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Accueil du site > Tribune Libre > 3 janvier 1946 : De Gaulle installe Jean Monnet dans ses fonctions (...)

3 janvier 1946 : De Gaulle installe Jean Monnet dans ses fonctions impériales

C’était ce que voulaient les États-Unis. Mais aussi la grande bourgeoisie française. De Gaulle l’avait donc fait : 17 jours plus tard, il démissionnait (20 janvier 1946).

La preuve en est désormais établie : jamais la France ne s’est remise de cette décision qui reste, aujourd’hui encore, masquée aux yeux de nos concitoyens et concitoyennes.

Ainsi, au-delà des cinq crises immédiates que lui annonçait Michel Debré dans sa note du 19 janvier 1946 (de ravitaillement, financière, administrative, économique, sociale), au-delà du déclenchement de la guerre en Indochine, De Gaulle livrait son pays, pieds et poings liés, à la puissance impérialiste dominante : les États-Unis.

De l’adoption d’une monnaie délibérément pourrie d’avance (je renvoie à mon livre Quand le capital se joue du travail), à l’ensemble des mesures dont Michel Debré vient de nous indiquer les conséquences, en passant par la tutelle économique gracieusement offerte à Jean Monnet et, à travers lui, aux États-Unis, De Gaulle prétendra tout assumer. Georges Pompidou s’en est fait l’écho en rapportant, dans son livre Pour rétablir la vérité, ce charmant discours que lui tenait De Gaulle le 4 septembre 1948 :
« Si, en 1945, j’avais créé une sorte de dictature militaire, ça se serait terminé par une catastrophe nationale au profit des communistes. Il fallait donc laisser s’installer cette soi-disant démocratie, mais en la condamnant par avance. Je leur ai attaché une casserole dont ils ne se débarrasseront pas et, pendant ce temps, le pays s’habituera à l’idée des disciplines nécessaires. » (page 65)

Or, dès après son retour des États-Unis (22-26 août 1945), De Gaulle savait qu’il allait devoir montrer toute sa bonne volonté au président Truman, sans quoi sa carrière politique n’irait pas très loin. Ainsi, en présence de René Capitant et de Claude Guy (son officier d’ordonnance), déclare-t-il, le 15 octobre 1946 :
« L’avant-dernier été, lorsque j’ai rendu visite à Truman, il m’a avancé six cent millions de dollars. Mais cette somme était infime par rapport à nos besoins. Pourquoi n’a-t-il pas fait plus ? Parce qu’il ne voulait pas jouer sur moi à fonds perdus. Le State Department ou le Foreign Office ne nous prêteront rien tant que la politique française n’aura pas pris une orientation précise et durable. Car il nous faut bien considérer qu’en dehors de l’Italie, nous sommes le seul pays du monde à faire procéder l’autorité de l’État et l’ensemble des affaires publiques exclusivement des partis ! Ce qui explique la pagaille de l’Italie et la nôtre ! Rien ne permettait donc à Truman, à l’époque considérée, de faire fond sur moi. »

Il allait donc falloir agir contre les partis… C’est-à-dire contre ce qui permet au peuple, à travers le suffrage universel, d’exercer sa souveraineté. Au premier rang des partis, et plus dangereux qu’eux tous pour les possédants : le parti communiste…

Revenons à Gaston Palewski ("conglomérat Wendel"), et au circuit qu’il aura suivi pour rejoindre De Gaulle à Londres en 1940. Ceci se passe après le bombardement, par les Britanniques, des navires français présents dans le port militaire de Mers el-Kébir (golfe d’Oran, Algérie) le 3 juillet 1940, où il y avait eu 1297 morts :
« Je partis donc un matin dans un avion à destination du Portugal. Il me déposa à Lisbonne où je fis surface quelques heures. »

La suite commence à nous mettre la puce à l’oreille :
« Puis, en compagnie de l’ambassadeur d’Angleterre, sir Walford Selby, que j’avais retrouvé à Lisbonne, nous partîmes un après-midi pour arriver en Angleterre dans la nuit. »

On le voit, Gaston Palewski n’est pas n’importe qui, du point de vue britannique. Mais il y a mieux :
« Churchill me reçoit dans la salle du conseil de Downing Street. »

Rien que ça.

Que se sont-ils dit à propos d’un De Gaulle  ? De ses soutiens possibles, en France et ailleurs ?

Bondissons maintenant vers la fin de l’année 1945. Dans ses Mémoires d’action, Gaston Palewski nous met soudainement en alerte :
« Je raconterai dans quelles circonstances j’ai pu suggérer au général de Gaulle la création d’un service du Plan et la nomination à sa tête de Jean Monnet. »

Et nous qui avions jusque-là cru que les rapports de Charles de Gaulle et de Jean Monnet avaient toujours été exécrables… Et tout particulièrement à Alger en 1943…

Ensuite, Gaston revient sur l’époque de la Libération :
« Il n’était pas question de la prise du pouvoir par les communistes français, mais la difficulté était que De Gaulle, qui pourtant détenait une force politique énorme, un grand prestige du fait qu’il s’était identifié avec la Libération, ne possédait pas d’agents d’exécution. »

D’exécution… Que veut dire cela, dans le contexte de l’époque ?

Consultons le général Jean Compagnon, biographe de Leclerc, d'un Leclerc dont il nous dit qu’à l’été de 1945 :
« Il semble que De Gaulle lui ait fait envisager une autre affectation. Le 24 juillet, il rédige une lettre qu’il n’enverra pas en raison de son ton, estimé après réflexion abrupt à l’excès. Il y refuse des postes éventuels de gouverneur militaire de Paris ou de commandant des troupes pouvant éventuellement intervenir en maintien de l’ordre. De tels postes, trop liés à la politique, ne lui conviennent pas. »

Leclerc ("conglomérat Wendel", tout comme Gaston Palewki) n’a pas envoyé ce courrier… d’un ton abrupt… dans lequel il ne pouvait qu’être question d’une réédition de… la Commune de Paris, à laquelle ce vrai général ne voulait certainement pas mêler son nom.

Et voilà notre De Gaulle sans agent d’exécution… Et qui doit pourtant réussir à se passer des partis pour complaire à Truman… À moins qu’en recourant à… Jean Monnet. Mais comment ?... En lui fournissant quel rôle ? C’est Gaston qui a la réponse…


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5 réactions à cet article    


  • jctheo 18 juillet 2015 15:41

    C’est incroyable ce qu’on peut dire comme bétises et contre vérités avec aplomb mais sans jamais rien prouver..évidemment


    • hans-de-lunéville 18 juillet 2015 16:47

      @jctheo
      et vous ne pouvez ,non plus, démontrer ce que vous avancez.... Pour bien comprendre tout cela il faut avoir eu beaucoup de conversations avec beaucoup de gens de cette époque et lire certains livres qui ne sont pas (ou plus) en vitrine. Merci Mr Cuny.


    • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 18 juillet 2015 17:30

      @hans-de-Lunéville
      Oui, avec les drames que représentent parfois ces rencontres avec des personnes qui ont souffert des agissements de De Gaulle tout en l’ayant côtoyé de très près. Je ne mentionnerai ici que Raymond et Lucie Aubrac, Serge Ravanel et Pierre Meunier avec qui nous avons, Françoise Petitdemange et moi, entretenu une correspondance, après avoir partagé, avec les trois premiers, quelques tribunes de salles de conférence, et tout particulièrement au Musée Jean Moulin de la gare Montparnasse le dimanche 19 octobre 1997, où nous nous trouvions également en compagnie du... général Alain de Boissieu (gendre de Charles de Gaulle).
      Des enregistrements de ce colloque ayant été réalisés par la directrice du musée, madame Lévisse-Touzé, il est vérifiable que lorsque j’ai affirmé, à la tribune donc, que le général de Gaulle avait osé truquer, dans ses Mémoires, le texte fondateur du CNR sur un point essentiel, le général de Boissieu ne m’a pas injurié de quelque façon que ce soit.
      Tout simplement, il est venu se joindre à Françoise Petitdemange et moi, pour nous demander à quel endroit précis ceci figurait.
      Il avait bien mesuré qu’il y avait là quelque chose de terrible. Et loin de nous dire que lui savait tout sans avoir rien à prouver, il nous a quitté(e) en nous disant : « Cela, je ne le savais pas. Je vais voir moi-même de quoi il s’agit ».
      Ce que chacune et chacun peut faire en se référant à ce blog :
      http://souverainement.canalblog.com
      Je laisse les abrutis à leur abrutissement.
      Et je souhaite vivement faire un long chemin avec celles et ceux qui, comme vous, comprennent bien tous les risques que nous courons à laisser revenir cet animal terrible que dénonçait Bertold Brecht.


    • jctheo 18 juillet 2015 21:10

      @hans-de-lunéville
      Je suis de cette époque, j’ai vécu tous ces évènements et j’ai beaucoup vu et beaucoup lu...
      Je pourrais aussi bien vous dire que c’est le soleil qui tourne autour de la Terre , et la preuve , c’est qu’on peut le constater chaque jour .Hors on sait depuis Galilée que c’est faux .....Comme vous le voyez c’est facile de tromper..
      Il s’agit ici de désinformation , une technique bien mise au point ..depuis M.Goebels ...et reprise par tous les gouvernements aussi bien socialistes que conservateurs.Et ça marche , souvent ..Notamment en ce moment ...
      Croire des idioties c’est risquer de devenir idiot à son tour....


    • izarn izarn 18 juillet 2015 22:05

      ...Il serait quand meme plus judicieux de citer de Gaulle lui meme dans ses « Mémoire d’Espoir », plutot que de faire place à des ragots invérifiables, colportés par ces personnes dont de Gaulle dira :
      "
      Comme si le but d’une politique française était de faire plaisir aux autres pays et de faire en sorte qu’il n’y ai plus de France ! Surtout ne pas faire de peine aux étrangers ! Il y a chez nous toute une bande de lascars qui ont la vocation de la servilité. Ils sont faits pour faire des courbettes aux autres. Et ils se croient capables, de ce seul fit, de diriger le pays. Inutile de dire que tous ces individus ne peuvent plus cacher leur dépit. Tous ces Jean Monnet, tous ces Guy Mollet, tous ces Paul Reynaud, tous ces Pleven, tous ces Spaak, tous ces Luns, tous ces Schroeder, tous ces Cattani, forment une confrérie européenne. Ils pensaient pouvoir se répartir les places et les fromages. Ils sont tout surpris de voir que ça ne marche pas tout seul. Alors comment vous étonner qu’ils ne soient pas contents ? Ils sont malades d’être tenus à l’écart ! Ils peuvent compter sur moi pour les tenir à l’écart tant que je pourrai le faire.  « 

       »Le comportement de notre presse est scandaleux. Ca fait d’ailleurs vingt-trois ans que je le constate. (il compte à partir du 18 Juin, comme pour sa propre légitimité.) La presse française déteste la France. Alors ça fait vingt-trois ans que j’essaye de doubler la presse, qui m’est résolument hostile, par la radio, et maintenant la télévision, pour atteindre les Français. Mes efforts n’arrivent pas à changer les choses, malgré quelques modestes résultats.« 

       »Les bourgeois ne le sont plus (patriotes) ; c’est une classe abâtardie. Ils ont poussé à la collaboration il y a vingt ans, à la CED il y a dix ans. Nous avons failli disparaître en tant que pays. Il n’y aurait plus de France à l’heure actuelle."

      Etonnant non ? On se croirait aujourd’hui !

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