nicolas Sarkozy, ce qu'il ne supportait visiblement pas. L'homme voulait rester maître de son image forte, et ne pas de laisser envahir par la candidate de gauche qui avait bien perçu le penchant naturel du personnage, en venant le provoquer sur ses plate-bandes réservées jusqu'ici. Elle était même sur le point d'y arriver... avant la gare du Nord. Personnellement, je rappellerai ici-même les accointances déjà perceptibles entre la pensée sarkozyste et ... Ordre Nouveau (**), mouvement fascisant des années 68. J'écrivais en effet ceci le 21 avril, donc avant l'élection : "dans cette campagne 2007, ce qui ressortira dans quelques années, c’est la découverte d’une personne, d’un candidat, qui jusqu’ici paraissait relativement censée, et qui révèle, au fur et à mesure, une étrange personnalité. Personne, -jusqu’à une époque récente - n’aurait pu s’attendre à retrouver chez monsieur Sarkozy le double rajeuni de Pétain ou le clone aseptisé de Jean-Marie Le Pen. Et pourtant, toute sa rhétorique véhicule les mêmes idées et utilise les mêmes mots, mais personne n’y avait prêté véritablement attention, le tout étant noyé dans une hyperactivité médiatique entretenue par le personnage depuis des mois pour faire écran à ces idées nauséabondes". Et nous y revoilà... à nouveau, aujourd'hui, cinq ans après ! Le sarkozysme a toujours le même fond de panier !
Le lendemain aussi de l'émeute, pas non plus une coïncidence, c'est un des fidèles parmi les plus droitistes de Nicolas Sarkozy, Hervé Novelli, qui était venu rajouter une méchante palanquée sur le dos des "socialistes", en les jugeant "toujours du côté des coupables et non du côté des innocents". Lui aussi, donc, enfonçait la gauche, à croire que les éléments de langage des communicants UMP sortaient tous de la même feuille dactylographiée distribuée à tous.
Celui-là, pour sûr, avait été expédié sur ordre également pour venir tenir une telle charge anti PS avec un tel aplomb. Lui, l'ancien du GUD et d'Occident qui tentera de bloquer quelque temps après un documentaire signé FR3 qui avait le mauvais goût de rappeler comment il avait manié lui-même la barre de fer dans sa jeunesse... ou ses liens étroits avec le néo-nazi Claude Harmel, membre du Rassemblement national populaire de Marcel Déat, un parti collaborationniste, de son vrai nom Guy Lemmonier, dont Madelin et lui diront qu'il avait été leur mentor au sein de l'ALEPS, financé par le patronat français. La présence d'un tel "spécialiste" à la Gare du Nord, le lendemain même des faits, où la barre de fer avait si bien été utilisée, me laissait personnellement pas mal dubitatif...
L'affaire avait donc été grave, et on s'attendait donc à des sanctions mémorables pour les fauteurs de troubles, une fois terminée. Plusieurs jours plus tard, on s'était dit qu'avec un tel barouf, dans les jours qui suivraient, ça devrait tomber sec dans la liste des jeunes raflés depuis mis au trou. Pas exactement. "Au final, 13 personnes, dont cinq mineurs, ont été interpellées" nous apprenait RFI le lendemain même des événements, "et on a appris par le nouveau ministre de l’Intérieur, François Baroin, que le passager sans billet était un ressortissant congolais sans-papiers, déjà connu des services de police".L'homme, Angelo Hoekelet, un congolais de 32 ans se verra condamné le 2 mai suivant, en procédure dite de flagrant déli, à six mois ferme pour dix réclamés par le procureur Yves Badorc. En plus d'avoir cogné plusieurs agents de sécurité de la RATP, il avait aussi proféré des menaces de mort au passage.
Quatre jeunes seront condamnés à des peines allant de quatre mois de prison avec sursis à six mois ferme pour avoir participé à ces émeutes. L'un d'entre eux, un Malien accusé d'avoir jeté une bouteille vide aux policiers, avait été en prime interdit du territoire français pour trois ans : il avait nié avoir fait quoi que ce soit ce jour-là. Au total, donc, seulement 5 personnes avaient été condamnées. Le cas le plus "exceptionnel" dans le genre étant celui de Sylvain Hancq, 23 ans, qui sera condamné, le vendredi 30 mars 2007, à dix-huit mois de prison, dont six ferme, par le tribunal pour avoir balancé sur les policiers situés douze mètres en dessous de lui une jardinière de fleurs pesant de 40 kg. Les ados présents dans la gare avaient filmé son arrestation mouvementée, mais aussi M6, qui était là pour le magazine "66 Minutes" (nous y reviendrons car cette présence ce jour-là a de quoi sérieusement poser question !).
Il avait été inculpé de tentative d'homicide et le procureur Bruneau Badré avait requis une peine de dix-huit mois de prison, dont huit avec sursis et mise à l'épreuve pour "des faits d'une exceptionnelle gravité". Son geste incensé aurait pu tuer, en effet et c'est une évidence. "Dûment châtiés" avait promis Nicolas Sarkozy : visiblement, ça n'avait pas vraiment été le cas. Au regard de l'événement médiatique, et de son influence lors de l'élection présidentielle, les condamnations étaient sans commune mesure. Une fois l'affaire passée et bien montée en épingle, se soucier du sort des personnes rendues responsables n'avait pas beaucoup mobilisé la presse. Mais surtout, aucun des casseurs filmés par les jeunes présents durant l'émeute ne figurait dans ce maigre lot : ceux-là, dont notre blond au crâne rasé et ces accolytes, étaient sortis tranquillement de la gare, vêtements neufs enfilés au dessus de ceux qu'ils portaient pendant qu'ils cassaient des vitres ! Une exfiltration dans la meilleure des traditions ! Aucune enquête n'avait été diligentée pour le retrouver. On avait arrêté des lampistes !
Le lendemain soir, au journal de TF1, on reviendra bien entendu sur les événements de la veille, en montrant les courses dans le vides des CRS (les CdS exactement dirigés par la commissaire Rachel Costard), les dégâts occasionnés, en parlant aussi de "300 casseurs"... la chaîne étant une des rares à montrer en fin de reportage les derniers événements survenus à l'extérieur de la gare, avec ici et là quelques poubelles enflammées comme l'avait noté Indymedia. Poivre d'Arvor concluant par selon lui un événement qui avait provoqué "une nouvelle passe d'armes droite-gauche". Sur le site où la vidéo du journal de TF1 est toujours visible, le commentaire résumait en effet fort à propos la situation exceptionnelle de 2007 de l'élection présidentielle : "à trois semaines du premier tour, alors que, selon les sondages, une petite moitié de l'électorat n'a pas encore fait son choix, tous les candidats mesurent, et redoutent, l'impact que cet événement largement médiatisé peut avoir sur l'opinion".
Comment faire verser le tiers d'hésitants, voilà ce qui avait été visé dès le départ. L'impact, on le constatera en effet. C'est Nicolas Sarkozy qui remportera au final l'élection. Selon Marianne, en effet, "rien n'y (a) fait : la violence des affrontements, leur passage en boucle dans les médias et sur Internet, venant après les émeutes de banlieue de 2007, permettent au candidat Sarkozy de garder la main. Emmanuel Tood y discernera la vraie raison du retournement de l'opinion, qui, dans les sondages, donnait Ségolène Royal gagnante jusque là". Le coup monté avait été absolument parfait ! Le papy Voise nouveau était arrivé, cinq annés après !
Heureusement, des jeunes (banlieusards) veillaient. Armés de leur téléphone portable, certains avaient filmé des séquences, qui mises aujourd'hui bout à bout, ont permis depuis d'établir tout le cheminement de ce qu'on été ces deux (ou trois) commandos ravageurs dans la Gare du Nord. Plus tard, en histoire, on les appellera, c'est sûr, les sauveurs de la démocratie. Car ce qu'ils nous ont laissé en témoignage, ce sont bien les preuves d'une expédition organisée exprès pour faire pression sur l'opinion. Un procédé ignoble, qu'il convient aujourd'hui de dénoncer avec force. Car il n'y avait pas que la photo d'un briseur de vitrines : il y avait plusieurs dizaines de vidéos... qui montraient l'expédition de duos de casseurs qui n'avaient rien de banleusards. Nous verrons demain le déroulement précis de ce saccage en règle, minutieusement organisé, et, heureusement filmé de bout en bout.
(*) "Un décompte officiel mené du 1er avril jusqu’au jour du drame d’Orléans met en exergue que TF1 a diffusé 54 sujets sur l'insécurité dont 5% seulement ayant une connotation positive. L’affaire Voise constitue alors le point d’orgue de cette couverture éditoriale abondante et quasi unilatérale. LCI, la chaîne tout-info de TF1, va même jusqu’à diffuser 19 fois le reportage sur l’agression du retraité dans la même journée". Au final, l'insécurité a été médiatisée deux fois plus que l'emploi et huit fois plus que le chômage. Pourtant, les indicateurs du ministère de l’Intérieur sont formels : la période n'a pas enregistré de recrudescence de la criminalité. Conséquence : les diatribes sont sévères et concluent péremptoirement que cette mise en scène médiatique a fait le jeu des extrêmes et des ultra-sécuritaires".
(**) on peut relire à cette occasion le superbe poème de Prévert expliqué ici.
Le soleil gît sur le sol
Litre de via rouge brisé
Une maison comme un ivrogne
Sur le pavé s’est écroulée
Et sous son porche encore debout
Une jeune fille est allongée
Un homme à genoux près d’elle
Est en train de l’achever
Dans la plaie où remue le fer
Le cœur ne cesse de saigner
Et l’homme pousse un cri de guerre
Comme un absurde cri de paon
Et son cri se perd dans la nuit
Hors la vie hors du temps
Et l’homme au visage de poussière
L’homme perdu et abîmé
Se redresse et crie « Heil Hitler ! »
D’une voix désespérée
En face de lui dans les débris
D’une boutique calcinée
Le portrait d’un vieillard blême
Le regarde avec bonté
Sur sa manche des étoiles brillent
D’autres aussi sur son képi
Comme les étoiles brillent à Noël
Sur les sapins pour les petits
Et l’homme des sections d’assaut
Devant le merveilleux chromo
Soudain se retrouve en famille
Au cœur même de l’ordre nouveau
Et remet son poignard dans sa gaine
Et s’en va tout droit devant lui
Automate de l’Europe nouvelle
Détraqué par le mal du pays
Adieu adieu Lily Marlène
Et son pas et son chant s’éloignent dans la nuit
Et le portrait du vieillard blême
Au milieu des décombres
Reste seul et sourit
Tranquille dans la pénombre
Sénile et sûr de lui.
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